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La géopolitique de 400 à l'an Mil

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La civilisation européenne, d'une façon générale, fut fondée sur la civilisation de l'Orient. Nombre d'éléments culturels -plantes, écriture, début des arts et des sciences, formes avancées de l'Etat et des religions- vinrent de l'Asie occidentale et d'Egypte. La Grèce les transmit aux côtes orientales de la Méditerranée et en Italie du Sud. Puis Rome, depuis sa position centrale, les apporta à l'Europe de l'Ouest et du Nord, unifiant le monde en un empire; même le christianisme vint de l'Orient. Les érudits avait conscience qu'ils vivaient sur un continent appelé Europe, distinct de l'Asie et de l'Afrique. Pour les croyants, eux, on leur disait qu'ils faisait partie du continent choisi par la Providence pour être le foyer de la vrai foi. Certains soutiennent que l'idée d'appartenance à l'Europe n'apparut qu'à la Renaissance. L'une des conséquences de l'installation définitive -et de évangélisation- des envahisseurs germains sera qu'il pourront enfin vivre avec les peuples d'origine -et non plus à côté- allant, finalement, jusqu'à fonder les premiers "Etats nationaux" (Espagne wisigothique, Gaule franque, etc.). Les Carolingiens, finalement, après l'éclatement et la diversité de l'Ouest de l'ancienne Rome, seront l'unité -politique et religieuse-, l'Empire restaurés. Ensuite les invasions -normandes, arabes, hongrois- déferont cet effort d'unité. L'aristocratie franque ne sut pas combattre efficacement ces nouveaux ennemis ce qui amena des destructions et un siècle d'insécurité. L'époque carolingienne est le passage d'un conflit Ouest-Est, entre Rome et Byzance à un conflit Nord-Sud (Europe-Islam) et on assiste alors, en fait, à l'existence de trois blocs: le nord-ouest européen et franc, Byzance, monde intermédiaire et les terres musulmanes. De plus, on passe du souvenir de l'Empire romain d'Occident dégradé dans les chefferies germaniques au concept de la Chrétienté médiévale européenne dont Charlemagne devient le champion. Charlemagne s'affronte à trois puissances: les païens slaves, les Byzantins à la catholicité spécifique, l'Islam au Sud, toutes zones culturelles dont les contacts se font par la guerre ou la diplomatie. Depuis Hérodote, on ne savait toujours pas ce qu'était exactement l'Europe et même sur le plan mythologique ses origines, celles-ci n'étaient pas claires. Seul Strabon, au Ier siècle de notre ère, sous les Romains, emploiera le terme car le limes et le centrage de la civilisation sur la Méditerranée mettront un terme à la référence. Ce ne sera qu'une fois Rome passée à Constantinople et avec la victoire de coalisés "européens" sur Attila en 451 que l'Europe réapparaît mais elle se germanise avec les Barbares, lesquels portent encore un peu de Rome. A partir de 754, le concept fait des progrès et va désormais supplanter celui de romanité: Poitiers est vue comme une victoire des Européens contre les Arabes, ce qui continue de décaler l'Europe vers le nord-ouest, la séparant de la romanité qui reste au Sud. Charlemagne est franc, il rêve à Rome et l'Europe est encore vague et il va finalement donner la Chrétienté et l'Empire d'Occident soit le Saint Empire romain germanique

