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Les Juifs

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Parce que dispersés au Moyen-Orient et en Méditerranée après la destruction du Temple de Jérusalem par les Romains, en 70 ap. J.-C., y formant des communautés, parce que questionnant l'Eglise par le fait qu'ils ne reconnurent pas le Christ comme le Messie attendu par Israël, présents sous la forme des grands marchands à l'époque carolingienne, les Juifs font partie de l'histoire de l'époque

Les Hébreux, des origines à la Diaspora

Les Hébreux apparaissent dans l'histoire avec Abraham, qui, vers 1700 avt. J.-C., prêche le rejet des idoles et le monothéisme. Moïse est le personnage suivant dans l'histoire juive, menant les Hébreux hors d'Egypte -vers 1300 avt. J.-C.; ils y avaient été transformés en esclaves au temps de Jacob, le petit-fils d'Abraham. De retour en Canaan -la "Terre Promise"- les Juifs finirent par adopter, sur le plan politique, le système de la royauté, vers 1050, au temps de Saül. Le royaume fut ensuite partagé en deux, en 920: celui d'Israël, au Nord et celui de Juda, au Sud du pays. Israël tomba sous les coups des Assyriens en 721 avant notre ère et Juda sous ceux des Babyloniens en 586. On pense que le royaume du Nord -Israël- avait été fondé par dix des douze tribus d'Israël, avec, pour capitale, Samarie alors que le royaume du Sud -Juda- avec capitale Jérusalem l'avait été par les tribus de Juda et Benjamin, avec une partie des Lévites voire des membres de la tribu de Siméon. Le premier exil, celui engendré par les Assyriens eut comme conséquence que quasi aucun Juifs de ces dix tribus ne revint jamais en Israël et les Assyriens établirent en Samarie des populations étrangères, les derniers Juifs restant là devenant les "Samaritains", issus d'hommes juifs et de femmes de ces populations étrangères. Les Juifs du royaume de Juda, eux, furent les seuls Juifs à pouvoir rentrer sur la Terre Promise après leur déportation à Babylone. Le roi perse Cyrus les autorisa à rentrer vers 539 avt. J.-C., et vers 518 ils avaient reconstruit le Temple et Israël était devenu un sous-district d'une satrapie perse. Cette période du VIème siècle est celle du "Retour à Sion". Ne revinrent en Israël que les tribus de Juda, de Benjamin ainsi qu'une partie de celle de Levi voire quelques membres de la tribu de Siméon soit les tribus qui avaient fondé le royaume de Juda. Ce fut à l'époque de l'exil à Babylone que la Torah commença d'être rédigée sur la base de manuscrits qui avaient pu être sauvés de la destruction du Premier Temple. Certains pensant que le judaïsme, à l'époque des royaumes, était resté entaché de polythéisme et que l'Exil le transforma en le monothéisme. Les seuls Juifs revenus d'exil considérèrent toujours les Samaritains -quoique ceux-ci aient continué de pratiquer des coutumes juives- comme des non-Juifs. Depuis cette époque, s'est perpétuée l'idée des "dix tribus perdues d'Israël" -que les tribus déportées par les Assyriens s'étaient perdues dans les méandres de l'Histoire

