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Occident terrien contre marchands et routes commerciales de l'Orient

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L'Occident, sous les Carolingiens, était essentiellement devenu un empire continental, replié sur le vieux coeur austrasien, agricole, où le commerce n'était pas la valeur dominante. Dans le même temps, par contre, d'autres régions du monde d'alors -le monde arabe ou le monde chinois des Tang- étaient devenus des centres de commerce, d'agriculture ou d'industrie. Le lien principal entre le monde carolingien, rural, et ces mondes actifs et vibrants, se fit essentiellement par les "Radhanites", des marchands juifs du commerce lointain. L'Empire byzantin, lui, quoique sur un autre mode, restait, lui aussi, un empire seulement terrien. Le commerce, d'une façon générale, est sans doute apparu, avec le troc, depuis les origines de l'humanité. Les marchands, caste spécialisée, sont apparus avec le Néolithique et le commerce, à longue distance, a porté sur des produits rares ou de luxe ainsi que sur des matières premières indispensables. Ce sont les surplus qui sont échangés contre ces biens rares. Ce n'est qu'à l'époque contemporaine que le commerce international a porté sur des biens de consommation courante

Le monde arabe

Le rapide développement de la conquête arabe fit que le monde arabe s'étendit rapidement, pendant les VIIème et VIIIème siècles, de jusqu'à l'Espagne, à l'Ouest, jusqu'au Pakistan, à l'Est. Cette base objective s'accrut encore par la mise en place à Bagdad du califat abasside, d'inspiration persane, lequel atteint son apogée au milieu du IXème siècle et qui dura jusqu'au XIIIème siècle

Le monde islamique fut un monde de marchands et non pas de noblesses, telles celles d'Europe, d'Inde ou de Chine. Ce sont ces marchands qui furent à l'origine de l'étendue de l'apogée que connut le monde arabe entre VIIIème et XIIIème siècle. Les historiens évoquent même cette période comme l'un des exemples de mondialisation avant la mondialisation. Le monde arabe finit par connaître une véritable économie de marché, avec le "dinar" monnaie stable, diverses techniques commerciales (ainsi, parmi beaucoup d'autres le crédit, les chèques, les "startups", les comptes d'épargne, etc.) et une urbanisation avancée. Les marchands arabes contrôlaient les routes du commerce à l'Ouest, en Afrique et à l'Est, en Asie. C'est ce vaste réseau de la marchandise qui permit de spectaculaires avancées en matière d'agriculture (ce sont les Arabes qui inventèrent la rotation des cultures, des techniques sophistiquées d'irrigation, ou de nouvelles plantes et produits). Ces techniques et produits furent d'ailleurs exportées partout dans le monde musulman d'alors. Et ces réseaux de marchands permirent aussi des avancées en terme d'industrie (diverses techniques telles les moulins hydrauliques ou les barrages ou divers domaines, ainsi la parfumerie, les mines ou l'industrie sucrière)

La renaissance intellectuelle remarquable que l'on constate à l'époque carolingienne à Bagdad et dans d'autres centres -tels Cordoue, Kairouan ou Fès- a également été liée à ce vaste ensemble arabe. Cet effort se fit surtout dans une direction humaniste et rationaliste, celle de l'"ijtihad", cette école de pensée libérale de l'Islam, qui, s'opposant à une orthodoxie forte, dura jusqu'au XIIIème siècle. La richesse du monde arabe, d'une part, et les besoins, en termes de savoir-faire, pour l'agriculture ou l'industrie, amenèrent ce très fort développement de tous les domaines du savoir, de la science, l'astronomie, la médecine et autres aux secteurs, plus orientés vers la pratique, de l'agronomie, des sciences de l'ingénierie, de la chimie ou de l'architecture. Ce développement de l'érudition fut également favorisé par l'apparition des premières universités du monde, des premières bibliothèques de prêt, par exemple, ou la fabrication du papier (invention que les Arabes avaient appris de prisonniers chinois faits à la bataille de Talas, en 751); le papier, peu cher, permet une révolution dans la diffusion de la connaissance (il apparut au IIème siècle en Chine). Les sciences politiques, le droit, les techniques juridiques commerciales bénéficièrent aussi du mouvement, ainsi que le souci d'institutions de santé publique. Le mouvement fut également aidé lorsque les califes de Bagdad, donnant la préférence aux érudits et aux scientifiques (par la célèbre "Maison de la Sagesse"), firent que la ville devint le lieu ou se fusionnèrent tous les savoirs de différents lieux et pays (Rome, Chine, Inde, Perse, Byzance). A titre d'exemple de cette vitalité intellectuelle, on peut noter que l'Espagne musulmane, chaque année, produisait un total de 60000 traités, poèmes, ouvrages polémiques ou compilations, ou que la bibliothèque du Caire finit par contenir 2 millions d'ouvrages...