Toile de fond générale

Des temps anciens jusqu'au début du XVIème siècle, la première partie de l'histoire de l'Ancien Monde a été déterminée par la coexistence entre les peuples nomades et les peuples sédentaires au long des steppes de l'Eurasie, coexistence marquée par les rythmes imprévisibles de la guerre et du commerce. Vers 400, le monde est compartimenté en trois grandes zones civilisationnelles. Alors que l'Empire romain est sur le point de s'effondrer, le monde connaît deux autres ensembles de même importance: l'Inde et la Chine. L'Inde de la fin de la dynastie Goupta, contrôle sans doute un-tiers de la richesse mondiale alors que la Chine, dans les désordres de la dynastie Han, s'est fermée. Rome est passée, depuis un siècle à la religion chrétienne, l'Inde est védique, jaïniste ou bouddhiste et la Chine est confucianiste. Aux marges de ces mondes importants, lesquels, chacun, comptent 50 millions d'habitants, existent des peuples mobiles et turbulents -des Germains aux peuples d'Asie Centrale- dont les déplacements ou les attaques sont déjà venus, par intervalles, bousculer les grands empires. Pour ce qui est des relations entre tous ces mondes, elles n'avaient pas été très développées: Rome, surtout n'avait pas été réellement une nation commerciale; elle était surtout Rome, la ville-capitale, où affluaient les ressources de l'Empire, fondant une économie essentiellement méditerranéenne. Les parties les plus riches de l'Empire romain étaient l'Asie mineure et l'Egypte et ces circuits de l'échange romains sont très vite entrés en crise au Bas-Empire, ne laissant subsister qu'un grand commerce de produits de luxe et l'activité se repliant sur les grands domaines ruraux. Seuls les Goupta ou les Han avaient pu pousser leurs routes commerciales mais leur déclin est quasi achevé alors. Les conceptions sont diverses pour ce qui est de comment on est passé de l'Empire romain aux temps carolingiens, par exemple. Gibbon, au XVIIIème siècle, parlait d'un Empire romain bâti sur des fondations non saines (une économie de prédation, le socialisme d'Etat, les guerres civiles, les épidémies, le meilleur état général des Germains, le pic de la production des mines fournissant les ateliers monétaires, empoisonnement au plomb) et que, donc, il avait vocation à s'effondrer, ce qui ne fit que s'accroître du fait de la "barbarisation" de l'Empire. Les historiens catastrophistes, eux, pensent qu'un stress trop important fut appliqué sur l'Empire romain du fait de divers facteurs (supériorité quasi-permanente des Germains et des Perses surtout alors que les structures romaines continuaient alors de rester en bon état; les élites préférant se tourner vers Rome plutôt que continuer de s'intéresser au local, la migration des Huns, tout ce qui, en fait, aurait été suffisant pour faire s'effondrer n'importe quelle société). Enfin, les transformistes, tels Henri Pirenne dans les années 1920, préfèrent penser que le monde romain s'est transformé en le Moyen Age via l'Antiquité tardive: les Barbares sont venus pour avoir part aux bienfaits de l'Empire et aucune rupture n'a vraiment lieu avant les VIIème et VIIIème siècles, avec les Invasions arabes qui interrompirent les voies commerciales entre l'Orient et l'Occident, ce qui, finalement, amena les temps carolingiens qui ne furent qu'agricoles, sans plus de commerce. Ces vues sont tempérées par d'autres auteurs: les routes du commerce en Méditerranée se sont maintenues (les monnaies islamiques ont continué d'arriver dans les terres carolingiennes, ce qui montre que des biens devaient continuer de sortir, ainsi les esclaves, le bois, les armes et d'autres produits locaux, par exemple. Une autre vue de l'école Pirenne est qu'il y eut lutte entre le monde romain et le monde germanique du IIIème au VIIIème siècle. L'Empire romain ne s'est pas effondré mais s'est transformé et, inversement, les Germains l'ont fait au contact de Rome. Les partisans de la thèse de Pirenne voient essentiellement le Moyen Age comme une synthèse entre le monde gréco-romain et les civilisations germaniques. Certains pensent même que les racines de la culture médiévale étaient déjà contenues dans la culture romaine et qu'un processus graduel et non une rupture s'est produit. Ils montrent aussi que les villes romaines n'étaient que des excroissances fragiles par rapport à la prédominance des campagnes et que donc elles n'étaient pas favorables à ce que s'y développe un sens d'une crise. Ils voient aussi comment l'Empire d'Orient a continué d'exister pendant mille ans, ce qui peut laisser penser que les considérations variées quant à la fin de l'Empire à l'Ouest n'ont pas eu les mêmes effets à l'Est. Les vues de cette école de l'Antiquité tardive sont aussi à relier au développement, dans le champ historique, des vues postmodernes, lesquelles rejettent les concepts de périodisation et préfèrent celui de "métanarration". Une école pense que l'installation des Barbares dans l'Empire romain d'Occident ne fut pas une vraie rupture et que la reconquête de Justinien répondit à une forme d'attentisme d'une partie des populations. Cependant, Justinien ne peut entièrement reprendre l'Italie et le centre de l'Espagne ou la Gaule restèrent inaccessibles, preuve que l'irrémédiabilité des choses s'était installée en Occident. Le passage des Germains ariens ou païens au catholicisme renforça le mouvement ou la peste qui, durant de 540 à 600, frappa surtout les villes. Cette divergence des vues s'expliquent, finalement, par le fait qu'on manque de preuves avérées pour les IVème et Vème siècles, ce qui laisse la porte ouverte à des interprétations sans fin. A savoir aussi que la "peste antonine", vers 180, qui fit mourir 10% de la population de l'Empire romain ou, vers la même époque, les guerres marcomanes menées contre les tribus germnaiques d'entre Bohême et steppes -lesquelles préfigurèrent les Grandes Invasions- sont considérées comme ayant affaibli Rome et, donc, ayant probablement permis la crise du IIIème siècle laquelle commença de déstabiliser Rome