->Les 12 tribus d'Israël dans les Bénédictions de Jacob
L'Ancien Testament -Gen. 49 1-28- décrit les 12 tribus d'Israël telles que bénies par Jacob ou Israë, petit-fils d'Abraham qui gagna son nom en combattant Dieu au gué du Yabboq, avant sa mort:
1 Jacob appela ses fils et dit: "Réunissez-vous que je vous annonce ce qui vous arrivera dans la suite des temps.
2 "Rassemblez-vous, écoutez, fils de Jacob, écoutez Israël, votre père.
3 Ruben, tu es mon premier-né, ma vigeur, les prémices de ma virilité, comble de fierté et comble de force,
4 un débordement comme les eaux: tu ne sera pas comblé, car tu es monté sur le lit de ton père, alors tu as profané sa couche contre moi.
5 Siméon et Lévi sont frères, ils ont mené à bout la violence de leurs intrigues.
6 Que mon âme n'entre pas en leurs conseils, que mon coeur ne s'unisse pas à leur groupe, car dans leur colère, ils ont tué des hommes, dans leur dérèglement, mutilé des taureaux.
7 Maudite leur colère pour sa rigueur, maudite leur fureur pour sa dureté. Je les diviserai dans Jacob. Je les disperserai dans Israël.
8 Juda, toi, tes frères te loueront, ta main est sur la nuque de tes ennemis et les fils de ton père s'inclineront devant toi.
9 Juda est un jeune lion; de la proie, mon fils, tu es remonté; il s'est accroupi, s'est couché comme un lion, comme une lionne: qui le ferait lever?
10 Le sceptre ne s'éloignera pas de Juda. ni le bâton de chef d'entre ses pieds, jusqu'à ce que le tribut lui soit apporté et que les peuples lui obéissent.
11 Il lie à la vigne son ânon, au cep le petit de son ânesse, il lave son vêtement dans le vin, son habit dans le sang des raisins,
12 ses yeux sont troubles de vin, ses dents sont blanches de lait.
13 Zabulon réside au bord de la mer, il est matelot sur les navires, il a Sidon à son côté.
14 Issachar est un âne robuste, couché au milieu des enclos.
15 Il a vu que le repos était bon, que le pays était agréable, il a tendu son échine au fardeau, il est devenu esclave à la corvée.
16 Dan juge son peuple, comme chaque tribu d'Israël.
17 Que Dan soit un serpent sur le chemin, un céraste sur le sentier, qui mord le cheval au jarret et son cavalier tombe à la renverse!
18 En ton salut j'espère, ô Yahvé!
19 Gad, des détrousseurs le détroussent et lui, détrousse et les talonne
20 Asher, son pain est gras, il fournit des mets de roi
21 Nephtali est une biche rapide, qui donne de beaux faons
22 Joseph est un plant fécond près de la source, dont les tiges franchissent le mur.
23 Les archers l'ont exaspéré. ils ont tiré et l'ont pris à partie.
24 Mais leur arc a été brisé par un puissant, les nerfs de leurs bras ont été rompus par les mains du Puissant de Jacob, par le Nom de la Pierre d'Israël,
25 par le Dieu de ton père, qui le secourt, par El Shaddaï qui te bénit; bénédictions des cieux en haut, bénédictions de l'abîme couché en bas, bénédictions des mamelles et du sein,
26 bénédictions des épis et des fleurs, bénédictions des montagnes antiques, attirance des collines éternelles, qu'elles viennent sur la tête de Joseph, sur le front du consacré d'entre ses frères!
27 Benjamin est un loup rapace, le matin il dévore une proie, jusqu'au soir il partage le butin"
28 Tous ceux-là forment les tribus d'Israël, au nombre de douze, et voilà ce que leur a dit leur père. Il les a béni; à chacun il a donné une bénédiction qui lui convenait.

Lorsqu'Alexandre le Grand eut conquis les anciens empires du Moyen-Orient, Israël fut contrôlé par les unes ou les autres des dynasties qui furent ses successeurs -les Séleucides de Syrie ou les Ptolémées d'Egypte, les Ptolémées hellénisant les Juifs. Ce peuple juif d'Israël tendit à ne plus respecter la division en tribus et à devenir un peuple unifié. La langue vernaculaire était devenue l'araméen, qui était la lingua franca du Moyen-Orient alors et l'hébreu était la langue réservée à la lecture de la Torah et à la prière. Le royaume asmonéen (164-63 avt. J.-C.), fondé par l'un des Macchabées, n'eut qu'à peine le temps d'exister avant qu'Israël ne tombât entre les mains des Romains, la nouvelle puissance en Méditerranée et qui, comme Alexandre, venait conquérir l'Orient. L'étape essentielle de l'histoire juive fut ensuite la survenance de Jésus-Christ, qui, vers l'an 0, proclama qu'il était le Messie attendu par les Juifs. Les combats contre la prépondérance des Romains amena finalement, en 69-70 de notre ère, que ceux-ci occupèrent définitivement la Judée et détruisirent le Temple de Jérusalem -656 ans jour pour jour après la première destruction de 587 avt. J.-C. Une dernière révolte fut écrasée en 132 et la région, depuis, fut connue sous le nom de Palestine

L'évolution de la religion juive

La destruction des deux royaumes juifs avait amené une première diaspora. Des Juifs, soit esclaves, soit fuyant, s'installèrent dans divers pays ou régions, tels l'Iran, la Mésopotamie, l'Asie Mineure, la Syrie, l'Egypte ou le Yémen. Ainsi, une forme de culture juive s'y développa ainsi même, à la période hellénistique, qu'une forme de prosélytisme. La deuxième destruction du Temple, par les Romains, amena une deuxième -et, cette fois, définitive- diaspora du peuple juif. Certains devinrent esclaves à Rome; d'autres fuirent vers les communautés créées lors de la première diaspora et d'autres restèrent en Judée

Le "Tanakh", jusque là, avait été la seule source de la religion juive. Le Tanakh comprenait la Torah -la compilation écrite des lois données à Moïse sur le Sinaï- les textes des Prophètes et d'autres écrits. Ces textes fondamentaux du judaïsme furent standardisés entre 200 et 100 avt. J.-C. L'une des conséquences de la première diaspora, surtout sous la forme du judaïsme hellénistique, avait été que les Juifs étaient passés de leur conception d'un Dieu unique à celle de leur religion comme contenant des vérités universelles

