logo du site et lien-retour vers la home page française image décorative flèche retour

Le césaropapisme carolingien

bandeau décoratif pour les pages du site, qui rappelle celui de la page d'accès général et celui de la home page de la partie française

Tout ce qui se dit, se fait au sujet de l'Eglise sous les Carolingiens est marqué du césaropapisme. Le césaropapisme, qui n'est pas propre aux Carolingiens, est la volonté du pouvoir politique de s'arroger un droit de regard sur les affaires de l'Eglise jusques et y compris le dogme. Il se sera vu dès l'Empereur Constantin et deviendra la caractéristique de l'empire Byzantin. Le césaropapisme, d'une manière générale, est souvent une source de troubles dans l'Eglise. On a déjà vu que la volonté carolingienne, depuis l'époque de Boniface et Charles Martel, est d'accepter cette volonté de rénover l'Eglise franque, qui vient des papes, certes mais aussi d'en garder le contrôle. On veut réformer, on veut une Eglise qui reste franque et, finalement, Charlemagne voudra utiliser cette Eglise mieux instruite au service du gouvernement du regnum puis de l'Empire. Au césaropapisme se mêle le gallicanisme, cette volonté des clercs francs de maintenir leur particularismes et peut-être et surtout aussi, leur autonomie d'avec le pape de Rome. Le gallicanisme est également source de troubles et, lui, aussi, se retrouve dans d'autres pays, sous d'autres formes. L'époque est à la fois à l'affaiblissement de Byzance par la querelles des Images et l'effort carolingien concernant l'Eglise est également volonté de débarasser l'Occident de l'influence de Constantinople dans les affaires de l'Eglise franque. L'Occident se démarque de Byzance sous la direction du roi franc et l'importance de ce dernier devient telle que, finalement, les papes de Rome ne peuvent empêcher le mouvement. L'implantation de l'Eglise en Germanie, par exemple, se fera sur la base d'une liturgie purement franque, occidentale. D'une façon générale, on peut considérer que le césaropapisme carolingien aura fait de l'adoption du rituel romain un élément de l'unité du royaume

Liturgie

Se pose la question de l'unité de la liturgie: les désordres, en effet, ont amené une variété considérable (les textes sacrés, les formes de la prière ne sont plus communes dans l'Occident chrétien -en Orient, de plus, on notera que se juxtaposent des rites "nationaux"). Pour ce qui est de la messe, on passe de la diversité à un effort d'unité. A Rome, depuis longtemps, on utilise soit le Sacramentaire gélasien (dit "ancien Sacramentaire gélasien", qui serait du pape Gélase 492-496) pour les églises des paroisses de Rome, soit le Sacramentaire grégorien (pour les offices pontificaux; dû en partie à Grégoire le Grand, 590-604). Ces textes comportent le commun (le fond, le "canon") de la messe et pas le propre (textes de chaque jour). En Irlande et dans une partie de l'Angleterre, la liturgie celte était particulière (missel de Stowe et antiphonaire de Bangor). Pour la Gaule, existait un "rite gallican", né des usages locaux; la messe est brillante (depuis surtout le VIème siècle et/puis avec l'influence monastique, la messe en Gaule, a emprunté aux usages byzantins et orientaux: on fait plus de place à l'élément dramatique de l'Eucharistie et à la sensibilité des fidèles); bien que l'on ne pratique plus le catéchuménat, on a conservé cette partie de la messe qui leur est consacrée. La messe fait largement appel à la langue vernaculaire (le latin dégradé, qui n'est plus du latin mais pas encore du français) soit parce que le clergé ne sait plus le latin, soit pour plus d'efficacité de la prédication; la participation des fidèles est importante (par exemple, ils récitent le Pater avec le prêtre); cette forme de la messe se maintient à l'époque carolingienne; elle reprend aussi une pratique mérovingienne qui est de prier pour le roi franc (mais sous les Mérovingiens, il s'agissait de prier pour la paix entre les princes; sous les Carolingiens, on priera pour la propagation du règne de Dieu -charge dévolue au roi); cette messe gallicane, cependant, ne fut jamais une réaction contre le rite romain mais, comme ailleurs, le résultat de l'usage local. L'influence romain se fait peu à peu sentir: d'abord en Bavière via St Boniface puis en Gaule, sous le règne de Pépin le Bref. Cette influence a lieu uniquement dans les faits et sans aucune volonté romaine, simplement, par exemple, parce que les Francs voient que la liturgie romaine est "la mieux organisée". Les exemples romains se sont propagés par les moines ou les pélerins qui ont, dès les VIIème siècle, ramené des livres liturgiques de Rome, montrant aux clercs du royaume franc que l'usage gallican, les usages locaux n'étaient pas les seuls mais que, justement, il existait un rite romain... D'où que certains clercs ont emprunté à ces sacramentaires -de leur propre initiative, et sporadiquement; la papauté ne songeait même pas à les encourager ou les imposer car le concept ne s'était pas encore développé à Rome de l'unité nécessaire des rites de la Chrétienté -sans doute a-t'on là l'influence de l'Orient où coexistaient divers rites; par contre le pape jugeait naturel d'imposer l'unité aux évêques de sa région. Enfin, à partir du milieu du VIIIème siècle, se développe l'idée d'un emprunt officiel global à Rome: en 754, l'église de Metz (très influente politiquement et intellectuellement dans l'Austrasie des Pippinides) adopte officiellement le rite