La "Pax Sinica" sous les Tang

Un autre facteur qui contribua à ce rôle accru des marchands et des routes du commerce en Orient fut l'époque de la dynastie Tang en Chine, entre 618 et 900. Se développa alors une ère de "Pax Sinica", fondée sur la Route de la Soie. Elle vit le développement d'un fort mouvement commercial en direction du Moyen-Orient et des mers du Sud de la Chine. Les marchands perses ou sogdiens, bien placés au centre de la Route de la Soie, bénéficièrent de cet âge d'or de la route des caravanes d'Asie Centrale. Des Turcs, des Iraniens, des Indiens et des marchands d'autres nationalités encore -ainsi que des Japonais, Coréens ou Malais qui, eux, venaient des routes maritimes- vinrent vivre dans la capitale des Tang, Chang'an (l'actuel Xi'an, en Chine) en faisant la ville la plus cosmopolite -mais aussi la plus grande- du monde. Les jonques chinoises allaient jusqu'en Mésopotamie ou sur la côte est de l'Afrique! La Route de la Soie, cependant, ne resta réellement ouverte que pendant deux périodes de 60 et 20 ans. Les Ouïgours, vers 850, vinrent s'installer dans la région, depuis la Mongolie, en chassant les Sogdes. Les oasis des routes nord et sud du Taklamakan voyaient passer les marchands et les divers produits. De caravansérail en caravansérail, on mettait à peine plus d'1 mois pour passer des cols du Pamir à Chang'an. De plus, il semble que les Chinois avaient conservé un fort système de contrôle des étrangers, avec des points de contrôle le long de la Route de la Soie et un système de permis de voyage. Le banditisme, de plus, était un problème. Une forme de rivalité tendit à s'installer avec le monopole que les Arabes tendaient à installer à l'Ouest des Chinois et ceux-ci s'efforcèrent de contourner les routes arabes. La dynastie Tang fut une période du développement du bouddhisme en Chine et, là aussi, la prospérité économique permit le développement d'érudits célèbres et variés ainsi que d'innovations techniques (imprimerie à partir de bloc xylographiques, améliorations de la science de la cartographie, compilations médicales, etc.). Mais cette renaissance chinoise sous les Tang, soit du fait du temps plus court sur lequel elle se développa, soit du fait du système confucéen de l'érudition, ne parvint pas à l'apogée que connut celle du monde arabe. La "Route maritime de la Soie" s'est développée surtout au moment du déclin des Tang, lorsque la route terrestre est devenue dangereuse et que les Arabes ont gagné la Chine par mer. Ils utilisent des boutres de 20m sur 8, à deux mâts qui sont sans doute fabriqués au Yémen ou à Oman avec du bois venu du Sahel africain (ils sont fabriqués sans clous, avec des ligatures et du calfatage en papier); deux hommes d'équipage sont obligés d'écoper en permanence. Les navires quittent le golfe Persique en septembre-octobre, au moment où la mousson du nord-ouest leur permet de gagner l'Inde puis Ceylan; de là, ils passent le détroit de Malacca et, après des escales au Vietnam puis l'actuelle Hong-Kong, ils arrivent, après un voyage d'une année, à Yangzhou, à l'embouchure du Fleuve Bleu. Yangzhou est alors le seul port chinois autorisé aux étrangers. Les marins, cependant, n'ont pas accès à la ville même et le commerce est sous le contrôle des fonctionnaires chinois. Les produits exportés sont la porcelaine, les épices, des objets en or ou en argent et les artisans du lieu peuvent fabriquer sur commande pour les acheteurs étrangers. La route du retour -qui dure aussi 1 an- commence en octobre lorsque commence de souffler la mousson du nord-est. Les marchandises embarquées par les marins arabes vont pouvoir s'échanger, le long de la route, en Inde puis fournir des bénéfices importants dans le monde arabe. Les autorités chinoises confient aussi souvent à ces marchands l'emport de cadeaux du Fils du Ciel à destination de souverains locaux. Même la route maritime de la Soie finira par s'éteindre vers 850. C'est de là que naîtront les légendes telle celle de Sinbad le Marin. Certains voyages importants, probablement exécuté sur ordre des souverains arabes, avaient lieu tous les 20 ans à destination de la Chine et des produits chinois étaient rapportés en nombre