Un rabbin, Yochanan ben Zakai, après la chute de Jérusalem et la destruction du Temple par les Romains, se vit accorder, ainsi qu'au Sanhédrin, le droit de s'intaller en Palestine, à Yavneh. Le Sanhédrin, jusqu'à ce qu'il fut dispersé, en 420, par les Romains, devint l'organe de gouvernement et l'organe religieux des Juifs. Les rabbins, alors, élaborèrent les autres sources fondamentales du judaïsme, la source de celles-ci n'étant plus l'inspiration divine mais humaine: les synagogues et les écoles rabbiniques (les "midrash") étaient nées pendant l'exil à Babylone et elles avaient continué d'exister ensuite. Ces sources nouvelles, de la Diaspora, sont dites "judaïsme rabbinique". Chaque communauté de la Diaspora avait son rabbin, son chef religieux. Le judaïsme passa ainsi de l'époque où il était centré sur le Temple à celle où il le devint sur l'enseignement des rabbins. On notera -un point d'histoire très intéressant- que les rabbins de la Diaspora ne sont autres que les célèbres Pharisiens, l'un des "partis" juifs de l'époque du Christ. Les Pharisiens, en effet, comme les Sadducéens apparurent dans l'histoire juive lors du retour de Babylonie. Les Sadducéens étaient devenus le parti des prêtres du Temple et des élites mais leur légitimité était constestée dans la mesure ou le retour de l'Exil avait été permis, finalement, par les Perses, un pouvoir étranger. C'est au temps de la monarchie des Macchabées que plusieurs partis apparurent, qui contestèrent les Sadducéens. Les Pharisiens tiraient leur origine des scribes et des sages qui, au moment du retour en Israël, commencèrent de mettre par écrit les textes sacrés et qui étaient chargés de la lecture publique de la Torah. Les Pharisiens étaient fortement conservateurs, s'opposant à toute forme d'assimilation à une culture étrangère quelconque. Les Esséniens, eux, s'opposaient aussi bien aux prêtres des Macchabées qu'à ceux que nommaient les Séleucides et ils refusaient le Deuxième Temple, celui qui avait été rebâti lors du retour de l'Exil. Ce fut l'opposition entre Sadducéens et Pharisiens qui permit la conquête romaine. Les deux partis, sous la domination romaine, continuèrent de s'opposer alors que des radicaux -les Zélotes- organisèrent des révoltes. Les Pharisiens finirent par se tourner essentiellement vers l'étude de la Loi et se rapprochèrent des Esséniens -particulièrement en ce qui concernait leur peu d'intérêt pour le Deuxième Temple. Les Sadducéens, eux, furent évincés de leur rôle sacerdotal et du pouvoir. On ne sait pas exactement si Jésus-Christ s'opposa réellement aux Pharisiens ou si cette opposition fut une construction intellectuelle, réalisée après coup. Une fois le Temple détruit par Titus en 70, les Sadducéens disparurent -puisque leur pouvoir était lié au Temple. Ainsi, aussi, les Esséniens -leur enseignement était devenu trop éloigné des réalités du moment. Seuls les Pharisiens survécurent. Ils devinrent les rabbins, dont les enseignements devinrent le centre de la religion juive, prenant ainsi la place du Temple. L'autorité des rabbins a commencé de se développer lorsqu'au cours du siège de Jérusalem, l'empereur Vespasien autorisa des pharisiens à sortir de la ville. Une assemblée se forma et, du point de vue des rabbins, l'autorité de celle-ci se substitua à l'ancienne autorité du grand prêtre, à celle du sacerdoce et à celle du Sanhédrin. Les Romains avaient vraisemblablement autorisé le mouvement qui permettait une reprise en main, même limité de la Judée par les Juifs eux-mêmes. Le fait fut marqué par le calcul du calendrier liturgique. Le Sanhédrin, en 359, établit les règles de calcul du calendrier et les rendit publiques, permettant que ce calcul devint indépendant de Jérusalem. L'empereur romain Théodose II, vers 438, abolit la tête du Sanhédrin et le peuple juif ne fut plus autorisé à occuper des fonctions militaires ou civiles non plus que des nouvelles synagogues ne purent plus être construites

