Les vins de Bourgogne au XVIIIème siècle
Rédigée à partir de 1775, la "Description générale et particulière du Duché de Bourgogne", par l'abbé Courtépée, donne, entre autres, une excellente description de l'histoire du vin en Bourgogne et des crus -ou "climats"- déjà réputés de son temps. Les crus ou climats sont de petits ensembles de vignes dont l'unicité, en termes de sol et d'exposition par exemple, produit un vin unique pour ce qui est du goût et de qualités. Depuis le XIème siècle le classement des terroirs de Bourgogne se fait sur la base de la géologie. Les Celtes de Gaule et d'ailleurs, avant l'occupation romaine, buvaient du vin italien importé, particulièrement du vin de Toscane, importé par le Rhône et la Saône. Ce goût fut sans doute à l'origine de certaines exéditions gauloises contre Rome. Ainsi, les Gaulois, grands amateurs de vins, s'y adonnèrent totalement sous les Romains -une vigne venue de Marseille- au point que l'empereur Domitien ordonna en 92 ap. J.-C., année de disette de blé, d'arracher la moitié des vignes et de ne plus en planter. On revint à la liberté sous Probus en 282. Les vins d'alors sont aromatisés aux herbes, aux épices ou aux fruits et enrichis de miel voire de sel pour la conservation et les Romains boivent le vin très coupé d'eau: le vin pur est l'apanage des dieux -les Gaulois le buvant pur sont considérés comme barbares. Le tonneau sera une invention gauloise et le vin détrône la cervoise alors que le culte du dieu Bacchus se répand en Bourgogne. Au VIème siècle, les côteaux de Bourgogne avaient déjà une si grande réputation qu'on en comparait les vins aux meilleurs d'Italie et qu'on avait cessé d'en importer de Gaza et de Palestine, vins qui jusqu'alors faisaient l'extraordinaire des bonnes tables romaines depuis Pompée. Le relais, après les Invasions Barbares, passera aux monastères: le vin est une boisson sacrée, symbole du sang du Christ et les abbayes et monastères sont dotés en terres par les laïcs alors que les moines conjugent prière et travail. En Bourgogne les Bénédictins -dont l'ordre devient de plus en plus de Cluny- en sont l'exemple, possessionnés dans la côte chalonnaise et le Mäconnais sans compter quelques vignes plus au Nord (la Romanée-St-Vivant ou les vignes de l'abbaye de Bèze). Le vin sert à l'Eucharistie et, la viticulture étant améliorée par les moines, des surplus finissent par pouvoir être vendus. Cet effort sera ensuite poursuivi par les Cisterciens qui détiennent des vignes de Chablis jusqu'à Chalon-sur-Saône via la côte de Nuits et de Beaune et, d'une façon générale, ce sont les moines du Moyen Age qui définiront les "climats", parcelles de terre aux vins de caractères différents et les "clos", des climats entourés de murs, tradition bourguignonne typique (dont les murs captent la chaleur du Soleil ou protègent les vignes des animaux). Les ducs de Bourgogne maintinrent la tradition, avaient leurs clos et faisaient présent de leur vin aux têtes couronnées. Les vins de Beaune furent au sacre de Philippe de Valois à Reims. Les villes, y compris ailleurs dans le royaume, en offraient aux ducs et aux rois lors des "entrées". Cluny et Citeaux en fournissaient à la cour des papes d'Avignon et Pétarque attribue au Bourgogne que les cardinaux n'aient pas été empressés de repartir pour Rome. Il n'y avait pas, en Italie, de "vin de Beaune". Le vin de Beaune passait pour le premier d'Europe et fut célébré, à la Renaissance, par Erasme. La maladie de Louis XIV en 1680 donna à la cour la préférence aux vins de Bourgogne à ceux de Champagne (ce qui fâcha les Champenois et entraîna de doctes disputes sur les bienfaits, en termes de santé, des vins de Bourgogne et de ceux de Champagne). Du vin de Beaune est offert à Jean Sobiesky, roi de Pologne et, à la fin du XVIIème siècle, on dit en avoir bu à la cour du roi de Perse. Les vignes hollandaises du Cap de Bonne Espérance, en Afrique du Sud, viennent de Beaune et, au XVIIIème siécle, Philippe V d'Espagne ne boit que du vin de Bourgogne à Madrid. Idem les rois du Nord et la cour du pape, en partie. Malgré l'ordonnance de 1395 de Philippe le Hardi contre le Gamay, ce plant "déloyal" s'est développé au point de remplacer le froment dans des champs qui le portaient bien