->Les étapes de la chute de Rome
Ce fut entre 350 et 550, sur une durée de 2 siècles, que l'Empire romain cessa d'exister. L'Occident reste de l'hérésie arienne jusqu'en 457 alors que Byzance l'est jusqu'en 480 et les généraux germains et leurs contingents de mercenaires contrôlent déjà depuis longtemps l'Empire. Deux ariens, Aspar, un Alain, faiseur de rois de l'Orient entre 400 et 460 et Ricimer, un Suève, pour l'Occident de 456 à 472 achèvent les conséquences de la présence barbare. Vers 455, l'unité de l'Empire est légalement restaurée du fait de la mort de Léon III et Constantinople, qui a procédé chez elle à une réaction ethnique -les Isauriens d'Anatolie- contre les mercenaires germains, ne considère les hommes forts en Occident que comme des patrices et on arrivera à Romulus Augustule et la fin officielle de l'Empire romain d'Occident. L'empereur d'Orient applique dès lors la même politique pour l'Italie et Rome (l'Ostrogoth Odoacre est évincé par Théodoric autre Ostrogoth, tous agis par Constantinople). Mais ce ne sera pas avant 565, la fin du règne de Justinien qu'un réel "bas-empire" s'installera en Orient (Empire byzantin de culture grecque, Perses, Avars, Arabes, hérésies)

A partir de là, le dynamisme qui va courir jusqu'à l'époque carolingienne est un dynamisme d'interconnextion et il est triple: les Germains vont détruire la partie occidentale de l'Empire romain alors que subsistera, sous la forme de l'Empire byzantin, sa partie orientale; l'Islam arabe, empire de commerçants, va s'implanter de l'Espagne à l'Asie Centrale; la dynastie Tang, en Chine, va redéployer l'importance de celle-ci. Le christianisme, alors, va se scinder entre Orient et Occident, la Chine connaître un apport bouddhique important et, surtout, l'époque voit la naissance de l'Islam. En termes de grand commerce, Constantinople constitue un point d'aboutissement des routes de l'Orient alors que l'Adriatique ouvre sur l'Italie -le Danube étant empêché par les Avars. L'empire arabe est l'inventeur d'une première civilisation industrielle et commerciale qui atteint jusqu'à l'Inde et l'Indonésie. La Chine des Tang rouvre les routes de la Soie et les routes maritimes de la mer de Chine qui atteignent jusqu'à la Mélanésie. L'Inde des royaumes est un point de passage des routes commerciales terrestres ou maritimes. Pour ce qui est de l'Occident, essentiellement terrien, les seuls liens qui se maintiennent avec ces grandes routes du commerce sont, à partir de vers 680, le fait de marchands juifs, les Rhadanites, qui trafiquent esclaves et fourrures d'Europe contre les parfums et les soieries de l'Orient. L'Afrique noire, quoique déjà reliée par les routes sahariennes des Garamantes à l'époque précédente, ne voit s'ouvrir que peu à peu les routes des caravanes arabes et l'Ethiopie est, un temps, un royaume stable lié à Byzance et aux grands circuits commerciaux. Les Amériques, sauf quelques hypothétiques voyages, resteront inconnues de l'Eurasie jusqu'aux navigateurs Vikings