L'impact du rôle nouveau des Pharisiens devenus rabbins, sous la forme de leurs enseignements, amenèrent la rédaction de deux sources supplémentaires du judaïsme: la "Mishna" -vers 200 de notre ère- et la "Gemara", vers 500, les deux constituant le "Talmud". La Mishna se fondait sur l'idée qu'à côté de la Torah, les anciennes époques juives avaient connu une tradition orale, que contrôlaient les érudits et les chefs religieux et qui avait passé de génération en génération. Cette tradition interprétait les lois de Moïse -particulièrement la Loi donnée pour la seconde fois à Moïse sur le Sinaï. La Mishna devint un ensemble de règles pertinentes à la vie juive pratique telles l'agriculture, les rites religieux, le mariage ou les lois civiles et pénales. Elle fut mise en forme vers 200 de notre ère, en Judée. La Gemara prit la suite. La Gemara était les commentaires et les analyses de la Mishna que faisaient les rabbins des communautés de Babylone et de Palestine. Les conclusions de la Gemara se présentent sous la forme de dialogues contradictoires. Les deux sources nouvelles, la Mishna et la Gemara, finirent par être incluses dans le Talmud. Le Talmud, composé de nombreux volumes, existe en deux versions. L'une apparut au cours du IVème siècle en Palestine, l'autre vers 500 en Babylonie. Ce fut la version babylonienne qui devint l'ouvrage de référence chez les Juifs du fait, qu'après 500, les Juifs de Palestine entrèrent en déclin. Ce furent des "sages" juifs qui le mirent en forme finale en Perse

Le Talmud, enfin, fut commenté, à son tour, entre vers 800 et l'an mil -l'"ère des Gueonim". Les "Gueonim", ou "Gaonim", ou "talmudistes", sont les deux chefs religieux de la région qui succédèrent aux "sages" qui avait rédigé le Talmud. Pratiquement, les Gueonim étaient les directeurs des deux grands collèges rabbiniques de Babylonie. Ils continuèrent, tout simplement, le travail d'érudition qui avait commencé avant eux, élaborant, d'abord, des "responsa" -des réponses aux questions sur des points de doctrine qui venaient des communautés voisines- puis, après la deuxième moitié du IXème siècle, des essais -en réponse, cette fois, à des communautés plus éloignées et qui étaient moins familières du Talmud. Ensuite, l'art d'interpréter le Talmud passa définitivement en Occident ainsi que l'avait fait, dès le Haut Moyen-Age, le centre du judaïsme. Au moment où les Gueonim apparurent, c'était l'"Exilarque" qui assurait le pouvoir séculier sur les Juifs qui vivaient dans les terres des Byzantins. Les deux Gueonim acquirent leur indépendance de celui-ci -qui les nommaient- car les écoles de Babylone furent incorporées dans la sphère d'influence du monde arabe -principalement de celle de la dynastie abasside; ce sont les banquiers de la cour abasside qui soutinrent l'indépendance des Gueonim. Pour ce qui est de leur influence, les Gueonim de Babylonie rayonnaient essentiellement sur une grande partie du Moyen-Orient. La Palestine, la Syrie, le Liban et l'Egypte, eux, dépendaient de l'école de Palestine. Les communautés juives d'Afrique du Nord et d'Espagne, elles, n'avaient pas d'écoles rabbiniques propres, d'où qu'elles se reposaient sur les interprétations du Talmud à la fois sur l'école de Palestine et sur celles des Gueonim (ce qui, d'ailleurs, accrut le conflit entre l'école de Palestine et celles des Gueonim; les Gueonim finirent enfin, au Xème siècle, par l'emporter définitivement sur l'école de Palestine). Les Gueonim, marginalement, jouèrent un rôle également dans les débats avec le "Karaïsme". Le Karaïsme est un courant du judaïsme, qui se développa fortement entre le VIIIème et le XIème siècles; ils concernait, pense-t'on, près de 40% des Juifs de l'époque et il s'opposait au judaïsme rabbinique -essentiellement en refusant l'autorité du Talmud. Cette opposition nette se faisait surtout sentir en Europe; dans le monde musulman, bien que les Karaïtes refusaient aussi le Talmud, leurs pratiques restaient proche -voire identique- de celles des Juifs "orthodoxes". Au cours du Xème siècle, en Espagne, les Karaïtes devinrent une force avec laquelle il fallait compter. Le Karaïsme dut son importance aux positions sociales fortes auxquelles ses adeptes purent accéder (collecteurs d'impôts, médecins, fonctionnaires). On sait maintenant que le Karaïsme se reliait, pour ce qui est de la pensée, à Philon d'Alexandrie. L'ère des Gueonim, enfin, finit par entrer en déclin, déclin qui fut lié à celui de la dynastie abasside, au tournant de l'an Mil

