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La monnaie à l'époque carolingienne

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Du bimétallisme de Rome au monométallisme carolingien

A l'époque mérovingienne, règne une grande anarchie en manière monétaire: le roi n'a plus les moyens de faire appliquer le monopole de battre monnaie et d'innombrables ateliers monétaires frappent de la monnaie selon les besoins locaux; tout le monde bat monnaie, des rois et maires du palais aux évêques, abbés et Grands. La valeur d'une pièce de monnaie ne tient qu'au poids réel d'or ou d'argent qu'lle contient. Des monnaies de bronze et de cuivre, qui n'ont donc aucune valeur (comme elles pouvaient en avoir une sous l'Empire romain quand l'état garantissait leur valeur), servent aux échanges locaux. La frappe de monnaie d'or et d'argent décline voire disparaît pendant de longues périodes de temps car, l'or surtout, ces pièces ne sont utilisées que pour le grand commerce. Lorsque reprend une forme de frappe de monnaie à peine plus sous contrôle, on ne frappe plus que des "triens", des tiers de sou d'or, très petite pièce d'1,3 gr d'or, à usage du commerce local puis, surtout, avec St Eloi, vers 625, on reprend la frappe de pièces d'argent, le "denier", qui pèse, en moyenne 1,3 gr, comme la pièce d'or. Entre 650 et 710, on arrive donc à un bimétallisme or-argent à usage surtout local. L'or finit par disparaître progressivement de l'Europe occidentale car si l'Occident achète beaucoup à l'Orient et paie en or, il n'a, en fait, rien à vendre. De plus, au VIIIème siècle, avec l'interruption du grand commerce, on passe, d'une part à un commerce local ou recentré, et à un mono-métallisme argent: le sou d'or devient une unité de compte seulement; les pièces d'argent sont toujours les deniers et pèsent à peine plus que le gramme. Le sou de compte, de poids fixé à 4,45 gr s'est dévalué par rapport à cette nouvelle prédominance de l'argent; il vaut 40 deniers. On taille 240 deniers dans une livre (326,3 gr) d'argent. Une livre, donc, égale 6 sous de compte, égale 240 deniers. Soit un rapport de 1 à 12 entre or et argent, ce qui, finalement, était la valeur fixée par l'empereur Auguste. Le rapport est de 1 à 14 en Orient où l'or est plus recherché

Les premiers Carolingiens limitent fortement, dans le cadre de la reconstruction d'un pouvoir central, le nombre des ateliers monétaires et, au concile de Ver, en 755, Pépin le Bref légifère en matière monétaire: 1 livre vaut 22 sous de compte, qui valent 264 deniers, soit le sou de compte à 12 deniers. Il n'y aura plus, dans le royaume, que 18 ateliers monétaires, dont 12 royaux, les 6 autres étant d'Eglise. Seul le roi, désormais, peut battre monnaie. Il n'y a plus, alors, de monnaie d'or et on ne voit même plus circuler les vieux triens d'or qui ont été frappés jusque vers 599 et cela durera jusque vers la fin du XIIIème en France, vers 1250 en Italie...

L'évolution sous Charlemagne et ensuite

Le souci de Charlemagne reste que battre monnaie reste monopole royal, puis impérial mais, également, de faire en sorte qu'il y ait en circulation la quantité de pièces -d'argent- que nécessite l'état des échanges commerciaux. Charlemagne intensifie donc la frappe de deniers: il y a désormais 30 ateliers monétaires entre France et Lombardie (seules les églises de Reims et Laon et les abbayes de St-Firmin d'Amiens, St-Martin de Tours, Ste-Croix de Poitiers et St-Pierre de Trèves peuvent battre monnaire avec l'effigie du roi). Ce souci se retrouve en 805: le capitulaire de Thionville réserve au seul atelier du palais d'Aix la frappe monétaire mais, pour raisons pratiques, on laisse fonctionner les ateliers d'autres palais (Thionville, Francfort, par exemple) ainsi que des ateliers qui permettent de répondre aux besoins commerciaux, ainsi à Arles, Lyon, Paris, Rouen, Quentovic, Duustede et Trèves. Pour des raisons de prestige, et en Italie, pour éviter le monnayage du Bénévent, on fait frapper quelques triens d'or lombards car l'Italie voit encore largement les monnaies d'or byzantines et arabes et, à la fin du règne, on frappera, à Duurstede, pour impressionner les marchands de la mer du Nord et de la Baltique, un sou d'or de 4 gr. Les deniers d'argent carolingiens sont, à l'époque, considérés d'argent pur (1000 millièmes) même si dans la pratique, leur titre est plutôt de 920 millièmes du fait de ce que sont les techniques d'affinage du métal à l'époque. La pratique des comptes de l'époque carolingienne est telle que l'on ne s'en tient pas encore à une attitude en quelque sorte fiduciaire vis-à-vi de la monnaie. Ainsi, si le sou de compte vaut, théoriquement 12 deniers, on ne s'en tient pas à cette théorie: lorsqu'aux niveaux des échanges commerciaux voire du trésor royal ou du trésor des grands domaines, une somme importante est versée, ou s'accumule, en deniers, on fond ces deniers en lingots. C'est-à-dire que l'on tient surtout compte du poids total d'argent que représente telle ou telle somme. La forme monétaire, ainsi, ne semble qu'une forme transitoire et sans doute limitée aux échanges moins importants, ceux des marchés locaux, par exemple. Ce doit être sous la forme de lingots d'argent d'une livre que l'on conserve les grandes réserves monétaires