romain. Pépin le Bref en conçoit alors d'étendre le mouvement à toute l'Eglise franque: on élabore un nouveau "Sacramentaire gélasien" (on incorpore à l'ancien une partie du Sacramentaire grégorien) ce qui, d'ailleurs, donne en fait 3 sacramentaires et les clercs, finalement, s'y perdent. Ce premier mouvement, de plus, est complété par une volonté de réformer le chant d'Eglise, sur la base d'une initiative de l'évêque de Rouen (un des frères de Pépin) qui, en 760, à Rome, a été ébloui par le chant romain (il ramène un maître de la schola cantorum pontificale; il veut familiariser les clercs de la Neustrie avec les "modulations de la psalmodie romaine" et des clercs seront envoyés à Rome pour en apprendre plus). Mais on reste encore dans le domaine des velléités: on adopte les modes romains par pragmatisme et pas par césaropapisme simplement parce qu'on pense que les rites romains sont les meilleurs. L' adpotion de la liturgie de Rome amènera sans doute, au VIIIème siècle, la contre-abside, à l'Ouest, des églises carolingiennes à l'imitation des basiliques de Rome -dont St-Pierre et St-Jean-de-Latran- dont l'abside est tournée à l'Ouest ainsi que le développement du culte du Sauveur en relation avec l'empereur, qui apportera peut-être aussi le westwerk. Le mouvement amène à des églises à double-choeur donc à deux autels: pendant une partie du rituel, le prêtre doit à la fois regarder le peuple et l'Est

Textes d'Eglise

Le plus important effort officiel se fera sur les textes de l'Eglise: la Renaissance carolingienne visera, pour ce qui est des textes de l'Eglise, à l'unification liturgique (travail qui commença dès le règne de Pépin le Bref). Ce fut Alcuin qui corrigea et unifia les textes, un travail achevé entre Pâques 800 et Pâques 801. Pour l'essentiel on en revint à la Vulgate, la traduction de la Bible en latin par St Jérome. Alcuin dut également réviser le Sacramentaire, le livre utilisé par le célébrant lors de la messe; il s'inspira de la liturgie romaine, qu'on apprécia pour sa simplicité. Charlemagne, en 781, avait été impressionné à Rome par les cérémonies auxquelles il avait assisté et il avait demandé au pape qu'il lui envoie un Sacramentaire romain officiel. Alcuin s'en servit comme base en y ajoutant à titre de supplément un certains nombres de rites en usage chez les Francs. Charlemagne fit aussi élaborer un Homéliaire par Paul Diacre, un transfuge des cours lombardes de Pavie et Bénévent, un recueil de textes pour servir de schémas de sermons aux clercs francs. Comme pour le chant, si les Carolingiens adoptent le rituel romain, il le ré-exporteront à Rome comme un rituel "francisé". Les rites gallicans inclus dans le sacramentaire romain sont toujours présents dans la liturgie universelle de l'Eglise (rites de l'ordination, funérailles, bénédiction des abbés, cierge pascal). Depuis 12 siècles, la liturgie romaine est largement, par Alcuin, une liturgie romano-gallicane. Le Pontifical romain du XIIème siècle et plus encore celui d'Innocent III sont en fait une légère adaptation d'un pontifical compilé à Mayence vers 950 sur la base de la rédaction d'Alcuin et selon l'exemple de celui-ci par l'intégration de rites locaux dans le rite romain. Charlemagne a imposé, de plus, le chant grégorien (il en avait été convaincu par ses conseillers). Alcuin a révisé la Vulgate ce qui a durablement poussé l'Eglise vers le seul usage de celle-ci. La Vulgate est la Bible du monde franc; la Vulgate est la traduction latine de la Bible depuis l'hébreu, faite à partir du IIème siècle et révisée entre 383 et 405 par St-Jérôme. Les anciennes versions du psautier disparaissent du fait de la généralisation de la Vulgate en Occident. Le texte a été et est déformé de copistes en copistes pendant 4 siècles et Alcuin corrigera la Vulgate à la demande de Charlemagne. La Vulgate sera la version de référence jusqu'à la rédécouverte de la Bible des Septante (version grecque) à l'époque moderne (Jérôme avait récusé cette version grecque car entachée de trop d'erreurs; cette version de l'Ancien Testament avait été rédigée en grec, entre -250 et -130, à usage des Juifs du monde hellénistique; elle fut utilisée par l'Eglise ancienne). Tous les travaux biblistes, jusqu'à la Réforme, se fondent sur ceux d'Alcuin (et Charlemagne avait ordonné ces recherches et rendu obligatoire le recours aux textes corrigés). Comme souvent dans les relations entre les Carolingiens et Rome, on découvre des formes de quiproquos. Le Sacramentaire grégorien est envoyé par le pape Hadrien au roi via Jean, abbé de Ravenne, en 785 -un exemplaire de la chapelle pontificale; Charlemagne l'a fait demander à Rome par Paul le Diacre (alors abbé du Mont-Cassin) afin d'avoir un exemplaire "sain", pas encore atteint par les "récentes interpolations" -les erreurs des copistes du temps de Pépin. Cet exemplaire, cependant, est en retard de 50 ans sur ce que sont réellement devenus les rites à Rome et reflète en fait la messe telle qu'elle était dite vers 740. Ce sacramentaire est donc un texte antérieur à tous les travaux menés sous Pépin mais aussi par les papes eux-mêmes d'alors pour uniformiser les sacramentaires de l'Ouest. Le pape a pu se méprendre: il n'aurait pas compris que Charlemagne voulait un document de travail mais aurait compris qu'il s'agissait de faire un cadeau; et, n'ayant pas de copistes de qualité disponibles pour fabriquer un sacramentaire digne d'être offert à Charlemagne, aurait pris ce qu'il avait de mieux: ce