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La réapparition de l'Empire

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Le royaume de Charles s'était étendu aux dimensions d'un monde. Depuis 774, Charlemagne était devenu l'arbitre tout-puissant de l'Occident et comme le seul détenteur du pouvoir réel dans le monde chrétien à partir du fait, de plus, de l'affaiblissement de Byzance vu le règne de l'impératrice usurpatrice Irène à partir de 797. L'avènement de l'Empire marque aussi le recentrage de l'intérêt de l'évangélisation de Rome en direction du Nord de la Chrétienté. Le sacre, d'une façon générale -tel celui qui avait eu lieu à St-Denis- venait des Wisigoths ou de l'onction des évêques -qui faisait du roi des Francs l'"évêque du dehors"- ou de celle de l'Ancien Testament. L'empire auquel on fait référence alors est l'Empire romain chrétien, celui de Constantin et de Théodose. Charles, roi germanique, donne la préférence à la pratique, l'ordre et la Chrétienté. Plus ponctuellement, en ce qui concerne le couronnement de l'an 800, il y avait eu, cette année-là, un coup d'Etat à Byzance et il n'y avait plus d'empereur en Orient. Charles avait alors 58 ans, le pape Léon III avait mauvaise réputation. C'est dans ces circonstances qu'Alcuin saisit l'opportunité d'avancer l'idée du couronnement impérial. Mais le pape renversa la situation: il imposait la couronne à Charles (et il avait également modifié l'ordonnancement habituel de la cérémonie, y prenant le rôle principal). Après 800, il y aura plus de religion dans le monde franc: Charles est désormais le Lieutenant de Dieu sur Terre, comme l'avaient été Constantin et Théodose. Les Francs étaient devenus le nouveau Peuple élu, chargés d'instaurer la Jérusalem terrestre. Dès auparavant, Rome, dèjà, les considéraient comme ceux qui ont couvert d'or les corps des martyrs que Rome avait persécutés. Les Carolingiens ont, avec le pape, rétabli l'Empire dans sa partie occidentale. Ce mouvement politique d'importance, qui marque la naissance de l'"Occident", se place dans diverses logiques. L'effondrement de Rome avait été celui de la ville et des institutions politiques au profit de la campagne et de la vie privée (groupes familiaux, vengeances, violence, jouissances, corps, etc.). Le Sud de la Gaule conserva peu ou prou l'esprit romain jusqu'au IXème siècle et une fois acquis la fin de Rome, certains, déjà, s'étaient tournés vers l'évangélisation des Barbares. Charlemagne, par certains aspects, resta un "heer-könig", un chef germanique avec fidélités dues au butin de guerre et, finalement Verdun reviendra au partage des biens du chef entre les fils. Le retour à l'abstrait ne sera finalement le fait que des Capétiens, sous l'influence des clercs. Ainsi le droit devint le droit germain et les affaires privées dominent le droit et les tribunaux (héritages, bornage, ventes, etc.) et, vers 800, le vol des biens meubles, favoris des Germains, est toujours plus puni que le meurtre; l'impôt, parce qu'il n'est pas payé par les libres, les Francs, disparaît; même l'armée se privatise au profit des compagnonnages guerriers l'armée se privatise alors que les hauts fonctionnaires sont liés aux fonctions privées du palais et les "nutriti" sont choisis pour la confiance et pas forcément la compétence. Toute cette "privatisation" mènera finalement à la féodalité (la monnaie et les routes comprises). Les groupes de vassaux primitifs ont permis l'ascension des Carolingiens. Alors que la notion de bien public, de "res publica" avait disparu sous les Mérovingiens, on voit apparaître, sous les Carolingiens, quoique sans théoriciens, le concept, au moins, d'une unité d'intérêt entre le souverain et ses peuples. Et même s'il y a les embryons d'une théorie, la pratique entrave cette renaissance des concepts politiques. La réalité reste les liens d'homme à homme et les rapports de force. La "Reichsaristokratie" est contituée de 30 familles qui monopolisent les fonctions comtales et les postes ecclésiastiques et dont il faut entretenir la fidélité. Ces familles viennent des Grandes Invasions et résultent de la fusion entre Germains et nobles gallo-romains. La vassalité (dont les deux actes visibles: les mains jointes du vassal dans celles du seigneur et le seigneur remettant un objet symbolique du bénéfice), le serment de fidélité, l'Eglise, les poids et mesures, la monnaie unique, une forme d'harmonisation des "lois" nationales, le système judiciaire, l'assemblée annuelle, s'efforceront de mettre de l'ordre et d'empêcher la propension naturelle de l'Empire franc aux tendances dissociatrices. Cependant, dès Louis le Pieux, par exemple, on ne retouvera plus que 27 des capitulaires de Charlemagne