Puis, vient le temps du déclin carolingien. Le temps des grandes interconnexions est terminé. L'"Europe" finit de s'individualiser, en se divisant: l'Empire se transmet aux Allemands, l'Ouest sombre dans la féodalité, l'Angleterre s'affirme ainsi que les Slaves ou les Russes alors que les Hongrois s'installent dans la plaine danubienne et les Vikings deviennent une puissance nordique et découvrent le Nord de l'Amérique. Byzance se redresse, ce qui n'a lieu que dans un orbe -l'Asie Mineure, les Balkans et l'Italie du Sud- qu'il considére désormais comme le sien. L'Islam se parcellise: les Abassides déclinent sous les Turcs, la civilisation arabo-andalouse se maintient et progresse vers le Nord, les routes sahariennes mènent aux premiers grands empires sahéliens. En Afrique, les Bantous ont fini de migrer. La Chine, retombée dans les désordres, se relève sous les Song, le Japon est grand, les Khmers sont en Indochine, les Rajpouthes en Inde. Les grandes liaisons commerciales faiblissent mais se renouvellent: les Rhadanites disparaissent mais, partout en Europe, commencent de renaître des centres marchands. Les compartimentations religieuses se sont affirmées aussi: l'Eglise de Constantinople se sépare définitivement de Rome et l'Occident; Cluny s'insère dans la Reichskirche; sunnites, chiites, ismaëliens, arabo-andalous dans le monde arabe; néo-confucianisme (confucianisme renouvelé par le bouddhisme) en Chine, religion japonaise, etc.

les grandes zones civilisationnelles à l'oeuvre dans la géopolitique de 400 à l'an Milles grandes zones civilisationnelles à l'oeuvre dans la géopolitique de 400 à l'an Mil

Les relations royaumes d'Occident-papauté-Empire byzantin jusqu'en 800

Les partisans de Byzance, pour ce qui est de l'époque médiévale, font valoir que l'Etat centralisé et le césaropapisme ou la politique de jouer les Barbares les uns contre les autres tenaient à ce que Byzance était aux frontières du monde asiatique: l'Etat se devait d'être fort, toujours à la frontière de l'Asie, l'Eglise ne pouvait convertir les Barbares d'Asie qu'avec la force de l'Etat, la politique compliquée et monétaire étaient la seule arme face aux perfidies des nomades d'Asie centrale. Byzance aura été au monde slave et oriental ce que Rome fut aux Germains. Pendant 2 siècles après les invasions lombardes, Lombards et Byzantins se combattent en Italie et le pape, bien que théoriquement sous contrôle de Byzance, en profitera pour émanciper ses territoires. Depuis 600, le pouvoir réel de l'empereur de Byzance en Italie n'a cessé de faiblir -l'exarque s'émancipe- et, finalement, vers 730, le Pape va se tourner vers les Francs, puissance qui, de plus, présente l'avantage de n'être pas un voisin immédiat. Pour ce qui nous intéresse, il est certain que la géopolitique particulière qui mène de l'Empire romain aux Carolingiens s'inscrit dans le double espace méditerranéen -celui de l'Empire romain- et européen -celui qui est déterminé par les royaumes occidentaux nés des Invasions Germaniques. Le facteur religieux est évidemment important: l'espace du christianisme, en 400, recouvre les deux précédents: les peuples, de l'Irlande à l'Asie Mineure, le Proche-Orient et l'Egypte, sont Chrétiens. Depuis l'aube des temps -qui, pour cette partie du monde, prend naissance dans la Révolution néolithique du Croissant Fertile- l'Europe n'était que l'extrême fin occidentale du monde d'alors. Les grands empires étaient au Moyen-Orient: Sumer, Babylone, Egypte, Assyriens, Perses. Puis, avec les Grecs, le monde commence à se décaler vers l'Occident mais, par Alexandre se laisse reprendre à l'Orient. Rome, enfin, puissance italienne, consacre le mouvement du monde vers l'Ouest. Depuis la crise du IIIème siècle, Rome est entré dans une crise profonde et, sous Dioclétien, l'Empire romain, confusément, tend, pour certaines de ses parties, à ne plus avoir d'intérêt commun; l'Orient et la frontière de Germanie semblent bien avoir leur logique propre, sans compter la Grèce et l'Italie même. Le catholicisme, d'autre part, s'est répandu dans l'Empire, ajoutant, par la question des hérésies, des facteurs de tension et l'empereur Constantin fonde Constantinople en 330. Le marasme de l'économie a amené le développement de grands domaines et la disparition des paysans libres ou une crise de l'administration, de l'armée. Tous ces ferments de désordre deviennent crise accélérée du fait de l'arrivée, vers 375, des Huns. Les Ostrogoths, bousculés, bousculent à leur tour les Wisigoths, lesquels entrent dans l'Empire et défont l'empereur Valens, à Andrinople en 378. Les Germains envahissent l'Ouest de l'Empire et, en 50 ans, la domination de Rome n'y est plus que nominale; en 472, Odoacre, un chef hérule, renvoie les insignes impériaux à Constantinople; il a mis fin au règne de Romulus Augustule, dernier empereur fantoche d'Occident. Puis les Francs, passant au catholicisme en 496, imposant la vraie religion aux autres peuples germains; ces derniers, jusqu'alors, étaient restés attachés à l'hérésie d'Arius et ils s'étaient opposés aux Chrétiens "orthodoxe" pas tant sur des bases théologiques que parce qu'ils voyaient en eux des Romains, donc des ennemis. A la faveur de la crise, la séparation entre un Est grec et un Ouest romain, pesanteur de la formation de Rome, refait jour autant que, par exemple, la culture des peuples gaulois l'avait déjà fait. L'Empire romain fut définitivement séparé en un Empire romain d'Orient et un Empire romain d'Occident en 395. On peut comprendre la prétention de Byzance à représenter l'universalité de l'ancien Empire romain: lors du partage de 395, on n'envisageait pas vraiment un vrai partage -chaque "Auguste" était co-empereur- ni un partage définitif. A savoir aussi que les historiens, récemment, se sont efforcés de ré-évaluer, par rapport à celle de l'Occident, l'histoire de Byzance qui, jusque là, avait été légèrement amoindrie