Les Beaunois prétendent qu'ils ont, eux seuls, la possession exclusive des meilleurs vins de Bourgogne. Si cela semble historiquement justifié puisqu'on confond, depuis le Moyen Age, vins de Beaune et vins de Bourgogne, il faut cependant dire que les climats de Chambertin et de Bèze dans le Dijonnais, ceux de Morey, Chambolle, Vosne, Vougeot, St-Georges dans le Nuiton leur disputent avec raison la préférence. On peut donc considérer que trois régions connaissent déjà, au XVIIIème siècle, des vins de qualité: la côte dijonnaise jusqu'à Chambertin, la côte nuitonne et le Beaunois
- le Dijonnais: les vins se font sur une côte qui commence à s'élever au pied de Dijon. La côte, exposée à l'Est et au Sud, finalement, continue jusqu'à la Provence. En 1485, le roi ordonna d'arracher les vignes aux alentours de Dijon qui étaient plantées sur des terres propres au labourage. Le vignoble de Dijon connaît les Crays de Pouilly, Poussots, Rosés, Perrières, qui sont des vins légers et délicats. Fontaine et Talant, deux villages de l'Ouest dijonnais, donnent des vins communs mais ceux du climat des Violettes et des Mardors sont excellents "à la troisième ou quatrième feuilles" et "plus rosés que les précédents"; ils "peuvent faire commission". Dijon a toujours possédé une importante population de vignerons qui cultivent leurs vignes alentours soit comme propriétaires soit comme fermiers. Sont bons aussi les vins de Chenôve, premier village de la "bonne côte". On y trouve le "clos du Roi" et quelques climats qui donnent de très bons vins (gardés 5 ou 6 ans, ils deviennent comparables à ceux de Nuits). Les vins de Marsannay sont inférieurs aux précédents. Couchey, Fixey, Fixin (où se distingue les Perrières) et Brochon fournissent les meilleurs "vins d'ordinaire". La "côte du Dijonnais" se termine à Gevrey. La vigne s'y cultive mieux qu'en tout autre endroit du bailliage de Dijon. On y produit un excellent vin d'ordinaire. S'y distinguent les climats de Chambertin et de Bèze, "têtes des vins du Dijonnais"; ils se gardent longtemps et supportent le transport. A noter qu'au Nord de Dijon, on trouve aussi grande quantité de vignes à Selongey, Gemeaux, Is-sur-Tille, Chaignay, Epagny, Pichange, etc. mais ils sont emplantés de tous plants et ont des expositions variées donc les vins sont de qualité bien inférieure aux précédents. Les meilleurs de cette "arrière-côte" sont ceux de Selongey
- la côte nuitonne: la Côte de Nuits produit les meilleurs vins de Bourgogne. Leur célébrité vient de la fistule de Louis XIV à qui Fagon ordonna un vin pectoral. Le plus excellent est le Vosne; "tête des vins de Bourgogne", renommé dans toute l'Europe. Il n'y a pas de vins communs dans les vins de Vosne. Les climats les plus distingués sont sur le côteau au-dessus de l'Eglise: la Romanée (qui appartient au prince de Conti), la Romanée de St-Vivant, le Richebourg, le clos des Varoilles, la Grande Rue, la Tache, le Malconfort, les Echezaux, les Beaumont (ces deux derniers sur le finage de Flagey). Leur supériorité aux autres vins du Nuiton a commencé d'être affirmée vers 1680. A Nuits le climat de St-Georges est renommé ainsi que le Boudot. A