La dynastie suivante, celle des Song, qui commença vers 960, vit à nouveau une ère de prospérité économique. Celle-ci, cette fois, fut due à un développement massif de la population chinoise, qui fut multipliée par deux. Cela mena à ce que certains appellent une "révolution industrielle", avec, par exemple, une consommation annuelle et par tête de 1,5 kg de fer (1 kg à la même époque en Occident), les villes les plus grandes du monde de l'époque, ou un produit intérieur brut par tête légèrement supérieur à ce qu'il était en Occident à la même époque (vers l'an Mil). Les routes maritimes ressuscitèrent aussi à cette époque. Les sciences et les techniques évoluèrent aussi, comme elles continuaient de le faire dans le monde arabe (canaux, imprimerie à caractères mobiles, poudre à canon, cartographie, mathématiques, etc.). La Chine, cependant, tendit à toujours maintenir un fort secteur économique d'Etat à côté des initiatives privées. Le néo-confucianisme -le confucianisme renouvelé par le bouddhisme- trouve son origine sous cette dynastie des Song

Les Radhanites, les maîtres du commerce lointain, qui faisaient le lien entre l'Occident terrien et l'Orient marchand et industriel

On ne saurait passer sous silence que les grandes routes du commerce, en Eurasie, furent contrôlées, de l'an 600 à l'an 1000, par des marchands juifs, les Radhanites -ou Radanites. Les Grandes Invasions, par les désordres qu'elles apportaient, avaient largement désorganisé les routes romaines du commerce. L'Empire byzantin, lui, tendit vite à devenir un empire "terrien", peu soucieux de commerce. Ce sont ainsi ces Radhanites qui perpétuèrent le grand commerce. Une source arabe, vers 817 -le Kitab al-Masalik wal-Mamalik (le Livre des Routes et des Royaumes)- d'Abou I-Quasim Ubaïd Allah ibn Khordadbeh, maître de poste sous le calife abbasside al-Mutammid décrit le réseau de ces routes: ces marchands, qui parlent arabe, persan, grec, franc, espagnol et slave, utilisent des routes de terre ou de mer et commercent les eunuques, les femmes esclaves, des enfants mâles, des soieries, des castors, des martes et autres fourrures, et des épées du monde franc vers le Sind, l'Inde et la Chine et, dans l'autre sens -y compris vers Byzance- le musc, l'aloès, le camphre, la cannelle et d'autres produits de l'Orient. Au Xème siècle, le "'Kitab al-Buldan" ("livre des pays") d'Ibn al-Faqih cite également les Radhanites mais il se fonde essentiellement sur Ibn Khordadbeh et le "Sefer ha-Dinim'" ("livre des prescriptions"), un récit hébreu des voyages de Yehuda ben Meir, un Juif de Mayence, signale que Przemysl and et Kiev sont des comptoirs radhanites. Au début du XIIème siècle, un marchand franco-juif nommé Yitshak Dorbelo écrit qu'il est, avec des marchands radhanites, allé jusqu'en Pologne