Unité de l'Eglise et identité de l'Occident

En pratique, le vieil Empire romain, depuis qu'il était passé à l'Eglise, parce que Rome était devenu le siège de Pierre devenait l'empire voulu par Dieu pour porter l'Evangile au monde. L'Eglise favorisait le concept d'empire pour cause d'universalisme. Le pape Léon le Grand, vers 450, s'adressait à Rome ainsi: "Tu es devenue la nation sainte, le peuple élu, la cité sacerdotale et royale..." L'augustinisme, dominant à l'Ouest, veut un équilibre entre les pouvoirs spirituel et temporel (sans compter une propension, déjà, à ce que certains papes souhaitent une supériorité du premier). Les papes, parce qu'ils tiennent à l'unité des parties est et ouest de la Chrétienté vont tergiverser avec Byzance jusqu'en ce VIIIème siècle où ils constatent que Byzance, un empire grec, ne peut définitivement agir en Occident. Ce sera la "donation de Constantin", des années 750, qui affirmera la théocratie pontificale, le pape ayant reçu les insignes impériaux et le pouvoir impérial de l'empereur Constantin. Rome, de plus, disent les papes, ne dépend plus que de Dieu et Rome est en Occident et plus à Byzance. L'Occident, alors, par les différents efforts des Eglises locales (culture, enseignement, etc. voir le tutorial "Evolution générale de la culture de Rome aux Carolingiens") est devenu une entité propre, européen, qui n'est plus l'antique Rome; les conciles de l'Est, par ailleurs, ne s'appliquent plus à l'Ouest et les Eglises de l'Ouest ont longtemps vécu loin de Rome. Pour mémoire, on signalera ici que, d'une façon générale, les institutions de Rome, malgré leur éclipse entre Vème et IXème siècles restaient dans la mémoire collective -surtout celle des clercs: "Res publica" (née du passage de l'antique République moderne au système du Principat), droit laïc, rationnel et clair. Charlemagne est David dès 794 (et le sera encore en 799 pour Alcuin) avec le concile de Francfort et devient Constantin en 796 de la volonté du nouveau pape, Léon III, dont la position à Rome est peu établie. En réponse, Charles répartit les rôles: à lui les combats et la défense de l'orthodoxie, au pape seulement la prière, ce qui sont les vues de Théodulf: les clés du Ciel sont du ressort du pape et le gouvernement des peuples et des clercs celui du roi; le pontife ne tient ses pouvoirs que du roi. Alcuin, lui, avec Arn, est le promoteur d'une Chrétienté à deux têtes, le pape et l'empereur se soutenant mutuellement; "empire", "franc", "chrétien" se mêlent (pour Alcuin, Babylone, les Perses, les gréco-macédoniens et Rome furent les quatre grands empires qui précédèrent l'empire chrétien). Paulin d'Aquilée estime que Charles est arrivé aux limites maximales du pouvoir d'un roi. A l'encontre de ces vues équilibrées des intellectuels, Charles sait que les relations entre Rome et lui ne peuvent être que des relations de force. Le pape, lui, se fonde sur la tradition: les Barbares en Occident lui permettent, dès vers l'an 500, d'affirmer une autre théorie du pouvoir que celle sur laquelle s'appuie l'empereur d'Orient. Contre le césaropapisme -l'empereur est chef temporel et religieux- le pape -appuyé sur St Ambroise et St Augustin- prône la théocratie:. L'empire, dont il est le dépositaire pour l'Ouest, confond empire et peuple chrétien: l'empereur n'est pas au-dessus de l'Eglise, il en fait partie; le corps politique est même le corps mystique du Christ (ce qui permet le concept des deux pouvoirs, le temporel et le spirituel), ce qui subordonne le temporel au spirituel pour la réalisation de l'"Eglise qui passe". Cependant, le pape, pour réaliser cet idéal, devra, dès longtemps, trouver un roi barbare qui y participe. Dès vers 500, le pape ne se satisfait pas de sa relation avec l'empereur d'Orient: l'empereur, aux cérémoniaux compliqués et qui divinisent sa personne, est césaropapiste: pour Byzance, le pape n'est qu'un évêque au même titre que le patriarche. Le pape a donc bien vu que, face à l'Orient (qui maintient la fiction de l'unité impériale mais ne peut plus l'exercer à l'Ouest), les Barbares sont l'occasion de s'affirmer le détenteur de l'autorité, y compris impériale, en Occident. Ce seront les débuts de la théocratie pontificale. L'idée d'empire chrétien va réunir la tradition romaine (l'empire) et la franque (le peuple, le roi). Tout cela est encore mouvant à l'époque carolingienne. Il n'est pas évident que la théorie des deux glaives soit très nette, par contre, chez les théoriciens de Charlemagne. Pour eux, le roi est "recteur et prédicateur", "rex et sacerdos", idées qui viennent d'Augustin, Gélase (fin Vème siècle), Grégoire le Grand (début VIIème siècle) ou Isidore de Séville. En tout cas, selon Alcuin, Dieu donne le pouvoir à l'empereur pour qu'il gouverne sagement au bénéfice du peuple; passé le temps de la guerre, le titre impérial amènera d'autres soumissions et le souverain n'aura plus qu'à ordonner. A Ingelheim, 20 avant Aix, les fresques du palais montrent Ninus (fondateur de Ninive et de la puissance assyrienne, aimé de Sémiramis), Phalaris (tyran d'Agrigente), Cyrus, Alexandre le Grand, Hannibal, Romulus et Rémus donnant d'autres indications sur l'univers mental de Charlemagne, Ninus et Phalaris semblant des références inhabituelles