Le statut des Juifs après la Diaspora

Pendant les premiers siècles qui suivirent la destruction du Temple, la diaspora juive se sépara essentiellement entre les Juifs qui s'étaient installés en Mésopotamie -jouissant d'un statut agréable- et ceux qui faisaient partie de l'Empire romain -où, dans certains endroits, ils n'avaient fait que rejoindre des communautés de convertis au judaïsme datant de la première diaspora, comme en Asie Mineure ou en Egypte. Ces Juifs de l'Empire romain furent essentiellement mal traités du fait de leur religion et de leurs coutumes. Des communautés juives existaient même en-dehors de l'Empire romain, ainsi en Europe du Nord ou de l'Est, en Afrique centrale (!) ou en Asie du sud-ouest. C'étaient les rabbins qui géraient les communautés au quotidien, les lois du pays où ils se trouvaient assumant le reste. Rome, sous l'empereur Antonin, passa à une attitude plus aimable, vers 150 de notre ère. A l'aube de la reconnaissance du christianisme à Rome, on estime que les Juifs représentaient le nombre important de 10% de la population de l'empire -qui s'élevait à 50 millions d'habitants. Cela était dû, pour partie, aux conversions et la présence juive était forte surtout en Asie mineure, en Grèce, en Palestine et en Egypte, la seule communauté juive de l'Occident se trouvant à Rome même. Le statut des Juifs prit un autre tour lorsque le christianisme fut admis dans l'empire puis en devint la seule religion. Les Chrétiens et les Juifs étaient en mauvais termes depuis l'époque du Christ: les Juifs avaient finalement décidé sa mort et, ensuite, ils avaient persécuté les premières communautés chrétiennes. Lorsque les Chrétiens obtinrent la suprématie à Rome, on assista à un rapide développement des écrits anti-Juifs, chez les Pères et les autres auteurs de l'Eglise et cela dura jusqu'au VIIème siècle. On passait, dans l'Empire romain, d'un refus des Juifs de type ethnique à un refus de type seulement théologique. Une législation restrictive, par ailleurs, avait été prise dès le règne de Constantin le Grand. Elle connut une forme de répit sous le règne rapide de Julien l'Apostat, vers 360. Les Invasions Germaniques, au Vème siècle, apportèrent une forme de répit aux Juifs. Les Germains, en effet, avaient passé à l'arianisme -une hérésie- qui était beaucoup plus tolérant. Dans l'Est de l'Empire romain, bien que moins nombreux qu'au temps de l'unité de l'empire, les Juifs continuèrent d'être fortement présents mais leur statut -et leur influence- fut fortement dévalorisé: la politique officielle de Constantinople était de les convertir et l'empereur Théodose finit même par les persécuter, de façon officielle, vers l'an 400. Cette politique de ségrégation continua par la suite. Elle eut comme conséquence qu'au moment de la conquête arabe, un grand nombre de Juifs s'enfuirent vers les territoires occupés par les Arabes, préférant la discrimination plus douce de ces derniers. Mahomet s'était vite opposé aux Juifs, qu'il avait cru pouvoir gagner à l'Islam et il en développa une haine sans merci. Celle-ci fut poursuivie par Omar (634-644), le second calife à lui succéder, sous le nom de "législation d'Omar". Ce fanatisme, sous ses successeurs, se mue assez vite, cependant, en tolérance: les Juifs peuvent aider à consolider les conquêtes. Le statut officiel, dévalorisé des Juifs (ils sont, comme les Chrétiens, des "dhimmi") ne se fera sentir qu'aux heures de décadence des royaumes et empires musulmans. En