A partir de l'irruption de 406, une période de transition prend place. Les frontières germaniques ne sont plus qu'une limite vague, respectée entre deux poussées de peuples et, quasi immédiatement, la partie occidentale de l'Empire romain se modifie: les rois germains et leurs élites guerrières gouvernent et se considèrent héritiers de Rome; ils continuent d'utiliser l'armature bureaucratique romaine et ses fonctionnaires; les peuples celtes continuent d'être paysans. Les Romains ne réagirent que peu face à ces réalités nouvelles et la seule marge qu'ils avaient était le degré plus ou moins important d'acculturation des peuples germaniques. Par deux fois seulement, ils s'efforcèrent de contrôler ce qui se passait: Stilicon (vers 390), un Vandale, devenu général pour l'Occident, essaya de manipuler les Wisigoths d'Alaric et Aetius (vers 440), général gouvernant pour Valentinien III, essaya de jouer les Huns contre les Germains. Dans les deux cas, cependant, les empereurs ne soutinrent pas ces efforts ni l'enchaînement des évènements (projets, assassinats, faibles gouvernants romains, contrôle du grenier à blé de l'Afrique du Nord par les Vandales, ralliement des esclaves et des paysans, questions religieuses du fait de l'arianisme des Germains, coups du sort, etc.) ne sauva Rome: Stilicon fut tué sur ordre de l'empereur Honorius qui entendait engager une réaction purement romaine à l'encontre des invasions et des mercenaires germains et les Wisigoths assiégèrent Rome plusieurs fois et finirent par mettre la ville à sac en 410, évènement retentissant pour cette ville vieille de 8 siècles. Aetius fut tué par Valentinien III, qui craignait sa puissance, et les partisans du général assassinèrent à leur tour l'empereur, mettant fin à la lignée des empereurs d'Occident (454). On ne doit pas non plus négliger le ralliement pragmatique de l'Eglise -seule, finalement porteuse d'un projet et dernière déentrice d'une organisation encore efficace, aux Germains -même d'hérésie arienne. A partir de la mort de Valentinien, l'Occident vit se succéder des empereurs-fantoches sous le contrôle des mercenaires germains jusqu'en 476, date de la déposition de Romulus-Augustule, dernier empereur d'Occident. A la fin du IVème siècle, seule l'Italie, sous l'Ostrogoth Théodoric, rallié à Constantinople, restait fidèle à l'empereur d'Orient. La tentative de reconquête générale de l'Ouest par Justinien, qui dura 20 ans à partir de 533 échoua parce que trop tardive. Les 40 ans de règne de Justinien (527-565) apporta un bref répit pour ce qui est de l'Italie relatif aux troubles, famines, maladies qui l'affectaient; sur cette base et avec l'appui de l'empereur, la papauté se renforça, développant son double pouvoir, spirituel et temporel, sur Rome et ses territoires (Rome adopta même alors, via la Pragmatique Sanction de 554, le Code de Justinien dont le souvenir se perpétuera jusqu'à sa renaissance aux XIIème et XIIIème siècles). Clovis, en 496, s'était fait baptiser et avait établi le royaume franc et les Lombards avaient conquis l'Italie du Nord, compromettant la reconquête. Cette période de transition avait appris aux rois germains qu'il ne servait à rien de continuer de se considérer comme les agents de l'empereur d'Orient. Le pape, lui, à, Rome faisait passer l'unité de la Chrétienté avant tout. Les ponts étaient alors rompus avec l'ancien monde