sacramentaire, daté de vers 730, et se trouvant dans sa propre bibliothèque. Et, Charlemagne, de son côté, a dû également se tromper, pensant, recevoir, avec ce sacramentaire venant de Rome, les purs rites romains d'alors... Ce sacramentaire, le "Sacramentaire Hadrien", comme on l'appelle, est donc faussé (certains rites ne sont célébrés, par exemple, que par le pape, notamment aux stations dans les basiliques; il est incomplet: pas le rite des funérailles, pas le rite de la pénitence parce que le pape ne les célèbre jamais en personne -ou peu pour la pénitence) mais Charlemagne en fait faire immédiatement de nombreuses copies; il veut simplement y incorporer quelques éléments du rite gallican ou franc pour plaire aux clercs et au peuple. Alcuin, sur cette base, travaille: il ajoute au Sacramentaire Hadrien des éléments du "nouveau Sacramentaire gélasien", des éléments des rites francs et gallicans; il corrige les fautes de grammaire; il y travaille pendant presque 20 ans (l'ouvrage définitif est déjà suffisamment avancé pour qu'en 794, au concile de Francfort sur les images, Charlemagne puisse déjà imposer deux rites romains: le baiser de paix qui, "dans les messes solennelles" est désormais pratiqué aussi par le peuple; la lecture des "dyptiques" (des listes de saints spécialement invoqués) est reportée à après l'Offertoire). La réforme se poursuit en 809 par l'ajout de la formule "Filioque" au Credo. On poursuit également les "ordines" dont on a commencé la rédaction sous Pépin (collection des règles liturgiques) et qui se terminent vers 780: ils procurent aux églises du monde franc un ensemble de rituels (sacramentels ou non) oû se mêlent subtilement des éléments romains, des éléments francs et des éléments gallicans. On ajoute des fêtes: en 800, les 4 fêtes de la Vierge (Nativité le 8 septembre, Purification le 02 février, Annonciation et Conception du Christ le 25 mars, Assomption le 15 août), le Mercredi des Cendres, les offices de la Semaine Sainte. En 813 (concile de Mayence): procession des Litanies majeures de la St-Marc (25 avril). Mais on maintient, dans le même temps les grandes processions champêtres des litanies mineures gallicanes des Rogations (les 3 jours avant l'Ascension; prières pour les récoltes à venir). Enfin, on adopte définitivement le chant romain (le grégorien) car les efforts de Pépin n'ont pas porté. Charlemagne, en 789, rend le grégorien obligatoire. L'injonction porte encore peu (habitudes, paresse, autres obligations des chantres -celles des paroisses- plus urgentes). On notera, par ailleurs, que cette volonté d'expliquer, d'appliquer précisément les rites, les sacrements a cependant pour but un souci louable de justesse théologique: il s'agit -autant qu'on lutte par des conciles contre les hérésies déclenchées par la réflexion intellectuelle de certains clercs de haut niveau- d'éviter l'hérésie involontaire, les déviations involontaires du dogme par des rites mal appliqués, mal compris, l'ignorance ou le laxisme, ce qu'on retrouve dans une réponse sur le sacrement du baptême d'Alcuin à un prêtre. Dans l'introduction des pénitentiels tarifés pour les prêtres de paroisse -les prêtres ne décident plus eux-mêmes des pénitences; influence aussi de la composition pratiquée par les tribunaux; les pénitentiels ont été introduits depuis l'Irlande par les missionnaires colombaniens à la fin du VIème et surtout au VIIème siècle et ce dans le Nord et l'Est de la Gaule; de plus, par leur esprit de compensation, ils étaient en fait adaptés "naturellement" aux mentalités germaniques; cependant moins les prêtres étaient de bon niveau intellectuel, moins il les utilisaient; une réaction, d'ailleurs, au IXème siècle, s'amorcera contre la diffusion des pénitentiels de la part des évêques (la systématisation va à l'encontre du pouvoir de lier et délier des descendants des Apôtres et à l'encontre même du sacrement -qui était conçu comme une réconciliation; les pénitentiels cependant auront la vie longue

Bases théoriques du césaropapisme carolingien et marche à l'Empire

Le sacre avait fait de Pépin un roi chargé du Salut de son peuple et Charlemagne en a une conscience encore plus aigüe. Mais si conquête territoriale et conversion vont de pair, Charlemagne fait une hiérarchie: soumission d'abord, conversion ensuite. Idem à l'intérieur: remettre le peuple franc catholique en ordre mais pour un peuple bien gouverné. L'intégration d'Eglises étrangères du fait des conquêtes (Germanie, Lombardie) perpétue la variété des disciplines et de la liturgie qu'on connaissait à l'époque de Pépin et les Eglises locales servent souvent de paravent aux révoltes nationales (Bavière, etc). Si l'on veut l'unité politique, selon Charles, il faut l'unité de l'Eglise (il ne s'agit pas, dans l'esprit du souverain, de s'imposer dans le dogme mais il s'agit que l'Eglise prône une foi unique). On est encore à des époques où la théocratie pontificale ne s'est pas encore enclenchée; les relations entre pouvoir temporel et pouvoir du pape ne sont pas définies -pas plus d'ailleurs qu'elles ne l'avaient été lors des relations tumultueuses entre le pape et Byzance. Alors que cette alliance entre l'Eglise et la royauté franque existe, la marche à l'Empire accroît les volontés du roi: tout en restant laïc, Charlemagne va vouloir désormais intervenir dans les domaines de la foi. Charles s'arroge le droit de réunir des conciles généraux -ce qui n'était que la prérogative du seul empereur byzantin