Il semble que ces marchands juifs soient les descendants des Juifs installés en Gaule à partir du IVème siècle -d'abord dans les vallées du Rhône et de la Saône puis ailleurs- et qui y menaient essentiellement des activités de commerce. Leur sort empira avec l'admission du catholicisme dans l'Empire romain, s'améliora légèrement au temps des désordres des Grandes Invasions puis se détériora de nouveau du fait du catholicisme des Francs, jusqu'au choix qui leur fut fait par Dagobert Ier, en 633, de se convertir ou de quitter le royaume. Les désordres de l'époque mérovingienne, cependant, firent que les marchands juifs revinrent dans le royaume franc, s'installant principalement à Metz, Verdun et Narbonne. Les Radhanites, aussi appelés "Judaei", seraient distincts des "Syri". Les "Syriens" auraient été des marchands chrétiens, de Syrie, qui pratiquaient le commerce, sous les Mérovingiens, entre l'Occident et l'Orient et qui auraient cessé leur activité au moment de la conquête du Proche-Orient par les Arabes. Certains, cependant, pensent que les termes "Judaei" et "Syri" étaient synonymes, désignant, d'une façon générale, ceux qui pratiquaient le grand commerce. Les Radhanites sont vraisemblablement aussi à l'origine de la conversion des Kazars, un royaume mongol de la mer d'Azov au judaïsme, qui avait choisi ce moyen pour résister à la fois à Byzance et au Calife de Bagdad. Les Radhanites furent favorisés par les conditions de l'époque. Leur nom pourrait venir soit du perse "rad dan" ("ceux qui connaissent les routes"), soit d'un district de Mésopotamie appelé le "pays de Radhan" ou de "Rhodanus", "Rhône". Ils furent des intermédiaires à une époque où le commerce entre Occident et Orient avait été interrompu par la conquête musulmande. Les Juifs de Babylone, dans ce nouveau et immense empire arabe, passèrent de l'agriculture au commerce utilisant des routes commerciales à longue distance au long des communautés juives existant. Au temps de Charlemagne, plus précisément, l'Eurasie était devenue une immense zone qui avait été pacifiée à la fois par l'Empire carolingien, le califat abasside, la pacification de l'océan Indien propre aux routes maritimes et la Route de la Soie, garantie, depuis la Chine, par la dynastie Tang. L'Europe avait besoin d'épices et de produits de luxe alors que l'Orient arabe manquait de main d'oeuvre. Les points par lesquels les Radhanites faisaient le contact entre l'Empire carolingien et le Califat abasside se faisaient de la France à l'Espagne arabe, de l'Empire carolingien à Bagdad par les pays slaves et d'Europe en Palestine. Une fois à Bagdad, les Radhanites se trouvaient au contact des routes qui pouvaient les mener jusqu'en Inde et en Chine. Les Juifs, avant la seconde diaspora -celle qui suivit la destruction du Second Temple- n'étaient que peu commerçants. Ce n'est que dispersés dans l'Empire romain qu'ils s'adonnèrent intensément à cette activité. Aussi est-il possible qu'une partie de l'histoire des Carolingiens puisse s'expliquer par l'influence de ce "lobby" radhanite, de Charlemagne à la fin des temps carolingiens. La disparition des Avars, par exemple, permit la ré-ouverture de la route du Danube que pouvaient emprunter, via Constantinople, les marchands de la Route de la Soie. Il est également possible que le mouvement vers les marches slaves, dès la fin du règne de Charlemagne puis sous celui de ses successeurs soit également lié à cette réalité et à la volonté de faire fonctionner les routes commerciales reliant Byzance, les Radhanites et les marchands vikings de la Baltique. Il semble que le lobby radhanite se soit puissamment installé à la cour de Louis le Pieux alors que, déjà sous Charlemagne, un Juif, Isaac, avait joué un rôle important dans les relations entre l'Empire et le Califat abasside aux fins de s'assurer de l'allliance du Calife contre les Arabes de Cordoue. Un important groupe philojuif apparut à la cour de Louis le Pieux. L'élite franque, qui pouvait avoir été initiée aux questions culturelles par la renaissance carolingienne, se passionna pour Philon, un écrivain juif de l'Antiquité rattaché au mysticisme alexandrin et peut-être au caraïsme juif et au mutazilisme abasside, tint les sermons des rabins pour meilleurs que les prêches des prêtres et certains Grands se convertirent au judaïsme. L'impératrice Judith, avec Raban Maur, la Bavière et St-Germain-d'Auxerre faisaient partie de ce mouvement alors que, de l'autre côté, St Agobard, évêque de Lyon, Lothaire voire les papes ainsi que certains Grands s'opposaient à l'influence juive