Occident, chaque fois qu'un royaume quittait l'hérésie arienne pour revenir au vrai catholicisme -chez les Francs, les Burgondes ou les Wisigoths- le statut des Juifs empira. On peut peut-être ainsi expliquer que les Juifs d'Espagne, comme ceux de Byzance, ait accueilli voire aidé l'invasion musulmane, en 711. Les Arabes, en effet, leur donnaient un statut plus favorable -même si, par ailleurs, tous les Juifs avaient été expulsés de la péninsule arabique. C'est à l'époque carolingienne, que, dans l'Espagne musulmane, eut lieu l'"Age d'Or juif", qui dura de 900 à 1090. La communauté juive étant la plus riche, la plus nombreuse et la plus influente alors, on vit fleurir les poètes, les érudits, les savants, les hommes politiques et les philosophes juifs. Les Juifs, au moment de l'invasion, représentaient 8% de la population. Entre 700 et 1250, c'était dans l'Espagne sarrasine et le monde arabe -de l'Afrique du Nord à la Palestine, l'Irak et le Yémen- que les Juifs étaient les plus nombreux. Ils y bénéficiaient -sauf des périodes sporadiques de persécution- d'un statut favorable et de tolérance. Les Juifs se scindèrent en deux branches, les "Ashkénazes" -ce qui signifie "Allemand" en hébreu- et les "Sépharades" -qui veut dire "Espagnol" ou "Ibérique". Les premiers étaient venus de Palestine en Italie aux Ier et IIème siècle, puis avaient migré de là dans le Sud de l'Allemagne aux VIIème et VIIIème siècles, atteignant ensuite l'Europe centrale et orientale. Les seconds étaient les Juifs d'Espagne. Les Juifs installés dans le monde arabe -hors l'Espagne- descendaient des communautés anciennes qui se trouvaient dans ces régions, comme en Egypte, en Perse, au Yémen ou en Syrie, ou encore chez les Berbères d'Afrique du Nord. A l'époque du schisme karaïte, les Khazars, une tribu turque des steppes, installée à l'embouchure de la Volga, se convertirent au judaïsme aux VIIème et VIIIème siècles. Ennemis des Perses, ils profitèrent de l'invasion arabe pour s'installer jusqu'en Arménie et en Crimée et ils mirent Byzance à tribut, vassalisant les Bulgares et autres peuples, imposant un impôt aux premiers Russes de Kiev. Ils se confrontaient aussi aux Arabes. Des marchands arabes et byzantins vinrent leur échanger leurs fourrures et leur firent connaître l'Islam et le christianisme oriental. Des Juifs fuyant l'intolérance de l'empereur Léon, au début du VIIIème siècle, s'installèrent à la cour de leur chef, le chagan, y devenant interprètes, marchands, médecins et conseillers. Un des chagans décida de bannir l'idôlatrie et l'empereur byzantin et le Calife arabe organisèrent un débat, avec un Juif, sur les avantages respectifs de leur religion. Le chef khazar, remarquant que les arguments des Chrétiens orientaux et des musulmans recourraient au judaïsme, il décida de passer à cette religion. Les Khazars firent venir des érudits juifs et ils pratiquèrent un judaïsme tolérant. Les Juifs les considéraient comme des tribus de Siméon et de Manassé. Vers 960, le royaume existe encore et il entre en relation avec Hasdaï, le philosophe juif espagnol, qui, selon l'esprit du temps, s'afflige de voir les Juifs ne pas disposer d'un royaume. Le royaume khazar finit par être détruit par les Russes de Kiev en 969. Au VIème siècle, par ailleurs, il y avait 43 communautés juives en Palestine. On trouvait aussi des Juifs en Afrique du centre et en Afrique australe, en Ethiopie alors que des marchands juifs se trouvaient en Chine à l'époque de la dynastie Tang

