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L'Eglise franque sous les Carolingiens en détail

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Des Mérovingiens à Charlemagne

Sous les Mérovingiens, l'Eglise franque est coupée de Rome -qui vise Byzance et l'Angleterre- et les évêques tombent dans les désordres du temps. L'Eglise franque est soumise au souverain ou au maire du Palais, qui convoque voire préside les conciles régionaux (ceux-ci sont les seuls organes de l'Eglise franque d'alors; ils réunissent les évêques, les évêques métropolitains -qui ne sont pas encore appelés archevêques- et les abbés). Le dogme s'est fixé au Vème siècle. Sur ce plan, quoique provinciaux, les conciles de l'Eglise franque ne se contredisent pas. Les évêchés sont liés aux villes, qui sont aussi le siège du comté alors que perdure encore vaguement les antiques "provinces" romaines dont les villes étaient les capitales. Les évêques sont nommés par le souverain et, vers 700, on aboutit à une grave crise: des laïcs, qui ne sont même plus évêques, dirigent l'évêché, des comtes sont en même temps évêques, etc. Il y a cumuls, les évêques mènent une politique de souverains territoriaux indépendants, des évêchés sont vacants, illettrisme, transmissions de père en fils, etc. C'est vers l'an 700 que l'Eglise franque atteint le fond: il n'y aura plus de conciles francs entre 689 et 744. D'abord établis, souvent, aux portes des villes, sur la tombe du saint local, monastères et abbayes voient leur expansion s'étendre ensuite du fait de l'évangélisation des campagnes (Ligugé, Marmoutiers, St-Victor de Marseille, etc.), au IVème siècle. Puis, entre 500 et 600 puis 600 et 700, les créations sont le fait des rois et reines qui succèdent à Clovis voire, pour la deuxième période, des évêques. Les monastères sont donc le lieu où se maintient l'Eglise, face au déclin des évêques. Le monachisme est d'abord d'inspiration orientale puis, vers 600, le monachisme subit la forte influence des Colombaniens. A peine après, vers 620, arrivent les Bénédictins. Le monachisme colombanien est un monachisme de mission, contrairement à jusque vers 600, où il était de perfectionnement personnel. L'Eglise n'est sauvegardée que par les monastères lesquels sont renouvelés par les Irlandais de St Colomban puis les Bénédictins. Les moines tendent à variablement interpréter la règle monastique dans leurs relations avec les évêques, dans la façon de prier ou dans leur relation avec les fidèles du lieu. In fine, on peut dire que le dogme est alors compris de façon uniforme mais que la discipline et la liturgie varient. Le relèvement de l'Eglise franque est inséparable des visées franques sur les régions de Germanie. Les missions marchent avec l'armée, ce qui commence vers l'an 700. Emergeant de ces oeuvres de mission, St Boniface rénovera l'Eglise franque entre 744 et 754. Il s'opposera à la fois aux clercs locaux -les évêques en décadence- mais aussi aux Pippinides qui s'inquiètent de cette puissance renouvelée de l'Eglise. Boniface applique au regnum franc ce qu'il a appliqué en Germanie alors que le souverain s'accommoderait que l'Eglise restât sous son contrôle ou que la réforme est freinée ou se voudrait plus typiquement franque. En quoi consiste la réforme de St Boniface? Il crée un pouvoir réel des métropolitains (qu'il voudrait voir appelés archevêques) sur leurs suffragants et non plus une simple primauté. Il n'y a que 4 archevêques dans le monde franc alors: Rouen, Reims, Sens, Mayence, quand Charlemagne prend le pouvoir car ses prédécesseurs n'ont pas voulu de cet échelon intermédiaire entre eux et les évêques qu'ils continuent de vouloir nommer. Le pape envoie le "pallium" aux archevêques comme il le faisait avant, aux métropolitains. Boniface, ensuite, relance les conciles. Ceux-ci, par