Morey, les vins fins sont justement renommés. Les vins de Chamboles sont excellents, ont beaucoup de bouquet et de franchise. Vougeot a aussi de bons vins. Premeaux produit un vin de première qualité de la côte de Nuits. Pour ce qui est des Hautes côtes de Nuits, leur apogée a eu lieu entre XIème et XIVème siècle. Leur origine tient aux chanoines de St-Denis qui s'y installèrent en 1028 au service des sires de Vergy puis des ducs de Bourgogne (Eudes III, Philippe le Bon); puis les vignes auraient commencé à péricliter, vers 1350, du fait du changement climatique qui commençait alors
- le Beaunois: pour le Beaunois, ce qui d'ailleurs se reflète dans les prix, le Volnay est le vin le plus léger, le plus fin, le "plus de primeur"; Pommard a plus de corps et de franchise et se soutient mieux dans les pays chauds. Le Beaune a plus de couleur est plus agréable à boire et est encore plus franc. Le Savigny et le Chassagne sont plus moëlleux à la 2ème et 3ème feuille. Quelques cantons d'Aloxe, surtout le Corton, prétendent les égaler au moins pour la finesse. Le Pernand est plus ferme que l'Aloxe mais n'en a pas le bouquet sauf les Vergelesses qui valent les bons climats de Savigny. Le Monthélie, du côté de Volnay, équivaut le Savigny et surpasse l'Auxey. L'Auxey a de la force et de la légèreté mais n'a pas la franchise du Savigny. Le Santenot de Meursault se compare au Volnay (les blancs sont excellents et méritent leur réputation). Le Montrachet l'emporte sur tous les vins blancs de Bourgogne et d'Europe. On peut encore distinguer les rouges de Morgeot, le Clavoillon, les Gravières, le clos Tavannes et les vins de Santenay. Ce sont les climats de Beaune, Pommard et Volnay qui sont supérieurs aux autres même si un certain nombre de cuvées se distinguent ailleurs. Plus en détail, à Aloxe, Charlemagne donna des vignes à la collégiale de Saulieu ou "clos de Charlemagne" qui donne un très bon vin blanc et rouge. Le climat "Corton" est excellent (autrefois vin blanc renommé qu'on a arraché depuis qu'on a connu la qualité du rouge); les vins d'Auxey grand et petit sont renommés depuis le XVème siècle et ils se vendaient à Metz. A Chassagne se trouve le plus excellent vin blanc d'Europe; il se distingue en "vrai Morachet", "Chevalier" et "Bâtard". Meursault (avec Monthélie) a un bon vignoble dont les vins blancs sont renommés dans toute la France. Les meilleurs climats sont les Charmes, les Perrières, les Génevriers, la Goutte d'Or. Pour le rouge, le Santenot est un autre grand vin, qui se trouve près de Volnay, où sont les plus fins "noiriens" [vins rouges?]. Les Passe-tout-Grain sont appelés les "médecins des autres vins" et les meilleurs ordinaires en vieux des bonnes tables. Le vin de Monthélie est estimé. A Pernand, le clos de Charlemagne donné à Saulieu par l'empereur et déjà mentionné, est en grande partie sur le finage. Les meilleurs climats sont Vergelesse et Boutière, du côté de Savigny; A Pommard, les vins sont renommés pour leur finesse et franchise et ils suivent ceux de Volnay pour le prix. A Puligny se produit un bon vin. A St-Romain, les meilleurs climats sont sous le Château et Poliange. A Santenay, le vignoble est considérable; les meilleurs climats sont la Gravière, le Clos Tavanes, le Clos Pitois. Le vin de Savigny-les-Beaune est renommé. Les plus fins climats sont les Guettes, les Vergelesses, les Jarrons. Les Volnay sont l'excellence des vins; autrefois vins de primeurs et paillés et se faisant au sortir de la vigne sans être mis en cuve, ils sont aujourd'hui cuvés et rouges et se conservent plusieurs années. Le ban de Volnay règle ordinairement les vendanges de toute la Côte
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