Le statut des Juifs à l'époque carolingienne

Après l'exil décidé par le roi mérovingien Dagobert Ier (633), les Juifs ne se trouvent plus que dans le Sud des Gaules, en "Septimanie", cette partie des rivages méditerranéens ressortissant aux rois wisigoths d'Espagne. A Narbonne, par exemple, les Juifs représentait, pour le peuple chrétien, un contre-pouvoir significatif aux rois espagnols. Ces derniers finirent par autorise les Juifs à continuer de vivre à Narbonne mais à la condition qu'ils se convertissent au catholicisme. Les Arabes conquirent la ville en 719. Après l'intervention des Carolingiens, les Juifs de Narbonne ont bénéficié de l'exonération fiscale en raison du siège de la ville par Pépin le Bref -probablement- en 759. La ville n'avait pas été prise par Charles Martel et les Juifs rendirent la ville. Pépin leur accorda donc une partie de la ville et le droit de vivre sous un "roi juif" -comme les Sarrasins restant eurent aussi ce droit. Une histoire attribue l'épisode à Charlemagne, qui ayant eu un cheval tué sous lui pendant le combat, vit un juif, au détriment de sa propre vie, lui donné son cheval. Les débuts carolingiens commencent, pour les Juifs, par une différence des attitudes entre la population, le clergé et les autorités. Il semble que les populations, comme, par exemple, en Espagne à la même époque, pratiquent une forme de coexistence entre communautés, qui mène à des conversions de part et d'autre même si les Juifs -leurs autorités?- restent plus rétifs à celles-ci. Les Juifs semblent légèrement plus insérés dans la masse de la population (noms locaux, langue vulgaire -même à la synagogue, activités variées et non limitées au commerce). Les clercs sont nettement antisémites, par théologie: les Juifs, pour assurer leur judaïté, ont vocation à se convertir. Des prédications ont une influence nette sur les enfants et les esclaves païens des communautés juives. Des accusations récurrentes de vols d'enfants et de ventes de Chrétiens aux Arabes d'Espagne ont lieu. Agobard, l'évêque de Lyon, est le plus célèbre de ces clercs hostiles aux Juifs. Les Carolingiens eux-mêmes, le pouvoir politique, ont une attitude relativement bienveillante qui préserve l'identité des Juifs. Il est certain que les conceptions générales des Carolingiens -un Empire peuplé de peuples divers régis, sur le plan interne, par leurs propres lois- font que les Juifs sont considérés comme un de ces peuples parmi d'autres. Un officier carolingien spécial, le "magister judeorum", est une sorte de porte-parole de la communauté; il est mentionné pour la première fois sous Louis le Pieux. Les Juifs, comme les autres peuples, sont présents au couronnement et au sacre, participant aux acclamations rituelles -dans ce cas en hébreu et en syriaque- avec les autres Orientaux présents. Les Juifs sont exclus des fonctions officielles dans l'Empire. A ce climat d'une première période carolingienne, succède celui du IXème siècle. Les désordres et les menaces se développant, les Juifs commencent, vers 840, d'être accusés d'avoir livré des villes aux Normands ou aux Arabes voire un médecin d'avoir empoisonné Charles le Chauve, en 877. Une affaire célèbre, celle d'un Alaman du palais, Bodo, qui se convertit au judaïsme, dénonce de soit-disant mauvaises moeurs des clercs catholiques et fuit en Espagne musulmane où il incite à la conversion forcée, à l'Islam ou au judaïsme, des Chrétiens, montre, d'une part, l'influence juive à proximité de la Cour, et, d'autre part, l'affaire développe une animosité contre les Juifs. Les conciles commencent de prendre des mesures: répression du prosélytisme, pas de promiscuité, interdictions d'emploi, d'avoir des esclaves chrétiens, de commercer les esclaves en général, confinement chez eux lors de la Semaine Sainte, pas de nouvelles synagogues, etc. Et cela se retrouve -jusque même à une possible expulsion générale des Juifs d'Italie- dans les royaumes qui naissent du déclin de l'Empire. Le déclin du pouvoir permet ainsi à l'antisémitisme des clercs de s'exprimer. Il s'agit d'un antisémitisme "théologique": les conflits de Jésus avec les Juifs de son époque sont mis en relief et les Juifs de l'époque indisposent l'Eglise car ils ne veulent pas se convertir. Charles le Simple, vers l'an 900, confisquera les biens des Juifs de Narbonne et les donnera à l'Eglise. Aix-la-Chapelle, Bordeaux, Worms, Soissons, Augsbourg, Pavie, Ravenne ont des communautés juives alors que le sud-ouest et le sud-est de la Gaule et la vallée du Rhône (Lyon, Châlon-sur-Saône, Mâcon, Vienne, Arles, Narbonne) sont là où les Juifs sont les plus nombreux. Dans cet apparent antagonisme entre une relative tolérance des gouvernants carolingiens et un antisémitisme d'Eglise, les sources ne sont pas claires, pour ce qui est de la seconde attitude, sur le point de savoir si par "Eglise", il faut entendre seulement l'Eglise franque, ou l'Eglise en général, avec approbation de Rome. Il est possible que la ligne de partage se fasse entre un parti impérial, césaropapiste -tel Alcuin puis son disciple Raban Maur- proche de l'hellénisme, du néo-platonisme et d'un origénisme sentant le souffre dont l'amitié pour les Juifs les mène très loin dans l'éloignement d'avec le catholicisme, une partie du haut-clergé et des Grands, gallicans, anti-juifs, attitude qui les pousse à participer aux luttes du temps de Louis le Pieux et des ses fils en choisissant le parti, surtout de Lothaire, qui est opposé au philosémitisme de la Cour et, enfin, l'Eglise même, en la personne du pape, qui commence, alors, de s'émanciper de la tutelle du parti franc. Pour l'Eglise, d'une façon générale, les Juifs doivent être convertis pour l'achèvement de la Révélation. Il n'est pas à négliger, enfin, que la question est sans nul doute à lier aux marchands du grand commerce, les Radhanites, lesquels sont Juifs et restent les seuls à maintenir des routes entre l'Europe carolingienne et les mondes extérieurs (Byzance, Espagne musulmane, Moyen-Orient, etc.). Même si l'évocation de ces marchands trouve son origine dans les vues politiques que l'Union soviétique professait, par anti-sionisme, à l'encontre d'Israël, on ne saurait cependant ne pas voir un faisceau d'indices qui mènent dans cette direction: le parti philosémite de la Cour est peut-être lié aux intérêts commerciaux des Radhanites: la prise du Ring avar, par exemple, pourrait eu avoir pour but la réouverture de la route du Danube, entraînant le redéploiement de certains états slaves de la région voire l'installation de la capitale de Louis le Pieux à Ratisbonne. Le parti anti-juif serait celui des clercs gallicans. Les sources juives elles-mêmes évoquent les Radhanites. Si l'on ajoute à ces considérations que, d'une façon générale, la culture carolingienne était nourrie de l'Ancien Testament et s'en sentait fort proche de la tradition juive, que les milieux religieux carolingiens connaissaient une forte influence juive (liturgie, morale, droit canon, conceptions politico-religieuses) il y a eu, comme on a pu le dire, une "influence occulte du judaïsme sur la conscience chrétienne"