->L'éloignement entre Orient et Occident
Depuis l'an 500, les relations d'éloignement entre l'Ouest et l'Est sont celles d'un "géant empêché" (Byzance), constamment gêné par les schismes, amplifiés par le césaropapisme et les mouvements de peuples -et cependant modèle sur le plan des arts- et d'une "humble médiocrité" (Rome, Occident), qui marchent vers la Chrétienté médiévale. L'Orient, l'Empire byzantin, est grec, autocratique, césaropapiste, ritualiste, urbain, divisé par les schismes. L'Occident est latin, pontifical, rural, romain, germain et celte. Pour ce qui est, particulièrement, des relations entre le pape de Rome et la Byzance du césaropapisme, Rome et l'Italie du Sud financent Byzance, le pape est le chef des Romains -comme les évêques l'ont été des peuples dans les royaumes germaniques- les Romains n'aiment pas Byzance, des moines byzantins réfugiés à Rome y développent l'influence de l'Orient (pour l'essentiel dans le deuxième moitié du VIIème siècle) et les papes restent soucieux de l'unité, sous l'autorité de Pierre, de la Chrétienté, le pape a besoin que l'empereur de Byzance le défende contre les troubles lombards en Italie. Il faudra 3 siècles -ceux du passage de l'Antiquité au Moyen Age- pour que les deux pouvoirs, l'empereur byzantin et le pape, poussent leurs différences jusqu'à la rupture. Rome détient l'"auctoritas" impériale depuis l'empereur Constantin, elle délègue l'empire aux Francs, un empire pas tellement renouveau de l'Empire romain d'Occident mais Empire chrétien. La rupture commencée vers 700 durera jusqu'aux débuts du règne de Charlemagne

L'Empire romain d'Orient survit seul en tant que centre de la romanité perdue. Dès le IVème siècle, toute l'activité principale de Rome est passé à Constantinople y compris les grandes controverses théologiques. Byzance va subsister pendant un millénaire et elle perpétue l'idée d'Empire. Elle est la défenseur de la civilisation gréco-latine contre l'Orient asiatique. Vers 400, Byzance est l'état le plus puissant de la région; l'idée d'unité de l'Empire y subsiste y compris dans le peuple et le latin reste la langue officielle -le grec est celle de la culture. La papauté, à Rome, tend à conforter cette vue et il se préoccupe de l'unité entre les deux parties de la Chrétienté. Mais Constantinople passe vite au césaropapisme et les empereurs sont obligés, pour des questions de souveraineté sur certaines régions, de favoriser certains schismes par rapport à d'autres -d'où les premiers conflits et opposition théologiques avec les papes. L'Empire byzantin se confrontait à des problèmes, donc un destin, particuliers et ses problèmes avec les invasions arabe ou slaves amenèrent le déclin de la vie culturelle et de son rayonnement. Byzance était à la fois un "modèle admiré et un exemple rejeté". De plus, l'Orient ne peut plus protéger le pape en Italie et la papauté reste seule face aux royaumes barbares; elle accroît son prestige et s'impose comme le seul point de référence spirituel. Les questionnements théologiques, de plus, ne sont déjà plus les mêmes, ecclésiologie et question de la liberté et de la grâce à Rome, théologie politique et christologie à Byzance. Rome est aussi la "plaque tournante" de l'Occident, reliant les Eglises nationales entre elles. Les décisions en matière de religion à Byzance se font désormais sans le pape et le pape défend la primauté romaine et pose la question des relations Etat-Eglise. Toute unité alors, qui peut exister en termes d'Eglise entre Occident et Orient n'est que compromis imposé par Byzance à Rome et non libre volonté du pape