Les Radhanites utilisaient quatre routes principales: d'Arles et Marseille à l'Inde par l'Egypte et la mer Rouge; par mer jusqu'en Syrie, l'Irak puis le Golfe Persique et l'Orient; par Prague, chez les Bulgares puis la Route de la Soie; de l'Espagne au Proche-Orient par l'Afrique du Nord puis l'Orient. La route du Danube permettait aussi d'atteindre la Chine et l'Inde alors que la route de Constantinople à Prague étaient contrôlée, depuis la capitale byzantine, par les marchands radhanites. A Prague les biens venus de Byzance s'échangeaient contre le blé, l'étain, le plomb et les esclaves des Russes et des Slaves; cette route pourrait aussi s'être étendue vers le Nord, la mer Baltique, d'une part, et d'autre part, vers le royaume kazar. Les Radhanites faisaient essentiellement le commerce de biens qui combinaient faible encombrement et forte demande, ainsi les épices, les parfums, les bijoux et la soie. Il fallait un an pour aller de Cordoue à Bagdad et les caravanes étaient protégées par des cavaliers armés. Les Radhanites, parce qu'ils perpétuèrent le contact entre l'Occident et l'Orient, contribuèrent vraisemblablement à ce que les idées et les techniques passent d'un monde à l'autre, tels le harnais d'épaule, le papier, les chiffres arabes, certains fruits et autres produits, des produits et des recettes de la médecine ou la lettre de change. Les Radhanites, par ailleurs, fondèrent des communautés juives au long de leurs routes et ils finirent par contrôler tout le grand commerce entre Orient et Occident. Les Juifs d'Europe de l'Est, d'Asie centrale, d'Inde et de Chine leur doivent vraisemblablement leur origine. Les Carolingiens leur accordèrent divers privilèges et ils fréquentèrent la cour de Charlemagne et de Louis le Pieux. Un aspect moins attirant de l'activité des Radhanites est qu'ils commerçaient les esclaves, surtout des pays slaves à l'Espagne musulmane, puis vers l'Egypte et la Syrie. Verdun, un des principaux centres commerciaux de ces marchands et un grand marché d'esclaves, était le lieu où l'on castrait les eunuques. Suit le texte d'Ibn Khordadbeh sur les marchands radhanites:

"Ces marchand parlent arabe, perse, romain [ndt: byzantin], la langue des Francs, celles des Andalous et des Slaves. Ils voyagent d'Ouest en Est et d'Est en Ouest, partie par terre, partie par mer. De l'Ouest, ils emportent des eunuques, des esclaves femmes et hommes, de la soie, des fourrures de castor, de martre et autres, ainsi que des épées. Ils prennent des bateaux au pays des Francs, sur la mer Occidentale [ndt: la Méditerranée] et prennent la direction de Farama. Là, ils chargent les marchandises sur des chameaux et, par terre, ils atteignent Kolzum en 5 jours, parcourant 25 "parasangs" de distance. Ils y embarquent sur la mer Orientale [ndt: le golfe Persique] et, de Kozum, ils vont à el-Jar et à Jeddah. Puis au Sind [ndt: le Sud du Pakistan], en Inde et en Chine. Sur le chemin du retour, ils rapportent à Kolzum du musc, de l'aloès, du camphre, de la cannelle et d'autres produits de l'Orient; puis ils les transportent jusqu'à Farama d'où ils s'embarquent à nouveau sur la mer Occidentale. Certains vont jusqu'à Constantinople pour vendre leurs produits aux Byzantins [texte d'origne: "Romains"]. D'autres font de même jusqu'au palais du roi des Francs. Parfois, ces marchands juifs préfèrent aller chez les Francs par la mer Occidentale. Leur route comporte alors Antioche, à l'embouchure de l'Oronte puis, par terre, il rejoignent al-Jabia, qu'ils atteignent en trois jours de marche. Ils y embarquent sur l'Euphrate et atteignent Bagdad puis descendent le Tigre jusqu'à al-Obolla. De al-Obolla, ils s'embarquent pour Oman, le Sind, le Hind [ndt: le Nord du Pakistan] et la Chine [ndt: ils semblent donc que les Radhanites rejoignent la Chine par la branche de la Route de la Soie qui descend de l'Hindou-Kouch]. Toutes ces routes sont connectées entre elles. Ces différents voyages peuvent également se faire par terre: les Radhanites qui s'occupent de la route entre l'Espagne et la France vont jusqu'à Sous al-Akza puis à Tanger. De là, ils partent pour Kairouan puis la capitale de l'Egypte. De là, ils gagnent al-Ramla, Damas, al-Kufa, Baghdad et Bassorak. Puis ils traversent Ahwaz, Fars, Kirman, le Sind et le Hind et ils arrivent en Chine. Parfois, de la même manière, ils prennent la route au Nord de Rome et, passant par le pays des Slaves, ils rejoignent Khamlif, la capitale des Kazars. Ils s'embarquent sur la mer de Jorjan [ndt: probablement la mer Caspienne] et arrivent à Balkh, d'où ils traversent l'Oxus et continuent leur voyage jusqu'aux yourtes de Toghozghor et, de là, jusqu'en Chine"