->L'histoire des Nassiim de Narbonne
Narbonne fut conquise par les Arabes en 719 et devint capitale d'une province pendant 40 ans. En 737, les Francs de Charles Martel (bataille de la Berre) isolent la ville avec l'aide des Wisigoths locaux qui résistaient dans les environs de la ville. La Septimanie avait servi de refuge à certains Juifs d'Espagne, qui ont fui l'invasion arabe. Il faudra attendre Pépin le Bref pour qu'un long siège (752-759) reprenne la ville et, donc la Septimanie. La reprise de Narbonne fut peut-être le réel coup d'arrêt à l'avancée arabe en Europe car la région était considérée par les dirigeants de l'Espagne arabe comme une zone de peuplement (la bataille de Poitiers n'avaient empêché, finalement, qu'une razzia). Dès le Ier siècle de notre ère, Narbonne avait vu s'installer l'une des plus anciennes communautés juives d'Europe. Les plus riches d'entre eux finirent, sur 9 siècles, par s'assurer la domination héréditaire de la communauté -ce qui entraînait l'obligation coutumière du mécénat et de la fondation d'écoles talmudiques. Cette domination se poursuivant au Moyen Age, cette élite locale eut recours à une légitimation littéraire: selon la légende juive, ce serait Charlemagne qui aurait eu souci de l'enseignement rabbinique à Narbonne; allié au calife de Bagdad, l'Empereur aurait demandé à ce dernier de lui envoyer un Juif notable et savant. Le calife choisit un rabin nommé Makir -ou Makhir- qui, de plus, appartenait à la dynastie des Exilarques de Babylonie -et donc de la descendance du roi David. Ce choix se fait au moment du schisme karaïte. Makir s'installa donc à Narbonne, y fonda une école qui devint le centre du talmudisme dans le monde franc, fut anobli par Charlemagne sous le nom de Théodoric et doté de terres et il épousa la fille d'un Grand local, avec permission, fondant la dynasite des Kalonyme; il porta, ainsi que des descendants le titre de Nassi (patriarche ou roi en hébreu). La yashiva de Narbonne fit partie du mouvement qui accompagna le déclin des Juifs de Babylonie et de leur mouvement vers l'Occident: la désunion du califat arabe ne permettait plus la stabilité et le rayonnement du talmudisme dans celui-ci. D'autres légendes semblables à celle de Narbonne apparurent, toutes visant à légitimer ce passage des talmudistes de Babylone dans l'Espagne arabe et l'Europe. Les Nassiim, descendants de Makir, se conféraient ainsi une forte légitimité tant en tant que descendants de David et en tant que tirant leur origine des Gaons de Babylonie, le premier trait culturel étant trouvé aussi chez certaines communautés sépharades d'Espagne et la légende permettant aussi de conforter le statut d'alleux -de terres libres- de leurs possessions de Narbonne. Au XIIIème siècle, au moment du déclin des Nassiim de Narbonne, ces derniers reprirent à leur compte le récit de la chanson de geste Aymeri de Narbonne: Charlemagne, qui commandait personnellement le siège la ville se trouve en danger de mort, son cheval ayant été tué et il fut sauvé par un chevalier juif qui lui donna son propre cheval. Autre légitimation qui vint remplacer l'ancienne puisque l'Empereur donna aux descendants du chevalier une seigneurie et confirma leur titre de nassiim. La famille des Nassiim, descendants de Makir, perdura jusqu'en 1306 lors de l'expulsion des Juifs de France après une période de déclin de sa puissance terrienne dans le siècle précédent
De là, s'est développée aussi, vers 1970, du fait d'un historien de l'université Columbia de New-York, un récit hypothétique qui augmente les racines des Nassiim de Narbonne en les voyant conclure une alliance matrimoniale avec les Carolingiens, Makir épousant Aude (ou Alda) fille de Charles Martel et augmentant ainsi cette tradition de cette alliance juivo-franque. Par ailleurs, une extension de ces vues mène aussi à rejoindre tout ce qui concerne l'ascendance davidique des rois de France, élargissant à l'envi ce lien entre Pépin le Bref et les nassiim de Narbonne et le dénonçant comme un élément de l'enjuivement des élites européennes depuis le Haut-Moyen Age. Ces récits confirment, d'une part, le souci des Carolingiens de l'alliance avec les Abassides de Bagdad contre les Omeyades d'Espagne; l'installation d'un dignitaire du Talmud à Narbonne permettra de faire pièce aux influences juives venant d'Espagne voire d'Italie. On a là aussi, sans conteste, un élément supplémentaire à ajouter à la question juive chez les Carolingiens

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