Puissance franque et partis césaropapistes

Quels que puissent être les points de vue, on doit constater que, dès le règne du pape Paul Ier (757-767), le roi franc est le nouveau Constantin et le pape le nouveau Sylvestre. Du point de vue des Francs, on a bien conscience de l'essor de la puissance franque depuis Pépin le Bref, laquelle a affirmé aussi l'Occident: Charles règne depuis un continuum franc et germain. Mais, surtout, il n'est pas impossible que Charlemagne soit sous l'influence d'un parti byzantin (sans doute iconoclaste, qui a faussement présenté les résultats du concile de Nicée) qui le pousse dans le sens du césaropapisme (caractéristique, justement, de Byzance) voire d'un parti franc tout aussi césaro-papiste (ou peut-être plus gallican et qui, de plus, se rattache peut-être à la revendication de vers 600 de l'origine troyenne des Francs; l'époque amène aussi à considérer les Francs comme un peuple élu, leur roi comme un roi plus important que les autres, un roi chrétien). Les projets d'Aix-la-Chapelle commençant en 790, on doit se demander si l'idée impériale ne commence pas alors. A cette date, Charles est encore Salomon. C'est dans ces milieux des lettrés (en 799, Charles a présidé le concile d'Aix sur l'hérésie adoptionniste et a donc rencontré toute l'élite cléricale, dont Alcuin, revenu de Tours) que se nouera, finalement, le passage à l'empire: seuls eux savent que le "basileus" grec tient le titre impérial de Rome mais, pour l'opinion, en général, l'empire c'est Byzance, Byzance c'est les Grecs et le monde grec est loin, à l'Est; ils voient aussi la faiblesse conjoncturelle de l'Est (Byzance, d'une façon générale, chez les Francs, est méprisé pour ses moeurs; Irène a renversé son fils, a été elle-même renversée, la crise de l'iconoclasme a affaibli l'empire). Ils savent, par ailleurs, que Charles, roi de deux royaumes (Francs, Lombards), ce concept a déjà été qualifié auparavant, dans les milieux cultivés, d'"imperium". Ce sera l'attentat d'une faction de Rome contre le pape, en 799, qui viendra sceller la rénovation impériale: Charles, patrice des Romains va arbitrer à Rome entre le pape, les clans voire ses propres envoyés et imposer au pape un serment purgatoire de type germanique. Le pape, de son côté, pour ne pas accepter totalement le poids ce césaropapisme franc -après le byzantin- accomplira le geste du sacre de Charles pour Noël 800: début de la théocratie médiévale, il couronne empereur le roi franc et fait passer la traditionnelle acclamation ensuite -inversion du rite byzantin. Le sacre représentait sans doute pour Charles la perpétuation de l'onction accordée à Pépin en 752. On notera enfin, que 800, c'est aussi la mort de la reine Liutgarde. Les opposants byzantins d'Irène étaient prêts à offrir le titre impérial à Charles et les chroniques byzantines, d'une façon générale, estiment que c'est parce que Charles a secouru le pape et l'a mis sous tutelle que Rome l'a couronné