contre, ont le soutien de Carloman et Pépin et ils réforment (discipline contre la décadence, etc.) Les efforts de St Boniface vont donc se heurter à la fois au gallicanisme et au césaropapisme. Les mauvais évêques et même les bons veulent une réforme typiquement franque. Ainsi Chrodegang, évêque de Metz (742-766): pour les rites, il accepte une influence romaine, mais conserve des rites typiquement francs -l'Adoration de la Croix- ou il crée l'institution originale des chanoines et de leurs chapitres, inspirée de St-Benoît et regroupant plus nettement les clercs autour de leur évêque. Ainsi, pratiquement, malgré les efforts, l'Eglise, y compris le monachisme, reste largement, d'une façon générale, sous l'influence du roi. On s'efforce aussi de reconquérir le peuple car les campagnes se sont éloignées du catholicisme entre 600 et 700; les prêtres doivent expliquer en langue locale, les superstitions existent; même chez des ruraux et des urbains bien acquis au catholicisme, on voit encore des rites paîens ou syncrétistes -pierres levées dédiées aux saints ou à la Vierge, Saturnales en janvier, feux de la St-Jean Baptiste- qu'il faut christianiser ou éradiquer. En fait, il semble bien que, jusque vers 700, se soient même bien maintenus les dieux de l'Antiquité... Cependant, malgré ces ambiguités, les souverains se seront efforcés de faire disparaître toute la décadence antérieure, mouvement qui deviendra net sous Charlemagne, a fortiori, avec l'effort sur la renaissance intellectuelle. Charles Martel et Carloman ont soutenu l'effort de rénovation et ce sera Pépin seul qui, finalement, l'aura freinée, son césaropapisme se reliant sans doute au souci du soutien de son aristocratie. Ce césaropapisme de Pépin le Bref, qui commença de s'opposer à l'entière autorité du pape, continua d'intervenir dans les questions litigieuses et de discipline ou le respect des règles canoniques en matière d'excommunication. Les synodes seront du royaume franc et convoqués par le roi. Ce césaropapisme continuera sous Charlemagne. Seul Louis le Pieux laissera les synodes plus libres et ne se présentera que comme leur exécutant. Rome, de son côté, aura, à propos de cette réorganisation de l'Eglise franque, le souci d'une hiérarchie minutieuse centrée sur des évêques étroitement rattachés au pape ainsi qu'une volonté d'unité, la liturgie, le dogme, l'administration. Il semble que même la réforme de Benoît d'Aniane concernant les Bénédictins ait fait partie de ces options du pape. Avait aussi pesé sur l'époque l'attribution des terres d'Eglise à ses fidèles par Charles Martel qui se justifiait par le fait qu'il s'agissait de terres qui avaient été données à l'Eglise franque depuis le fisc royal; il s'agissait, pour l'Eglise, d'accepter la réaffectation de ces terres à la défense. Charles Martel était le héros de la Chrétienté du fait de sa victoire sur les Arabes ou en luttant contre les Frisons, Saxons et autres Germains encore païens. Boniface, en accord avec le pape Zacharie, avait abordé la question sur le plan juridique et disciplinaire. Le synode de 745 avait décidé du retour des pouvoirs des métropolitains, de l'annalité des conciles, de la discipline, la régularité des élections abbatiales et épiscopales et, finalement, la remise de tout l'édifice de l'Eglise sous l'autorité du pape. Les métropolites prennent le nom d'archevêques; ils sont réellement supérieurs aux évêques, avec juridiction et sont les intermédaires entre les évéques et le pape (ce mouvement de St Boniface verra l'opposition des éveques sur la base de l'Eglise franque); les chanoines sont un autre élément de la réforme de l'Eglise. En 760, il y aura groupement en un seul corps de tous les prêtres de l'église cathédrale, avec régle commune inspirée de St Augustin; la réunion des chanoines est un chapitre