Le déclin et la disparition des Radhanites sont sans doute dus à la chute de la dynastie Tang en Chine, en 908, celle du royaume Kazar 60 ans plus tard, aux invasions turques au Moyen-Orient, à l'évangélisation des pays slaves au Xème siècle ou au déclin de l'Empire carolingien. Les routes commerciales d'Asie, d'Asie centrale et du Caucase devinrent incertaines et la Route de la Soie fut coupée. La fragmentation politique de l'Occident -comme de l'Orient- amena une augmentation des besoins et des opportunités du commerce ce qui fit apparaître des marchands concurrents tels Venise ou les guildes de marchands du Moyen Age. Les problèmes au sein de l'Empire carolingien, de plus, avaient amené à des attitudes moins favorables aux Juifs. La plupart des épices disparurent complètement du monde franc au Xème siècle. Il semble évident que les Radhanites, voyageant jusqu'en Chine, durent permettre que les souverains francs connussent l'existence de ces contrées lointaines et de celles qui leur étaient associées. On rencontre encore quelques Radhanites au XIème siècle mais le prêt à intérêt devint, au Moyen Age, l'activité principale des Juifs. Certains pensent que les sommes immenses qui leur permirent de devenir les "banquiers de l'Europe" -lorque les souverains européens eurent besoin de cet argent- pourraient être les masses d'or que les Radhanites avaient amassées

Les Rhadanites, par ailleurs, n'étaient pas le seul lien par lequel l'Empire carolingien pouvait être relié à l'Orient et il se peut, qu'à titre personnel, ils aient résidé surtout dans le sud des Gaules. Venise, en effet, était aussi un acteur important (la ville, qui appartenait théoriquement à Byzance, était pratiquement indépendante). Les marchands vénitiens commerçaient les soieries, les épices, les parfums ou l'ivoire (lequel venait jusque depuis l'Inde) et les élites locales -ainsi les Partecipazio qui règnèrent de 811 à 877- devaient leur fortune en partie au grand commerce qui atteignait jusqu'à l'Orient, les routes protégés par Byzance. Depuis un traité signé avec Lothaire Ier, en 840, les Vénitiens pouvaient importer leurs produits d'Orient dans le royaume d'Italie, par example, via les villes de Comacchio et Pavie. Pavie, ainsi, devint un centre important du commerce des ces produits. Ceux-ci, ensuite, passaient dans les Gaules via la Provence. On peut aussi commercer en Méditerranée occidentale malgré la piraterie et la route de Pannonie reste militarisée, sous Charlemagne, pour cause des Avars. Les marchands de l'époque, d'une façon générale, sont des aventuriers

Conclusion

Les historiens, particulièrement en ce moment puisque la mondialisation est à la mode, tendent à souligner que de tels systèmes économiques globalisant ont tendu à exister à diverses époques de l'histoire mondiale. L'Empire carolingien, lui, soit du fait d'un trait de caractère des Francs d'Austrasie, soit du fait de la désorganisation des routes du commerce du fait de la conquête arabe en Méditerranée, resta un empire terrien et agricole, situé au coeur des régions rhénanes ou de l'Europe. De plus, alors que le développement intellectuel dans le monde arabe ou chinois, à la même époque, fut essentiellement lié soit à la prospérité des marchands, soit à l'économie, fortement contrôlée par l'Etat de la Route de la Soie et des jonques, on ne doit pas manquer de souligner que la renaissance intellectuelle carolingienne, elle, fut d'abord un mouvement que l'on pourrait qualifier d'"idéologique": ce fut une volonté de disposer d'un clergé plus instruit aussi qu'un moyen d'exhalter le pouvoir des empereurs

Website Manager: G. Guichard, site Learning and Knowledge In the Carolingian Times / Erudition et savoir à l'époque carolingienne, http://schoolsempire.6te.net. Page Editor: G. Guichard. last edited: 12/28/2010. contact us at ggwebsites@outlook.com
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