L'Empire carolingien

L'idéal apporté par l'Empire était celui du royaume de Dieu sur Terre où l'Empereur, désigné par Dieu, était le vice-roi de Dieu de sorte à conduire et gouverner tous les races divisées, selon la volonté divine, en nations, classes et rangs sociaux. Charlemagne n'aura pas vraiment assimilé le titre impérial et il partagera ses territoires en trois royaumes et le titre impérial semble alors oublié. Le couronnement de Louis en septembre 813, seul héritier du fait de la disparition de ses frères, hors de la présence du pape, semble marquer que Charles tend à finalement s'approprier l'Empire, qui deviendrait un empire franc, ce qui peut avoir été encouragé par le fait que l'empereur de Byzance, Michel Ier, en 812, a fini par admettre qu'il existe désormais deux empires, celui d'Orient et celui d'Occident. L'idée impériale est chère au pape et aux intellectuels carolingiens. Le sacre permet à Charles de régner sur toutes ses possessions: un empereur est plus qu'un roi; il règne désormais aussi sur les pays conquis. On va exiger le serment de tous les habitants de l'Empire et l'empereur devient le protecteur des Eglises. On étendra, dans le domaine des peintures murales, la représentation du silence de respect, une des prérogatives du palais sacré impérial, jusqu'aux églises des groupes épiscopaux. Dès 801, Charles devient "Sérénissime Auguste, couronné par Dieu, grand et pacifique empereur gouvernant l'Empire des Romains et par la miséricorde de Dieu, roi des Francs et des Lombards". Dès l'Empire on voit, dans le monde franc, des errements, de la part des clercs, dans l'exaltation de l'empereur où l'on voit employer une terminologie que les mêmes critiquaient pour ce qui était de l'empereur de Byzance. La nouvelle titulature rappelait celle des empereurs byzantins. Bien que désormais vicaire du Christ sur Terre et souverain de la nouvelle Europe chrétienne, la "Chrétienté" ces souhaits d'un pouvoir renouvelé furent difficiles à traduire effectivement en une nouvelle façon de gouverner et ne furent essentiellement qu'une simple "dilatation" de la façon dont on gouvernait jusque là le royaume franc. Il est évident que le retour de la notion d'Empire en Occident, quels que puissent être les débats sur sa réalité, a fait renaître le concept de pouvoir abstrait, indépendant de la personne de celui qui l'exerce. Ce nouveau pouvoir doit être reconnu par tous et, de plus, sa fonction principale est de protéger l'Eglise. Le roi franc, devenu empereur, continue de détenir les pouvoirs anciens du roi franc -le ban, pouvoir de commandement, le pouvoir militaire et le pouvoir de rendre la justice- mais un pouvoir nouveau apparaît, un pouvoir "législtatif", le pouvoir d'édicter des décisions générales s'imposant à tous les habitants de l'Empire. Ce sont les diverses formes des capitulaires (qui se stabilisent sous Louis le Pieux). Le pouvoir législatif de l'Empire tend à battre en brèche le vieux principe, né de la conquête, de la personnalité des lois: chacun a le droit d'être jugé selon le droit de son ethnie. Le mouvement à l'Empire a également influé sur les règles de transmission de la couronne qui, sous les Mérovingiens, étaient essentiellement restées celles des royautés germaniques: le pouvoir du roi, de type personnel, fondé sur la possession de domaines, est partagé entre les héritiers: les Carolingiens sont la famille royale dans laquelle l'héritier est nécessairement choisi; les Grands -tant laïcs que clercs- doivent consentir à l'héritier -et s'ils ne sont pas consultés, leur seul choix s'impose y compris au souverain règnant; enfin, l'héritier doit avoir l'aval du pape, qui le sacre. On voit ici l'influence certaine de Rome, gardienne de l'Empire, pour qui ce dernier est conféré, selon la tradition issue de Rome, par le peuple et l'Eglise. Quelques clercs ont compris que l'Europe a remplacé l'antique Rome (le concept d'Europe deviendra courant vers 880) et les Francs n'envisagent pas de devenir des "Romains". L'empire aura aussi gagné aux Francs une capitale fixe, Aix-la-Chapelle -et une cour- qui n'en restent pas moins au coeur du vieux pays austrasien. Il s'agit sans doute de cela que voient, au quotidien les élites et les peuples: un peuple franc, un peuple chrétien, un gouvernement plus affirmé; on comprend que Noël 800 a "restauré" voire créé l'Empire d'Occident, des Francs, un empire européen voire un empire chrétien. Cependant, les relations avec Byzance ou Rome et l'âge croissant de Charles posent d'autres questions: au gré des rapports de force, Byzance finira par admettre que Charles est "imperator" et "basileus" mais que Byzance conserve la référence à Rome, continuité qu'elle ne peut cependant plus affirmer -et Charles dans ces conflits sera allé jusqu'à s'affirmer "Empereur des Romains" et revendiquer cette continuité pour lui; le pape tendra tôt à réaffirmer son indépendance des Francs; enfin, d'un empire surtout franc, replié sur la continentalité, on tendra à assurer la perpétuation en s'efforçant de concevoir autrement le partage entre les fils du roi ("ordinatio imperii" de 806: un royaume en trois royaumes) et la question sera réglée dans les faits puisque Louis sera seul héritier en 811 et Charles lui confèrera l'empire en 813

Website Manager: G. Guichard, site Learning and Knowledge In the Carolingian Times / Erudition et savoir à l'époque carolingienne, http://schoolsempire.6te.net. Page Editor: G. Guichard. last edited: 7/9/2018. contact us at ggwebsites@outlook.com
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