jusque là. L'intervention du roi franc s'accroît à la faveur de la crise iconoclaste: c'est Byzance qui a convoqué le concile oecuménique (où le pape condamne l'iconoclasme mais relativement faiblement). Et une fois de plus un quiproquoi s'installe. Charles prend en 791 voire dès 788 alors la tête d'un mouvement théologique: les Francs pensent que le concile a renforcé les images alors qu'en fait non; les Francs entendent 'souffler" au pape de modifier un tel concile. On semble en rester sur ce malentendu (le pape, de plus, n'aime pas les décisions du concile et le roi franc semble feindre de ne pas avoir compris qu'on ne lui avait pas envoyé le bon texte et il laisse donc argumenter ses théologiens). Charlemagne, d'une façon générale, a toute une équipe de conseillers -de hauts prélats- de la cour qui travaillent sur les questions lorsqu'elles se présentent (Théodulf, Alcuin, Paulin, Smaragde, Arn, etc.) mais il semble cependant que les débats aient lieu alors qu'on ne sait pas que les textes sont faux et Charlemagne fait même parvenir ces textes faux aux Anglo-Saxons. Depuis Francfort en 794, on opte, sur la base d'un concile de Nicée faussement présenté comme une apologie excessive des images, pour que les images sont un support pédagogique (ce qui est l'opinion de Théodulf et aussi de Rome (les images, selon Grégoire le Grand, permettait au moins aux analphabètes de "lire au moins en regardant les murs")). Théodulf, pour sa Bible copiée à Fleury-sur-Loire est, personnellement, encore plus prudent (aucune représentation des personnages ni même des épisodes de l'Histoire sainte). Le pape Hadrien n'a pas informé les Francs des négociations préliminaires qu'il a eues avec les Byzantins en vue du concile de Nicée. Et on ne sait toujours pas pourquoi on n'a pas envoyé les textes originaux de Nicée, en grec, aux Francs, qui avaient les moyens de les traduire. Par contre, il semble bien qu'il y ait eu erreur à Rome car, des textes en grec du concile, on a fait faire une traduction par un clerc romain qui ne savait lire "vraiment" ni le latin, ni le grec et cette traduction n'a pas été relue par des théologiens romains... Donc, à Francfort, sur la base de la mauvaise traduction, on pense que le pape soutient une position idolâtre et l'Eglise franque a raison de se poser en défenseuse de l'orthodoxie. Le concile de Francfort, pour les contemporains, apparaît bien comme un concile oecuménique et est, formellement, édité sous la forme de ces célèbres "Libri Carolini" qui, d'ailleurs, avaient été rédigés a priori pendant 3 ans par les théologiens d'Aix-la-Chapelle (Théodulf, puis Alcuin) voire suivis de près par Charlemagne lui-même. Le concile de Francfort est ainsi un arbitrage entre deux conciles opposés (celui des Grecs, à Hiéra et celui de Nicée) et un refus de Nicée sur la base de la fausse traduction et personne à l'époque ne s'étonne que le concile de Francfort et sa publication prenne les allures d'un concile oécuménique et dont les canons sont publiés par le roi... On ne sait toujours pas à qui revient la responsabilité de la mauvaise traduction du concile de Nicée. Les "Libri Carolini" (Théodulf, Alcuin voire Charlemagne même), textes qui présentent la position franque sur le sujet des images au concile de Francfort, disent que le "gouvernail de l'Eglise" est confié à Charlemagne par le Christ même. Charlemagne plutôt que d'officialiser la Dionysio Hadriana envoyée en 774, dans le royaume, fait une compilation des conciles francs (il préfère intégrer Rome dans les décisions franques plutout que reconnaitre la valeur intrinsèque des collections romaines). Il s'autorise même à publier sous forme de capitulaires des canons de conciles tenus "sur ordre du roi"... L'Admonitio generalis du 23 mars 789 à Aix-la-Chapelle est une encyclique royale... et même si elle emprunte à la Hadriana, elle ne publie toujours pas les canons de Rome. Finalement, en 794, on réunit à Francfort, un concile aux allures de concile oecuménique, avec évêques de Galice, Italie, Angleterre et 2 représentants du pape. Le signal est clair: le roi franc a convoqué le concile, il en a présidé la conclusion. Il est acclamé "rector populi christiani'. On n'a cependant pas osé demander au pape de venir ou lui proposer que le concile ait, par exemple, lieu au Latran. Pour ainsi vouloir l'unité et une autorité efficace dans l'Eglise, le concile s'est fondé sur St Augustin et sur St Isidore de Séville: "les princes temporels occupent parfois le sommet du pouvoir à l'intérieur de l'Eglise, et cela pour garantir par leur puissance la discipline ecclésiastique. [cela permet d'imposer par la crainte de la discipline] ce que les prêtres sont incapables de faire observer par la seule parole". Mais Isidore tempérait en disant que Dieu demandera des comptes à un tel prince mais le concile de Francfort se situait ainsi dans la ligne de la doctrine qui avait soutenu le comportement de l'empereur Constantin qui considérait qu'un tel pouvoir d'intervenir dans le dogme pour le prince avait été confié à eux par Dieu même. Pour Isidore, ce n'est pas l'Eglise, le Pape ou les évêques, qui autorisent un prince à un tel pouvoir, mais Dieu, directement: le prince a reçu l'Eglise du Christ pour qu'il la protège. Cette forte influence d'Isidore -qui est beaucoup lu dans le royaume- justifie donc l'intervention du roi et de l'empereur puis de ses successeurs dans les affaires de l'Eglise et le concile fait donc figure de justification