Charlemagne, en 790, puis après le couronnement impérial de l'an 800, va prendre une mesure encore assez mal expliquée: il alourdit le poids du denier -la pièce- d'argent. On fait passer, sans doute dans l'esprit d'une réforme des unités de poids et mesures que l'on a prise vers 779, le poids de la livre d'argent de son ancienne valeur -326,3 gr ou 12 onces- à la valeur nouvelle de 489,505 gr (ou 18 onces). Comme le denier reste frappé à raison de 264 pièces dans une livre d'argent, le poids de la pièce qui, jusque là, dans la pratique, était d'en moyenne 1,17 gr (du fait des techniques de frappe de l'époque, ce poids diffère du poids théorique de 1,23 gr), passe à en moyenne 1,62 gr (pour un poids théorique de 1,85 gr). Dans le même temps, on ouvre une vingtaine d'ateliers monétaires royaux supplémentaires et les inscriptions portées sur les pièces sont uniformisées au profit de l'exaltation de la royauté. Du fait des pratiques comptables, pour le grand commerce ou les grands revenus, telles que décrites précédemment, cette réforme du poids de la livre, puis, après 800 du poids théoriques défini du denier (1,9 gr), amène donc une forte hausse des revenus importants, qui sont payés en pièces puis fondus en lingots. Comme la valeur du sou de compte reste la même, les agents du fisc, des péages ou les percepteurs des amendes de justice, ainsi, pour le roi, les gestionnaires des domaines royaux, ecclésiastiques ou des Grands vont, tout simplement, exiger que les sommes nominales dues soient payées en deniers de la nouvelle frappe, c'est-à-dire plus lourds. Au final, une fois fondues ces pièces plus lourdes représenteront donc un poids d'argent nettement plus important, de l'ordre de 25%. Pour les grands marchands, cette transition a sans doute risqué d'amener une forme de ralentissement des échanges: le poids d'argent qu'un marchand pouvait avoir en stock ne lui permettait plus, converti en deniers nouveaux, que d'acquérir, pour un même prix nominal, moins de marchandise. La réforme, par contre, pour les échanges plus quotidiens et moins importants, au niveau des petits marchés locaux, passait inaperçue, entre anciens et nouveaux deniers puisque l'on ne fondait pas ces petites quantités. Il est ainsi possible que la réforme ait surtout été le fait du trésor royal, voire d'une certaine pression des Grands qui, vers 790, puis encore après 800, voyant les conquêtes, donc les butins, s'arrêter et ayant sans doute une propension à de grandes dépenses -souvent de prestige- voient donc leurs revenus s'amenuiser. La réforme pondérale de la monnaie semble bien, ainsi, avoir été l'une des premières grandes manipulations monétaires de l'histoire de l'Europe... Dans ce sens, on notera également que, malgré les efforts de centralisation et de contrôle de la frappe monétaire, il continuait d'exister, dans l'Empire, des ateliers locaux qui permettaient aux propriétaires des domaines laïcs et ecclésiastiques de frapper monnaie pour l'usage des marchés locaux. Ces ateliers, pour l'essentiel par manque de métal, n'ont pas pu s'adapter au poids nouveau du denier ou, surtout, que Charlemagne avait donné l'ordre que, lorsque les deniers de ces ateliers avaient bien le bon poids (et le titre), on pouvait les laisser circuler Une explication complémentaire, mais mineure cependant, peut résider dans le fait qu'à la même époque, dans le califat arabe, l'accroissement des extractions minières a eu comme effet que plus d'argent a été disponible; pour maintenir le rapport 1:14 à l'or, on a donc alourdi les pièces. Cela a pu, par le biais de la circulation des monnaies en provenance d'Orient amené à ce que l'on ait eu un peu plus de métal argent disponible, que l'on refondait, selon la pratique de l'époque, pour re-frapper des deniers carolingiens. Avec plus de deniers disponibles dans les circuits -et le tout éventellement augmenté, du fait, par exemple, d'une plus grande exportation d'excédents agricoles, par les pièces d'argent en provenance d'Angleterre ou de Frise- cela aurait pu amener une forme d'inflation, que l'augmentation du poids du denier aurait contre-balancé. Enfin, on notera que Charlemagne, quoiqu'il en ait été, n'a jamais retiré les anciens derniers, laissant donc une forme de régulation se faire d'elle-même et qu'une monnaie ainsi, semblant, aux yeux de l'étranger, sous contrôle, n'a pas eu tendance à s'évader de l'Empire, vers l'Orient principalement. Il est possible, enfin, d'une façon générale qu'un autre facteur de la question ait été l'impact des circuits commerciaux, ceux de l'Austrasie, ceux en renouvellement aux marches de l'Empire ait demandé plus de pièces en circulation pour répondre à ces besoins, selon la conjoncture de ces circuits d'échange, même si le nombre de deniers en circulation comptait plus, dans ce cas, que le poids d'argent contenu. Quoi qu'il en soit, en 825, Louis le Pieux continuera d'alourdir le denier, ramenant à 240 le nombre de deniers taillés dans une livre d'argent. Une forme de tendance inverse aura existé sous Charles le Chauve, époque où le partage de la Lotharingie entre Francia occidentalis et Francia orientalis peut avoir amener une redistribution de la richesse que représentaient de grands domaines, et, enfin, à la fin du IXème siècle, l'équivalence 1 livre-20 sous-240 deniers se stabilisera définitivement. La question, plus simplement, est-elle liée à la question des échanges commerciaux? Il importe qu'il y ait suffisamment de pièces en circulation pour les besoins des différents aspects du commerce mais pas plus, pour éviter un phénomène d'inflation. L'alourdissement du denier, vers 790 aurait donc signifié un développement des échanges, l'apport de pièces d'argent arabes, anglaises et frisonnes qui, refondues à l'ancien poids aurait fait hausser le nombre de deniers en circulation. On aurait donc voulu freiner cette tendance