De 450 à 600, il y a christianisation de l'Occident car, bien que parent pauvre de Constantinople en terme de puissance apparente, l'Occident progresse en tant que lui-même. Même si certains parlent de l'"humble médiocrité" de Rome, l'Empire d'Orient, qui devient Empire byzantin et grec, semble bien un "géant empêché". En effet, par exemple, Justinien, vers 500, relance l'idée de la suprématie de Constantinople mais la reconquête, cependant, est inutile, sauf l'Afrique du nord et une partie de l'Italie et des provinces de Byzance se séparent. Dès 550, ainsi, les Lombards sont en Italie et en 200 ans ils vont évincer les Byzantins d'Italie. Les Avars, les Perses et les Slaves menacent et, surtout, en 632, commence les foudroyantes conquêtes arabes. Tout l'Orient leur revient et, en 711, ils prennent l'Espagne. Byzance se tourne donc vers l'Orient, devient l'Empire byzantin et, en quelque sorte, le barrage de l'Occident contre les peuples venus d'Asie. Byzance se militarise, passe à la langue grec et l'"imperator" devient le "basileus". Byzance va cependant rester un empire puissant et l'Eglise grecque a encore un rayonnement et un dynamisme en Orient. L'Orient est le monde de la culture, de l'art et des villes ainsi que de l'héritage gréco-romain. L'Occident dès Grégoire le Grand, vers 600, s'est tourné vers les royaumes germaniques. Le dynamisme de l'Ouest vient de la fin de la christianisation des populations, de l'implantation chrétienne en Germanie et chez les Slaves occidentaux. C'est aussi le lieu du monachisme bien adapté à l'Occident devenu rural; le monachisme s'y délivre de l'influence orientale à partir de 600 par les Irlandais, qui passent du monachisme oriental de perfection personnelle à un monachisme de mission voire le début des Bénédictins. Après que Justinien ait imposé le contrôle des élections pontificales -Byzance envisage ses rapports avec Rome essentiellement en termes de contrôle politique et d'impôt- le pape ne peut se résoudre à la division de l'Eglise en Eglise d'Orient et Eglise d'Occident. Grégoire le Grand, ainsi, vers 600, se veut le gouvernant de la Chrétienté. Il s'impose en Italie du fait de l'avancée des Lombards, à des liens avec Antioche et Alexandrie. Il est fier d'être un Latin. Il est partisan d'une Eglise une dans la diversité Orient-Occident mais il entérine en fait la coupure culturelle entre les deux mondes. Respectueux de l'empereur de Byzance, -Rome reste officiellement sous le contrôle de ce dernier- il inaugure cependant l'indépendance du pape. Les peuples italiens et les nobles romains considérèrent le pape comme leur chef politique, sont anti-grecs et Rome reste le centre du monde chrétien -les Orientaux considèrent le pape comme le patriarche de Rome et le recours en dernier ressort en matière d'Eglise. Divers schismes, par ailleurs, maintiennent la distance entre les deux mondes. L'Eglise d'Orient s'éloigne de l'Eglise d'Occident, sans doute au détriment des peuples chrétiens des deux mondes. Les Eglises d'Occident, elles, cependant, deviennent nationales et perdent souvent le contact avec Rome

A la fin du VIIème siècle, l'influence byzantine s'apesantit sur Rome: les papes sont Grecs, faibles et pris entre l'Exarque et les Lombards. Ils laissent Byzance énoncer un certain nombre d'hérésies. A partir de vers 680, le troisième concile de Constantinople, de plus met fin à une hérésie importante, le monothélisme, une des causes de l'opposition avec Rome. Les papes reconnaissent la souveraineté de Constantinlople sur Rome mais cette unité politique est atteinte par les questions théologiques: refus de trop d'influence de l'Ouest sur la pratique, la doctrine, l'art -lesquelles sont réelles. Mais même ce regain intellectuel, finalement, permet aux papes de disputer sérieusement en théologie avec Byzance et l'indépendance du pape. La confirmation de l'élection pontificale passe à l'Exarque, à Ravenne et l'approbation ne sera plus requise en 752. Ce calme, aussi, fait que le pape commence de se voir en chef de l'Eglise universelle et non chef de différentes Eglises locales, l'Orient y compris. Alors que les populations de Rome et d'Italie prennent la moindre occasion de soutenir les papes contre Byzance, l'allégeance de ceux-ci à Byzance ne se fonde que sur le fait que Byzance est l'Empire chrétien, lieu de la culture, rappel de l'Antiquité et, surtout, que Byzance est le défenseur du pape en Italie. La force des papes vient aussi de leur patrimoine à Rome et en Italie. L'influence byzantine à Rome se traduit, dès 610, par l'afflux de nombreux moines des Balkans et d'ailleurs -ils sont chalcédoniens de doctrine et renforcent le potentiel intellectuel de Rome. Les clercs grecs vers 700 sont de plus en plus nombreux; une influence liturgique s'exerce et des clercs sont bilingues latin-grec et il y a tout un quartier grec à Rome, du Palatinat à la rive du Tibre près de Ste-Marie-en-Cosmédine avec des églises, des monastères et un quartier marchand cosmopolite sur le Tibre; les Grecs, par exemple, sont les seuls médecins de Rome. Les relations se perdent alors de nouveau avec les Eglise d'Occident sauf celle d'Angleterre. A la fin de cette période, vers 680 les Italiens supportent de plus en plus mal les Byzantins et un parti italien se forme à la cour pontificale