du césaropapisme carolingien. Les évêques francs, de plus, ont introduit à Francfort la distinction entre le roi qui mène le combat contre les "ennemis visibles" de l'Eglise alors que les évêques luttent contre les "ennemis invisibles". Paulin d'Aquilée, par exemple, qualifie Charlemagne de "seigneur et père, roi et prêtre, très prudent gouverneur de tous les chrétiens". "Roi et prêtre" est une formule de l'Ancien Testament (Melchisédek). Et le préambule du capitulaire issu du concile ira encore plus loin, dans une formule cependant ambigüe: "[les évêques étant] réunis par autorité apostolique et ordre de notre très pieux seigneur le roi Charles [etc.]". De là, supporté par ses clercs, dont Alcuin, Charlemagne va accepter une sorte de marche à l'Empire: il se compare au roi Josias et veut fondre en une seule politique le gouvernement temporel et le gouvernement spirituel. Il revendique l'exemple des saints. Il affirme être investi par Dieu du pouvoir de faire régner la concorde. Alcuin: le roi est "recteur et défenseur de l'Eglise". Paulin d'Aquilée (ami d'Alcuin), théologien renommé: le roi peut, dans l'intérêt de la concorde, s'introduire dans la gestion des affaires propres de l'Eglise. Alcuin pousse une forme de cynisme à recommander que les autres "princes", eux, respectent l'Eglise et obéissent aux prêtres, mais, donc, pas le roi franc car il est hors du destin commun des chefs temporels. Avec l'Admonitio generalis (789; définition de l'entreprise de renaissance carolingienne et de christianisation), Charlemagne, de plus, entre dans le for intérieur, le domaine du dogme (obligation de la prière, de la piété, charité voire les sacrements; il interdit les canonisations vox populi qui amènent des faux noms de martyrs et des mémoires incertaines de saints; remise en ordre générale). Idem en 794 puis, après le couronnement impérial, en 805 (Thionville; authenticité des reliques: Alcuin attaque le fait que l'on considère ces ossements comme des amulettes alors qu'il vaut mieux porter l'exemple des saints dans son coeur; vérification d'une Ampoule contenant du sang du Christ à Mantoue en 803; conciles régionaux en 813 contre l'utilisation de reliques par les abbés qui veulent attirer autour de leurs nouvelles basiliques et faire donner leurs biens aux fidèles, promènent des ossements, des corps, cherchant à persuader les évêques qu'eux, abbés, ont gagné là des mérites). Le concile de Mayence en 813 fixe les conditions de l'élevation des saints (roi et évêque voire un synode diocésain) et l'empereur intervient aussi sur la question des anges (la liste d'Adalbert déclenche la condamnation du pape Zacharie et d'un concile romain de 745; le concile nomme trois anges "homologués" (Michel, Gabriel, Raphaël) mais Charlemagne légifère en confirmant la liste de Zacharie et l'usage fait des trois des archanges, avec adjonction du nom de "saint". Le titre officiel d'empereur impose à Charlemagne, pense-t'il, une nouvelle responsabilité, semblable à celle de l'empereur Constantin, la responsabilité d'être le protecteur de l'Eglise (et sans doute plus...): cela se traduit dans le texte du "capitulaire général" de 802 (l'"Admonitio generalis"?); le texte qui est normalement destiné aux seuls missi, se transforme en précis de droit ecclésiastique (il précise ce à quoi les missi doivent veiller pour ce qui est des clercs, des églises, de l'Eglise, etc.); le ton même du capitulaire est celui d'une homélie... et se mêlent l'ordre politique et l'ordre moral (on cite ici, le texte: "Ecoutez, frères bien aimés, l'admonition que vous adresse notre maîte l'empereur Charles. Nous sommes envoyés ici pour votre salut et pour vous enseigner comment vous devez vivre en justice et en vérité selon Dieu et vous comporter selon le siècle avec justice et miséricorde. Nous vous enseignons d'abord que vous devez croire en un seul Dieu tout-puissant, Père, Fils et Saint-Esprit. Il est un Dieu unique et vrai, parfaite Trinité et un en vérité... Aimez votre prochain comme vous-même et faîtes l'aumône aux pauvres selon vos moyens. Recevez les voyageurs dans vos maisons, visitez les malades, ayez pitié des prisonniers. Ne faites de mal à personne et ne soyez pas complices de ceux qui le font; les coupables, en effet, ne sont pas seulement ceux qui font le mal, mais ceux qui y consentent... Ne restez pas longtemps en colère. Fuyez l'ivresse et les repas plantureux... Que les femmes soient soumises à leurs maris.. Que les maris aiment leur femme et ne leur adressent jamais de paroles injurieuses... Que les clercs obéissent à leur évêque... Que les moines observent fidèlement leurs voeux... Que les ducs, comtes et autres fonctionnaires publics rendent la justice au peuple et soient miséricordieux envers les pauvres. Que l'argent ne les détourne pas de l'équité, que la haine ne leur fasse pas condamner des innocents... Brève est la vie et incertain le temps de la mort. Y a-t-il autre chose à faire que d'être toujours prêt? Pensons combien il est terrible de tomber dans la main de Dieu. Avec la confession, la pénitence et les aumônes, Dieu est miséricordieux et clément". Immédiatement après 800, tous les capitulaires mélangent les domaines temporel et spirituel et idem encore dans 5 conciles de mai-juin 813 (ces conciles semblent des conciles de vastes ensembles de province, y réunissant les évêques et les abbés; Austrasie et Germanie se réunissent à Mayence; l'ancienne Belgique est réunie à Reims; la Neustrie et