L'Eglise franque sous Charlemagne

Charlemagne poursuit le césaropapisme de Pépin et Chrodegang: l'Eglise doit être unie et dirigée et rénovée moralement et intellectuellement mais pour l'utilité du royaume franc, et Charles s'arroge le droit, sur la base d'Isidore, Alcuin et Paulin d'Aquilée, de gouverner l'Eglise en tant qu'elle lui est confiée pour qu'il la protège. Ce césaropapisme s'effilochera à partir du règne de Louis le Pieux et le pape réaffirmera peu à peu la supériorité du spirituel sur le temporel. Le césaropapisme est la fois volonté d'intervenir dans ce qui relève de la seule Eglise -on verra comment les Carolingiens utilisent les réformes du rituel et des textes dans le sens de servir à l'unité du regnum franc- et volonté d'inclure les clercs au service de la politique royale puis impériale: les clercs, instruits, sont les scribes du royaume, les conseillers de divers services de la Cour, les évêques secondent les comtes ou servent comme missi dominici. D'une façon générale, ces siècles vivent dans l'absence de référence au passé (on ne sait pas vraiment quelle règle monastique on observait avant St-Benoît, par exemple, etc.) Un concept important qui va se retrouver, politiquement traduit, jusque dans le traité de Verdun semble bien celui de la précision de la Trinité par le filioque, un en trois, que Charlemagne fait maintenir dans le Credo. Les rites d'Occident sont imprégnés par les usages romains mais en retour ces usages romains renouvelés par le monde franc repartent à Rome. D'une façon générale, le césaropapisme se retrouvera dans la liturgie carolingienne. Le roi franc, dès 762, sur la base du commun serment de fidélité au roi, établit même une solidarité obligatoire de la prière dans le regnum... Les clercs doivent prier les uns pour les autres (ainsi, on voit les monastères dresser des listes d'autres monastères pour lesquels ils prieront; la solidarité de la prière s'ajoute au respect commun de la règle bénédictine. On voit donc, là, émerger le concept d'"appartenance religieuse" au regnum, autre signe de césaropapisme. Il y a une Eglise "du" royaume. On notera aussi que la tradition d'une influence de l'Eglise par l'Etat se situe, surtout, dans la tradition byzantine et le césaropapisme franc ne se distingue guère du gallicanisme, cette volonté des clercs francs de maintenir leurs particularismes et une forme d'indépendance d'avec Rome. Il y a ainsi une "Eglise du royaume franc" et non pas l'Eglise dans le royaume franc. Enfin, on doit se rappeler que Charlemagne a entrepris un vaste mouvement de construction, reconstruction ou rénovation des bâtiments cathédraux ou monastiques dans tout le royaume