Alors qu'on arrive à l'époque carolingienne, au début du VIIIème siècle, le monde arabe devient une autre puissance avec villes, arts et culture tirés et accrus de l'héritage de l'Antiquité. Surtout, la crise iconoclaste, dès 726 -qui est une opposition entre l'empereur byzantin et les moines- déstabilise Byzance. Ce sera l'iconoclasme qui va provoquer la vraie rupture entre le pape et le patriarche de Constantinople, sans compter les empereurs. Même si Constantinople, à l'époque, rêve encore d'empire universel, l'Occident passe à la recomposition carolingienne. Les papes, qui redeviennent cultivés, reprennent les liens avec l'Occident et, à partir de 730, se trouvant entre Lombards et Byzantins hérétiques, ils mènent une politique "incertaine ou habile". Byzance se retire d'Italie devant les Lombards et est pressée par les Arabes. Byzance est perçue comme en déclin par les papes et comme incapable de défendre l'Eglise. En un court laps de temps, le pape passe à l'Occident, rompant définitivement avec l'Empire de Byzance mais pas forcément avec l'idée d'unité de l'Eglise. Pour ce qui de la relation entre Charlemagne et l'Eglise, Charles est césaropapiste. Le césaropapisme de Charles vient de celui de Pépin: on veut bien de la réforme de l'Eglise franque mais sous contrôle franc. De théorie isidorienne, le césaropapisme se veut contre les mauvais prêtres ou papes, contre Byzance et est souci de l'unité du royaume. En 800, Charlemagne se voit en empereur chrétien, le pape le voit en empereur romain. La papauté favorise la renaissance carolingienne mais Charlemagne ne peut élever le niveau intellectuel et moral du clergé. Ce sont les monastères qui vont porter le poids de l'Eglise et Charles, qui essaie de replacer les monastères sous l'autorité des évêques francs, n'est pas forcément favorable aux Bénédictins. Les relations avec Byzance sont tendues -l'attribution du titre impérial à Charlemagne en 800 a inquiété, Charles pratique une alliance de revers avec les Abassides, les querelles théologiques du Filioque et des images sont importantes- bien qu'on s'efforce de les pacifier et le pape tend, cette fois, à passer sous le césaropapisme franc.

Conclusion

Enfin, à l'époque du déclin de l'Empire carolingien et malgré le fait que Byzance atteigne un apogée -territoires, culture, l'iconoclasme, à son terme, en 847, aura été ce qui a permis l'établissement de l'"orthodoxie" de l'Eglise d'Orient- le destin de l'Occident et de l'Orient sont désormais séparés. Avant de sombrer à son tour, la papauté se pose en rival de l'Orient dans les marches slaves et le schisme de Photius annoncera le schisme définitif de 1054. De plus, le déclin des Carolingiens a permis aux papes de réaffirmer leur indépendance. Le pape parle désormais de l'empereur d'Orient comme l'Empereur des Grecs. Vers l'an Mil, un monde nouveau émergera de toute cette mutation: l'Empire rattaché, en Occident, aux Allemands, mondes féodaux ailleurs, renaissance d'un commerce occidental, perpétuation de la renaissance intellectuelle carolingienne. L'Occident, en fait, sera né; comme l'a dit le pape Benoît XVI lors de son voyage en Allemagne en septembre 2011, la culture européenne est née de la rencontre entre Jérusalem (ou l'idée du Dieu unique), Athènes (ou la raison philosophique) et Rome (ou la pensée juridique). Cette rencontre forme l'identité profonde de l'Europe. D'un point de vue autre que celui de la culture, l'Europe est aussi le continent où dans les conditions particulières de la fin de l'Empire romain, se sont rencontrés divers peuples, soit les Celtes, les Romains, les Germains et les Slaves. Enfin, sur un plan plus vaste, on pourra se demander si cette civilisation européenne en gestation, synthèse des peuples celtes, des conquérants germains, du souvenir de Rome et de l'Eglise, ne représente pas au plus haut point la civilisation néolithique née 10000 ans auparavant, civilisation de la ruralité, des chemins et des empires qui avait elle-même achevé la lente évolution de l'homme depuis ses origines

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