l'Aquitaine à Tours; la Bourgogne du Nord se réunit à Chalon-sur-Saône. Le Midi, de la Provence à la Septimanie, se réunit à Arles). On veut alors réformer l'Eglise car il semble qu'il y ait eu alors un certain retour au désordre. Missi et clercs sont de nouveau présents. Ces conciles, les clercs le savent, ne feront qu'entériner des décisions d'Eglise qui sont désormais prises par l'Empereur et les conseillers qu'il choisit et même plus par des conciles généraux, nouveau signe de l'évolution du césaropapisme. Les actes des conciles seront officialisés dans un texte général, par l'"assemblée d'Aix" de septembre 813 -celle ou Charles fait couronner, de plus, Louis. Là encore, on retrouve une véritable législation d'Eglise et, dans le même temps une "commission conciliaire" se réunit à l'église St-Alban, à Mayence, pour y traiter des questions spéciales aux moines. Le ton, de plus, est à ce que les clercs réunis proposent seulement leurs réponses, laissant à la "sagesse" de l'empereur d'ajouter ce qui manque, de corriger ce qui est contre la raison et de promulguer ce qu'elle estimera bon... En sortira finalement la "Concordia episcoporum", la "concorde des évêques", une synthèse et révision par Charlemagne même et "quelques fidèles" réunis à Aix. On laisse cependant aux évêques d'ensuite d'appliquer avec possibilité d'ajouter des commentaires personnels ou des prescriptions d'intérêt local. Ce texte de 813 marque bien une Eglise franque où l'Empereur s'appuie sur ses évêques mais ne fait plus référence au pape. Alcuin écrit même que l'Eglise est l'épouse de Dieu et l'épouse de Charlemagne. Charlemagne défendra le pape mais celui-ci doit s'en tenir à n'être plus que le chapelain de la Chrétienté... Apogée, donc, du césaropapisme! Et la position de l'Eglise franque est ambiguë: elle préfére, finalement, des positions doctrinales définies par l'empereur et ses conseillers mais claires à des décisions du pape qui n'écoute que ses conseillers romains, degré supplémentaire puisque les relations Rome-Aix se compliquent des clans francs de Rome. Le clergé franc -séculier et régulier- a l'impression qu'il réussit mieux à se faire entendre à Aix qu'à Rome. Depuis 789 et l'"Admonitio generalis" de cette année, Charlemagne est le "patron" de l'Eglise franque

Le césaropapisme carolingien et Byzance, le Credo, les hérésies de l'époque carolingienne

Une autre direction du césaropapisme carolingien est de se démarquer de l'Orient: l'Eglise d'Occident, représentée par l'Eglise franque, déclare au concile de Francfort de 794 que les actes des "conciles orientaux" ne lui sont pas applicables. On a là l'annonce du schisme de 1054 qui fera, finalement, que ne seront plus oecuméniques que les conciles de l'Occident alors que jusqu'au concile de Nicée, tous les conciles oecuméniques ont été tenus en Orient. Et bien sûr, la relation entre le césaropapisme carolingien et Byzance, est exemplifiée par l'affaire célèbre du filioque: alors que le credo de Constantinople de 381 (qui reprend en le précisant celui de Nicée de 325) dit que l'Esprit procède du Père, on enseigne -sur quelle base?- en Occident qu'il procède du Père et du Fils ("qui ex Patre Filioque procedit"). Ce qui n'a pas été traduit en une quelconque formule officielle, sauf dans l'Espagne wisigothique (concile de Tolède de 589; ce qui eut lieu dans le cadre de la fin de l'arianisme et qui se limita rapidement aux seules élites wisigothiques). Le concept que l'Esprit procède du Père et du Fils n'a, finalement, jamais été condamné par aucun concile mais n'a jamais non plus été approuvé par un quelconque concile. Il s'agit essentiellement d'une pratique admise (et qui se fonde peut-être sur une idée juste, mais que jamais aucun concile n'a formellement entérinée). Ainsi, en Espagne, puis dans la Gaule mérovingienne, on chante le Crédo, à la messe, avec l'addition "et du Fils". Par contre, à Rome et en Italie, on n'ajoute pas cette formule mais on ne tient pas de l'ajouter comme hérétique (de plus, même le Credo original de Nicée n'a même pas encore été ajouté au Credo du rite romain: on ne prononce la formule "qui ex Patre procedit" que pour la messe du baptême des catéchumènes). A Rome et en Orient cependant, le choix de l'Eglise franque tend à être remis en cause par certain; et les Francs, à ces certains, trouvent un relent de nestorianisme. Léon III, par exemple, hésite lui-même à affirmer que, sur la question de l'Esprit, le Père et le Fils doivent être mis à égalité, sans, donc, de relation particulière, au sein de la Trinité, entre le Père et l'Esprit. En Orient, le patriarche de Constantinople, Taraise alors, déclare que l'Esprit ne procède du Père que par le Fils... Cette condamnation orientale, d'ailleurs, ne formalise par les clercs francs; le concile d'Aquilée, cependant, en 796, convoqué par Paulin à Cividale -Paulin est un homme de confiance de Charlemagne- formalise l'intégration du Filioque dans le Credo de la messe et, ainsi, la pratique commence à se répandre en Italie. Ainsi, peu à peu, cette question du Filioque tendrait à devenir plus sérieuse, et s'aggrave donc du césaropapisme de Charlemagne, qui ne peut s'accommoder que le Credo de la messe soit différemment prononcé dans les diverses parties du regnum franc. Il envoie ainsi Adalard, l'abbé de Corbie et Bernard, évêque de Worms, à Rome et il orodonne qu'à la chapelle palatine d'Aix, on chante le credo avec le Filioque (dans le Crédo de Nicée). Mais l'affaire continue