Le clergé séculier

L'élection des évêques devient théorique, qui sont choisis parmi les clercs de la Cour ou dans la haute aristocratie austrasienne (ces vues aboutiront finalement, en 921 à une forme de Reichskirche carolingienne). L'Eglise carolingienne, par ailleurs, reste travaillée par le gallicanisme, cette résistance de certains clercs francs à une trop grande autorité de Rome. Les chanoines se voient imposer (817) la règle que Chrodegang avait créée à Metz et jouent un rôle important dans le choix des évêques. Il y a une centaine d'évêchés dans le regnum franc dont la plupart sont héritiers des civitas romaines alors que les évêchés métropolitains reprennent les anciennes provinces romaines (l'évêque métropolitain possède une suprématie morale mais, dans les faits, il ne fait que convoquer et présider des synodes, parfois appelés conciles). Les évêques sont une des bases de l'assemblée annuelle des Francs à laquelle tout le clergé du regnum est présent. On encourage, en général, à une refonte, une remise en ordre, une bonne gestion: le capitulaire de Thionville, en 805 rappelle aux évêques qu'ils doivent se préoccuper des églises sans desservants, sans offices et sans luminaire. Il évoque les clercs qui perçoivent les dîmes mais n'entretiennent pas leurs églises. Dans la cité épiscopale, on a d'abord l'église cathédrale, celle où est la cathèdre de l'évêque. Elle est entourée d'un baptistère et des bâtiments utiles (pour la charité, l'école) ainsi que du palais épiscopal. C'est dans l'église cathédrale qu'ont lieu les offices principaux, les ordinations, les consécrations épiscopales. Si la possible étendue de la ville l'exige, on peut avoir un deuxième lieu de culte (desservi par un vicaire de l'évêque); lorsqu'il n'y a que l'église cathédrale, la ville ne constitue qu'une seule paroisse. Les clercs du diocèse épiscopal vivent du patrimoine de l'Eglise (domaines propres ou donnés -par le roi, les Grands) que l'on tend, à l'époque, à diviser entre la partie affectée à l'évêque et celle affectée aux chanoines et autres clercs de la cathédrale (les chanoines, de plus, sont installés dans un bâtiment nouveau, le cloître -dans la lignée de la réforme de Chrodegang qui veut plus de vie commune; ce qui se diffuse au IXème siècle -la réforme de chrodegand, qui date de vers 750, se généralise réellement alors -depuis le concile d'Aix de 816). La Regula Canonicorum de Chrodegang imposait a ses chanoines une discipline claustrale même s'ils conservaient leur fortune personnelle (s'ils remettent leurs biens à la communauté, ils en conservent l'usufruit); ils ne font pas voeu de pauvreté. Le claustrum est la demeure des chanoines et de leur personnel (avec réfectoire, dortoir, voire chambres personnelles pour les clercs autorisés par l'évêque); la "domus", à part, est la résidence de l'éveque. En 816, la "Règle d'Aix" autorise chaque chanoine à une maison personnelle. Dès les débuts du VIème siècle une tendance est apparue à la multiplication des paroisses dans le diocèse: auparavant, le diocèse ne constituait qu'une seule paroisse, autour de l'église cathédrale mais ensuite, on assiste à l'émergence de chapelles autonomes, où pouvait se dire la messe (mais les grands fêtes: Nativité, Epiphanie, Pâques, Ascension, Pentecôte et St-Jean Baptiste et les baptêmes, etc. doivent se faire à la paroisse principale). Ces chapelles, cependant, ont fini par devenir des paroisses à part entière et ce sont ces paroisses qui, à l'époque carolingienne, sont à leur tour démembrées (et les propriétaires privés entendent contrôler la nomination du curé): contre cette tendance le roi réagit (déjà Pépin et Carloman en 742 et 744, puis Charlemagne: l'évêque doit contrôler les nominations); ces centres nouveaux, du fait de l'essor démogaphique, sont à leur tour à l'origine de nouvelles paroisses (dans la pratique l'essaimage est cependant freiné par la question du paiment de la dîme; le capitulaire de Herstal de 779 l'a rendue obligatoire pour les curés des paroisses reconnues de façon à régler la question des précaires engendrée à l'époque de Charles Martel; les bénéficiaires doivent en être d'abord les curés des paroisses officielles car ils sont en général moins l'objet de dons des laïcs; les desservants des nouvelles paroisses, eux, ne perçoivent pas la dîme mais doivent la recevoir puis la remettre au curé de la paroisse "centrale"; ainsi, le paiement de la dîme fera évoluer coutumièrement, entre IXème et Xème siècle, les paroisses, telles devenant officielles et bénéficiant de la dîme, les autres pas). Les paroisses rurales peuvent encore progresser dans la foi: les relents du paganisme sont encore présents et l'ours ou les arbres sacrés sont les figures du paganisme. Ces symboles seront éliminés en grand nombre mais, si les anciennes divinités païennes ont été facilement éradiquées, tout ce qui est magique ou surnaturel persiste