S'ajoute, enfin, la considération que le denier serait, alors, en passe de devenir lui-même unité de compte, avec l'apparition de monnaies d'argent plus petites telle l'obole; dans ce cas, on serait tout simplement dans la même logique des institutions d'Etat et des propriétaires de domaine telle que décrite plus haut mais, déjà présente, cette fois, au niveau plus bas des vassaux moins importants et de leurs plus petits domaines. On aurait ainsi, dès vers le début du IXème siècle, une logique en place, qui n'aurait plus qu'à s'exprimer, à savoir le potentiel de forces centrifuges qui, en deux niveaux, finiront, au cours du Xème siècle par définitivement détruire l'Empire: celui des Grands, à la tête de nombreux domaines voire de régions entières, qui se rendront indépendants sur leurs principautés; celui des plus petits vassaux qui, à leur tour, se rendront indépendants des précédents. Le mouvement finira par la désagrégation de l'an Mil, celles des seigneuries et du plus bas de la féodo-vassalité. Cela, par ailleurs, montre bien combien les constructions théoriques et l'autorité rebâtie resteront toujours fragile, dans la synthèse européenne, face aux mouvements profonds de la ruralité et des potentats locaux. L'histoire de l'Europe, jusqu'aux révolutions industrielles et depuis la chute de l'Empire romain aura-t-elle jamais été quelque chose d'autre que la lutte entre la tendance au plus profond des déclins et des féodalités et le rétablissement d'un sens de l'autorité et de l'intérêt publics?

Le système 1 livre égale 20 sous égale 240 deniers, par la suite, deviendra lui-même un simple système d'unité de compte, pendant 1000 ans et, dès vers 800, aura essaimé dans tous les royaumes d'Europe qui n'étaient pas compris dans l'Empire carolingien

Website Manager: G. Guichard, site Learning and Knowledge In the Carolingian Times / Erudition et savoir à l'époque carolingienne, http://schoolsempire.6te.net. Page Editor: G. Guichard. last edited: 12/28/2010. contact us at ggwebsites@outlook.com
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