d'enfler: deux moines latins du couvent du Mont des Oliviers, à Jérusalem, venus à Aix en 806, jugent l'addition judicieuse et on commence de chanter le Credo avec filioque en Terre Sainte. Dans ce microcosme, où cohabitent les rites romains et orientaux, l'affaire prend de l'ampleur: les moines grecs s'indignent, se plaignent au patriarche de Constantinople (lequel consulte le pape); les moines latins écrivent au pape (lequel transmet à Charlemagne, que le pape considère comme responsable de l'innovation du Filioque). Sans compter, qu'avec les pélerins, cela peut se développer dans l'ensemble de l'Occident. Charlemagne, cette fois sans l'avoir voulu, se retouve à nouveau en position d'arbitre en matière de dogme, et face à un conflit qui tend à devenir très important. Charles, là encore, met ses clercs au travail: Théodulf écrit un traité du Saint Esprit sur la base de la patristique (il conclut que la formule "Filioque", finalement, ne fait que mettre en formule ce qui était admis de tous temps par les Chrétiens); pour Théodulf, l'absence des mots "Filioque" dans le Credo de Nicée n'était due qu'à une lacune de rédaction de ceux qui avaient participé au concile (qui avait été tenu contre l'hérésie arienne pour affirmer la vraie divinité de Jésus; l'empereur Constantin et le légat du pape y étaient présents). L'abbé de St-Mihiel, lui, Smaragde, fait une étude semblable mais à partir du seul texte de la Bible et il en tire que l'Esprit procède bien du Père et du Fils et non du Père par le Fils. Charlemagne réunit, en novembre 809, un concile à Aix-la-Chapelle, qui approuve l'introduction du Filioque dans le Credo et charge Charlemagne de demander que le pape modifie officiellement le texte du Credo de Nicée. Le pape marche entre les Byzantins qui sont sur la frontière de Bénévent et le césaropapisme de Charlemagne; il convoque un concile à Rome en 810: sur le plan du dogme, l'Esprit procède du Père et du Fils; ceci est un principe de dogme; mais on n'a pas à insérer la formule, officiellement, dans le Credo de Nicée; le pape, diplomatiquement, autoriserait même que le Credo ne fût plus chanté à la messe à Aix-la-Chapelle (l'empereur ainsi, garderait la face puisqu'on ne prononcerait effectivement plus la formule Filioque à Aix, mais on n'y chanterait plus non plus le Credo...). Charlemagne, lui, alors, ne tient à aucune concession à Byzance (on est 10 ans après la restauration de l'Empire à l'Ouest): ainsi, les églises du regnum franc continuent de chanter le Credo avec Filioque et cette pratique deviendra tout simplement coutume, y compris à Rome. Une autre affaire, celle de l'hérésie adoptioniste, va permettre aux clercs francs d'intervenir encore plus avant dans le dogme car, finalement, l'affaire du concile de Nicée touchait beaucoup les formes du culte et relativement peu le dogme. Le fonds de l'affaire est une opposition de "l'Eglise d'Occident" contre l'Eglise d'Espagne: contrairement à ce que prône l'hérése adoptioniste, le Christ n'est pas le fils adopté de Dieu mais il est bien le Fils consubstantiel au Père. L'hérésie adoptioniste est l'avatar de l'époque des difficultés de l'Eglise d'Occident à bien comprendre la question de la Trinité, Dieu un en trois personnes. L'Orient avait, au IVème siècle, versé, sur cette question, dans l'arianisme, un monothéisme, en quelque sorte, donc plus aisément compréhensible pour des esprits peu habiles à la théologie. Pour Arius, et par Wulfila, jusque chez les Burgondes et les Wisigoths, la Trinité s'analyse en termes d'une filiation (le Père est seul éternel et non créé; le Fils, puisqu'il procède du Père n'en est donc pas l'égal; et l'Esprit idem puisqu'il ne procède du Père que par le Fils); la question fut tranchée par le 1er concile de Nicée (325): le fils est consubstantiel au Père et le "Credo" catholique est défini. Un concile, à Rimini, en 359 et le concile de Constantinople en 381 condamnent à nouveau (ce dernier ajoute au Credo les passages concernant l'Esprit Saint). L'hérésie arienne se perpétua chez la plupart des Germains des invasions, car plus simple à comprendre que la Trinité et sera une des causes de l'opposition des populations et de leurs évêques aux peuples germaniques. Des traces d'arianisme sont vues par certains, juqu'à aujourd'hui, dans l'Eglise romaine par le fait que, souvent, on s'adresserait à Dieu par l'intercession du Fils, semblant ainsi réservé la divinité à Dieu seul. L'arianisme, à l'époque où il naît -durant la grande crise du IVème siècle- est très lié à une forme première de césaropapisme (l'empereur Constantin Ier lui-même mourra arien): le catholicisme, dans le contexte d'un empire Romain qui se fondait sur le culte impérial, peut, sous sa forme hérétique de l'arianisme, représenter une continuité de la prééminence impériale: l'idée de hiérarchie entre Dieu, le Christ et l'Esprit Saint permet à l'empereur de trouver place dans cette hiérarchie et de perpétuer l'idée -l'empereur se situe dans la hiérarchie divine, idée qu'on retrouvera dans toutes les hérésies césaropapistes ou gallicanes, y compris avec Charlemagne qui assistera aux offices face à l'office du Christ, alors qu'au rez-de-chaussée les fidèles célèbrent face à l'autel de la Vierge... En Occident aussi, la question de la Trinité a fait naître des hérésies: celle de Nestorius (condamné par le concile d'Ephèse de 431); celle du Dace Bonose au VIIème siècle. Ces hérésies tendent tout simplement à "humaniser" le Fils, la seconde