Le clergé régulier

Le rôle administratif qui est imparti au clergé séculier a comme conséquence que l'activité spirituelle et missionnaire passe au clergé régulier (auquel Charlemagne impose la règle bénédictine puis la réforme d'Aniane). Les monastères échappent quelque peu au gallicanisme comme au césaropapisme mais le fait qu'ils soient intégrés dans la féodalité naissante les laisse souvent aux mains de laïcs. La volonté césaropapiste de Charles consiste aussi en ce qu'aux moines revient le travail intellectuel et les monastères sont replacés sous l'autorité des évêques, à qui revient l'exercice de la hiérarchie. Vers 800, il y a 650 monastères dans l'Empire. Ce sont ces monastères qui portent l'essentiel du poids de l'évangélisation et du maintien des peuples dans le Catholicisme et ceci pour les 2 à 3 siècles qui suivront l'an 800. Certaines abbayes sont très anciennes et très puissantes (patronage royal, abbés francs, poids économique, influence intellectuelle) et certaines servent de point d'appui de la progression franque dans les territoires récemment rattachés (Aquitaine surtout, Italie). Sont fondés à l'époque: Aniane (par St Benopit d'Aniane), Conques (par Louis d'Aquitaine). Les monastères et abbayes, dans les terres d'évangélisation ou aux frontières, ont le rôle principal (Prüm, Corvey, Fulda). Malgré la diffusion de la règle de St Benoît, chaque abbaye ou monastère suit souvent sa propre régle, mélange de dispositions de la Règle de St Benoît et d'usages du monastère. Le succès de la Règle de St Benoît a été dû au fait qu'elle correspondait à la mentalité occidentale -à la fois contre l'ascétisme exagéré des Irlandais et la tendance à l'érémitisme qui continuait de fortement marquer l'Orient. La Règle de saint Benoît est faite "d'équilibre, d'indépendance spirituelle et de sagesse économique". Le monachisme bénédictin a donc fait disparaître les formes de vie monastique trop évidemment importées (les règles de Lérins, Cassien, Césaire d' Arles et celle de St Colomban). Tous les anciens monastères finissent par adopter la règle de St Benoit et les nouveaux l'adoptent d'entrée. Selon la règle de St Benoît, le temps est partagé en 3 tiers: prière liturgique commune et méditation privée, travail manuel, travail intellectuel. La prière commune assure la rectitude de la foi et s'accompagne du chant collectif de l'office et des lectures de la Bible; le travail permet la mise en valeur des dons de terre des laics et donc l'indépendance matérielle; par la lecture et la copie des manuscrits, les monastères participent à la Renaissance carolingienne. Quelques abbayes deviennent proéminentes, souvent avec l'appui du roi; les grands personnages de la renaissance carolingienne sont tous des personnalités de monastères influents. Les monastères et abbayes, autant que les propritéaires privés, créent de nouvelles paroisses pour les populations de leurs domaines, ce qui déclenche là aussi, l'opposition des évêques. Dans ce conflit, Charlemagne prend une attitude adaptée (et non simplement celle appliquée aux églises des propriétaires laïcs) car il est dur de convaincre un abbé qu'il n'a pas compétence pour décider d'à qui confier une église. Et Charlemagne, de plus, voit le risque que se développe une double-hiérarchie d'Eglise: celle des évêques et celle des monastères. On unifie: seul l'évêque contrôle tout lieu de culte offert au public; les moines ne doivent vivre que dans le cloître. Les paroisses monastiques en Saxe et en Bavière, pays nouvellement christianisés, sont tout simplement supprimées, de plus et tous les lieux de culte et leurs desservants relèvent de l'évêque seulement. Dès Charlemagne, en 811, Benoît d'Aniane, avec l'assentiment de l'Empereur, veut faire imposer la règle de St-Benoît dans tout l'Empire; mais Charlemagne hésite car il note que St-Martin fut moine longtemps avant St Benoît et demande au clergé de savoir quelles règles étaient suivies par les moines avant la Règle. Les 5 conciles de juin 813 en restent aussi à l'indécision: la tendance est que chaque abbé peut décider, que les monastères tendent à défendre leur indépendance, qu'on est d'accord sur le principe mais que tout le monde n'est pas encore prêt à l'adopter; qu'on tergiverse, et qu'on ne veut pas d'un alignement -sur lequel on est d'accord- qui serait imposé. Les monastères, malgré la règle bénédictine, tiennent beaucoup à leur indépendance; ils ne cèdent que face aux conciles généraux. Benoît d'Aniane commence donc, alors, la seule réforme de monastères de sa région, la Septimanie et qu'il progresse ensuite jusqu'à la Loire (à la fin du règne). Son effort généralise réellement la règle bénédictine car il n'a pas imposé, il a convaincu (ce sera seulement Louis le Pieux, concile d'Aix-la-Chapelle qui en 816 décrétera la règle obligatoire et Charlemagne également en fait une obligation pour tout monastère nouvellement créé). Mais Benoît d'Aniane a, de plus, infléchi la règle originelle: en plus des 3 temps, il fait obligation aux moines de prêcher et de partir en mission pour évangéliser les païens: il est aussi urgent de convertir les Germains voire les campagnes du regnum que de copier des manuscrits. Benoît d'Aniane, de plus, en Aquitaine, a placé les monastères directement sous l'autorité de Louis d'Aquitaine, au détriment du controle des évêques, favorisant leur unité. Pour conclure sur ce point des monastères, on notera que l'unité bénédictine préexistait à Charlemagne et qu'elle aura été un élément de l'unité du monde franc et en aucun cas une conséquence du travail de Benoit d'Aniane