personne de la Trinité. Ces vues ont été condamnées, dans le monde franc, par le concile de Clichy de 626. L'hérésie de l'"adoptionisme" est formulée vers 780 par Elipand, archevêque de Tolède et Félix, évêque d'Urgel. Cette hérésie s'éloigne encore plus du dogme! Le Fils, "Verbe de Dieu" a été engendré par Dieu. En tant qu'homme, le Christ est fils de Dieu mais aussi fils de David et, en tant que tel, adopté. L'aspect d'adopté, partiel, fait cependant que le Christ n'est donc pas de nature divine (on a là, en fait, en Espagne, une influence maintenue de l'ancien arianisme des Wisigoths -et sans doute dans le cadre de l'occupation arabe). Le pape Hadrien Ier a protesté dès 785 et le royaume des Asturies, en Espagne, a réagi aussi, par son roi, Alphonse II et son évêque, Osma, qui se sont prononcés contre l'arianisme. Le prestige d'Elipand, par contre, à Tolède, est grand: en tant qu'évêque d'une ville occupée par les Arabes et âgé, il est évêque d'avant les Arabes et ne doit donc rien à eux... Les "mozarabes", de plus, ces chrétiens d'occupation arabe, sont aussi "nationalistes" que les autres Eglises d'Occident et entendent garder une indépendance par rapport à Rome. Félix, enfin, à une réputation d'excellent théologien. Sous l'influence d'Alcuin, porteur de l'orthodoxie via les Anglo-saxons, Charlemagne intervient dans le débat: concile de Ratisbonne de 792 et concile de Francfort de 794 -celui des images; Charlemagne est inquiet que l'Aquitaine tend à s'appuyer, par son clergé, sur l'hérésie pour continuer son indépendance et qu'une partie de l'Espagne chrétienne, par son clergé, est menacée par l'hérésie. Des écrits par Alcuin (depuis Tours, après 796), Benoît d'Aniane mène finalement à la résolution de l'affaire en 800, à Aix la Chapelle après peut-être une semaine de débats entre Alcuin et Félix en présence du roi et de nombreux évêques. Là encore, on est dans la marche à l'Empire et un Charlemagne peut-être, finalement, déjà averti qu'il sera bientôt fait empereur, se sent encouragé à intervenir dans le dogme, sans compter les luttes de clans qui commencent à Rome. Félix est relégué à Lyon et Elipand reste isolé. Il mourra en 808, vers 90 ans et les clercs de Tolède resteront attachés, par nostalgie d'une Espagne indépendante et ayant ses docteurs de l'Eglise, à l'hérésie plus que par dogme. Dans toute l'affaire adoptioniste, selon certains auteurs, le pape n'aura fait qu'approuver (la lutte d'Alcuin se fonda sur le concile de 431; il est donc possible que l'adoptionisme soit d'influence nestorienne aussi). Sous l'influence de Bonose, cette fois, une hérésie sporadique apparaît en Aquitaine: Marie serait la mère naturelle de plusieures enfants, dont le Christ (donc aussi remise en cause de la nature divine du Christ). L'Aquitaine, sans doute par souci d'indépendance, est le foyer d'autres hérésies: confession directe à Dieu et non auriculaire (raisonnement d'Alcuin: la supériorité d'une confession directe à Dieu par rapport à un prêtre est la négation même de l'Eglise et son rôle surnaturel; Dieu, certes, connaît les fautes, même commises en secret et il les connaît même avant qu'elles ne soient commises mais l'aveu est un moyen de la pénitence et ce n'est pas avouer que se confesser directement à Dieu en secret puisque Dieu n'ignore rien et connaît donc la faute

Conclusion

Alors que sous Charlemagne, l'Eglise n'aura été que la bénéficiaire et l'instrument de protection de l'Empire franc, certains soulignent que, sous Louis le Pieux, l'Eglise réémerge et s'arroge définitivement le rôle de protectrice. Ceci, cependant, a lieu dans les désordres du règne de Louis et les luttes de clans; au césaropapisme succède alors le gallicanisme. Adoptant la théorie de l'augustinisme politique exposée par le concile de Paris en 829 et analysée en 831 par l'évêque d'Orléans Jonas dans De institutione regia, les clercs font du roi un serviteur de Dieu chargé d'assurer le salut de ses fidèles. On revient beaucoup à un gouvernement par les évêques tel qu'on avait déjà connu sous les Mérovingiens. La soumission de Louis et ses fils aux évêques semble beaucoup devoir au gallicanisme de ces derniers (pénitence d'Attigny de 822, abdication forcée de 833 puis restauration de Louis par les évêques en 835, déchéance de Lothaire de 842, acceptation par Charles le Chauve de la subordination de l'autorité royale au jugement moral des évêques à l'assemblée de Coulaines en 843, conseils donnés aux trois fils de Louis le Pieux par l'assemblée de Yutz en 844, enfin et surtout le rôle joué entre 843 et 882 par l'archevêque de Reims, Hincmar) aussi bien que l'émancipation de la papauté, -dès 816 le pape Etienne IV évite la confirmation impériale- semble devoir surtout aux clans francs de Rome. Ce sont aussi ces évêques gallicans, cultivés, qui vont appliquer, finalement, la renaissance culturelle enclenchée à l'époque de Charlemagne: Agobard, archevêque de Lyon, Wala, abbé de Corbie, Hilduin, abbé de Saint-Denis, également conseillers de Louis le Pieux et partisans de la théorie unitaire de l'Empire; Jonas d'Orléans, théoricien de l'augustinisme politique, et Hincmar, archevêque de Reims qui appliqua cet augustinisme politique au regnum franc

Website Manager: G. Guichard, site Learning and Knowledge In the Carolingian Times / Erudition et savoir à l'époque carolingienne, http://schoolsempire.6te.net. Page Editor: G. Guichard. last edited: 10/30/2019. contact us at ggwebsites@outlook.com
Free Web Hosting