Droit canon

Les sources du droit canon, à l'époque carolingienne, sont claires mais les recueils sont encore imparfaits. Les sources sont les Ecritures, la patristique, les décrétales des papes, les canons des conciles; le droit romain est utilisé comme "loi personnelle"; on utilise les capitulaires ecclésiastiques dans le cas du royaume carolingien et la coutume. Il n'y a pas, d'une façon générale de recueil unique officiel pour le monde franc mais des recueils privés pour telle ou telle église nationale. Dans le monde franc, on utilise la collection Dionysio-Hadriana, qui date de 500, écrite par Denis le Petit et offerte par le pape Hadrien à Charlemagne; ce sont les règles de Rome. La collection Hispana, qui vient d'Espagne, contient les canons espagnols, africains et gaulois. Vers 850, circuleront des faux recueils qui visent à affirmer l'autorité des clercs devant les empiètements laïcs et renforcer le pouvoir des évêques. Le mouvement, comme celui des faux capitulaires laïcs venant soit du Mans soit d'Hincmar de Reims: les Fausses décrétales. On notera une technique bien particulière que Charlemagne a mise en place pour engager les évêques, clercs et moines à étudier "l'antiquité ecclésiastique" et à utiliser leur plume et leur savoir: il envoie, par écrit, des questions sur "l'histoire, le dogme, la morale, la discipline"; des recueils de ces questions sont créés. Les questions les plus remarquables portent sur le baptême et les cérémonies qui le précèdent et l'accompagnent; les plus amples questions sur le sujet ont lieu en 811, dans la lettre à Odilbert, éveque de Milan. Ceux à qui étaient envoyées les questions devaient y répondre (ce qui donne naissance à plusieurs traités de l'époque sur le baptême). De plus, Charlemagne pose aussi des questions à Alcuin (qui avait aussi donné sur les cérémonies du Baptême); Alcuin, de plus, félicite aussi Charles de ce moyen des questions écrites, qui, excite à l'étude

Rôle social de l'Eglise

L'Eglise, enfin, depuis l'Admonitio Generalis de 789, doit prendre en charge l'hospitalité et les soins des malades et des voyageurs. Ca se fait sous la forme des "maisons charitables" (la pratique existait déjà depuis les époques précédentes, remplie par les églises et les monastères). Ces maisons se multiplient au long des routes et dans les villes (l'évêque donne ou construit le bâtiment, les clercs assurent le service; la distinction n'existe pas dans les monastères). L'"hospice" de St-Gall est typique de ce qui existe dans les campagnes; en ville, les bâtiments sont moins importants et les pauvres et les malades l'emportent sur les voyageurs et les pélerins (il s'agit alors plus de soigner que de loger; apparaissent alors, près de la cathédrale, les "Hotels-Dieu", des infirmeries; elles apparaissent aussi dans le monastère qui est souvent installé aux portes de la ville); dans les villes, de plus, dans le même but, se font des fondations pieuses par lesquels certains laïcs remplissent leur obligation de charité; elles donnent lieu à des "hôpitaux". L'Eglise, malgré le césaropapisme de Charlemagne, bénéficiera de certains avantages: la dîme (idée venue de l'Ancien Testament), les immunités qui soustraient les seigneuries ecclésiastiques au droit commun et elle sera, de toute façon, renouvelée (déposition des clercs débauchés, meilleurs évêques -soumis à leurs métropolitains, qu'on appelle archevêques à partir de vers 850 car bien que Charles ait freiné les créations de nouveaux archevêchés au-delà des 4 d'origines (Rouen, Sens, Reims, Mayence) -il ne veut pas, comme ses prédécesseurs, de cet échelon intermédiaire en lui et les évêques- 21 archevêchés existeront, finalement, à la fin du règne). De plus, par réaction à l'apogée du système carolingien, l'Eglise profitera de la faiblesse de celui-ci: les synodes des évêques interviendront dans les affaires publiques

Conclusion

Tout ceci fait que, même si les réticences du temps de Chrodegang sont passées et que les réformes finissent par s'installer l'Eglise n'est pas fondamentalement renouvelée sous Charlemagne. Face aux résistances, il faut rappeler les injonctions de réforme, il faut faire passer des "examens" de rituel, sacrements aux prêtres. Il ne faut pas seulement pratiquer les rites mais les comprendre pour les expliquer au peuple (circulent des manuels d'explication, on consulte la cour ou Alcuin). Empêcher ces pesanteurs reviendrait à pouvoir disposer de meilleures prêtres (ce qui n'est pas le cas) ou à lutter contre des particularismes à vie dure (un rite lyonnais, un rite parisien garderont encore pendant des siècles des traits antérieurs à la réforme; ou le rite ambrosien résistera en Italie du Nord). De plus, dès 794 (concile de Francfort), il faut passer à la prédication en langue vulgaire: le latin très simple que l'on parlait encore un siècle plus tôt dans une partie du royaume franc n'est plus compris et il ne suffit plus de lire distinctement depuis la chaire; on entérine ainsi une pratique qui existait dans les faits; l'encouragement de Francfort devient obligation au concile de Tours en 813 (le sermon sera fait en germanique ou en langue romane). Le Sacramentaire d'Hadrien ne sera utilisé, pendant 20 ans, que par quelques évêques et abbés qui veulent plaire au roi... Le manque de compétences des Grands, de plus, oblige le roi à se faire conseiller -et il est souvent trompé (ainsi par les clercs romains concernant le chant grégorien). A Rome, le césaropapisme aura comme conséquence l'émergence de -plusieurs- clans francs, qui se perpétueront jusque vers l'an 900. Il est possible que ce césaropapisme d'Occident ait été plus léger à Rome que le césaropapisme d'Orient: Charlemagne voulait un empire en ordre, administratif et moral; l'empereur de Byzance imposait au pape les divers schismes de l'Orient et voulait remplacer le pape par le patriarche de Constantinople. Malgré tout cet effort de contrôle de l'Eglise et pour de multiples raisons, la réforme des clercs reste encore une question et les désordres résistent: les évêques et abbés continuent de vouloir faire une fortune personnelle, les clercs sont peu obéissants aux évêques, tout le monde a des concubines; la Bible n'est guère lue; les moines ne respectent pas la règle de St-Benoît; les évêques ne veillent pas assez à la discipline; des parents imposent la vocation religieuse à des enfants pour s'en débarasser; des hommes libres simulent une vocation pour échapper au fisc ou à l'armée; les serfs idem pour y gagner le statut d'homme libre. Maintien des erreurs précédentes ou émergence de nouveaux problèmes? Charlemagne, en tout cas, pense que les problèmes sont tous dûs au fait que l'Eglise se mêle des "affaires du siècle" (ce qui est contradictoire par certains aspects puisque le système de vassalité installé par Charlemagne inclut les évêques dans la structure hiérarchique, administrative et militaire, du regnum; on doit utiliser les évêques car il n'y a pas assez de personnel compétent, ni d'instruction efficace pour aider les comtes ou trouver du personnel compétent). En fait, pour tout ce qui n'est pas armée et justice, on se tourne souvent vers l'évêque: approvisionnement pour éviter les disettes, contrôle des poids et mesures, organisation des marchés, salubrité, enseignement et, finalement, au temps des menaces vikings, les évêques en viendront à même prendre en charge l'armée, avec le comte!

Website Manager: G. Guichard, site Learning and Knowledge In the Carolingian Times / Erudition et savoir à l'époque carolingienne, http://schoolsempire.6te.net. Page Editor: G. Guichard. last edited: 10/26/2019. contact us at ggwebsites@outlook.com
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