logo du site et lien-retour vers la home page française image décorative flèche retour

Textes de la vie quotidienne

. Extraits du capitulaire "De Villis" (fin du VIIIème ou début du IXème siècle)
. Un rapport d'intendant sur le contenu d'un domaine (vers 800)
. Inventaire du domaine de Villeneuve-St-Georges appartenant à l'abbaye St-Germain-des-Prés (polyptique d'Irminon, vers 800)

flèche retour Extraits du capitulaire "De Villis" (fin du VIIIème ou début du IXème siècle)

Le grand domaine est, à l'époque carolingienne, le lieu de vie de la quasi-totalité de la population. Les grands domaines sont de vastes ensembles de terres qui appartiennent soit au roi -ou à l'empereur- soit aux abbayes, soit aux Grands. Dans un souci de meilleure gestion, les domaines royaux sont l'objet de rapports annuels, établis par des intendants, et qui font état de ce qui s'y trouve, des ressources et des redevances dues. L'économie carolingienne est une économie essentiellement agricole et autarcique, qui ne laisse que peu de place au commerce

(traduction du texte anglais de James Harvey Robinson, ed., Readings in European History: Vol. I: (Boston:: Ginn and co., 1904), pp. 137-139 tel qu'il est en ligne sur le Internet Medieval Source Book)

Nous voulons que chaque intendant fasse une déclaration annuelle de tous nos revenus, rendant compte des éléments suivants: les terres qui sont cultivées par les boeufs et menés par nos propres laboureurs et les terres que les tenanciers de fermes doivent cultiver pour nous; les porcs, loyers, engagements et amendes; le gibier qui viendrait à être pris dans nos forêts sans notre permission. Les diverses compositions pénales. Les moulins, les bois, champs, ponts et bateaux. Les hommes libres et les districts qui sont obligés par rapport à notre Trésor; les marchés, vignes et ceux qui nous doivent en vin; le foin, le bois de chauffage, les torches, les planches et toute autre catégorie de bois. Les terres en friches. Les légumes, le millet, le [? en anglais: "panic"]. La laine, le lin et le chanvre. Les fruits des arbres. Les noyers, grands et petits, les arbres greffés de toute sorte. Les jardins. Les navets, les étangs avec poissons, les fourrures, peaux et cornes. Le miel et la cire. La graisse, le suif et le savon. Le vin de mûres, le vin cuit, l'hydromel, le vinaigre, la bière et le vin -nouveau et vieux. Les grains, nouveaux et anciens. Les poules et les oeufs. Les oies. Le nombre des pêcheurs, travailleurs de métal, fabriquants d'épées, cordonniers. Les contenants et les boîtes (?). Le nombre de tourneurs sur bois et des selliers. Les forges et les mines -c'est-à-dire de fer, plomb et autres substances. Les poulains et les pouliches. Ils devront donc nous faire connaître tout ceci, présenté séparément et en ordre, à la Noël, de sorte que nous puissions savoir ce que nous avons -et en quel nombre- de chaque chose

Le plus grand soin doit être pris de ce que tout ce qui est préparé ou fait à la main -par exemple le lard, la viande fumée, les saucisses, la viande partiellement salée, le vin, le vinaigre, le vin de mûres, le vin cuit, le garum, la moutarde, le fromage, le beurre, le malt, la bière, l'hydromel, le miel, la cire, ou la farine- soit préparé et fabriqué avec la plus grande des propretés. Chaque intendant de chacun de nos domaines devra toujours avoir, à fins d'ornement, des paons, des faisans, canards, pigeons, perdrix et tourterelles des bois

Dans chacune de nos propriétés, les chambres devront équipées de couvre-pieds, coussins, oreillers, nécessaires de lit, couvertures pour les tables et les bancs, de contenants divers de laiton, plomb, fer et bois; et de fers, chaines, crochets à suspendre les pots au-dessus du feu, herminettes, haches, foreuses, coutelas et tous autres genres d'outils de façon qu'il ne soit jamais nécessaire d'aller ailleurs pour en trouver, ou en emprunter. Par ailleurs, on devra bien prendre soin des armes que l'on utilise contre les ennemis, de façon que l'on les garde en bonne condition. Et, lorsqu'on les rapportera, elles devront être placée dans la chambre ad hoc

Pour ce qui est du travail des femmes qui sont à nous, elles devront fournir en temps approprié, comme cela aura été ordonné, les matériaux dont elles sont responsables, à savoir le lin, la laine, le pastel des teinturiers, le vermillon, la garance, les peignes en bois, les peignes à carder, le savon, la graisse, les plats et contenants divers et les autres objets qui sont nécessaires

De toutes les sortes de nourriture qui ne sont pas interdites les jours de jeûne, les deux-tiers, chaque année, nous seront envoyés pour notre propre usage, c'est-à-dire: les légumes, poissons, fromages, beurre, miel, moutarde, vinaigre, millet, "panic" (?), les herbes séchées et fraîches, les radis et, de plus, la cire, le savon et autres petits produits. Et que l'on nous fasse rapport, par déclaration, comme dit ci-dessus, de combien il reste de produits et que cela ne soit pas oublié, comme cela l'a été dans le passé, car nous voulons savoir combien il reste de produits une fois les deux-tiers pris

Chaque intendant, dans son district, devra avoir de bons artisans, à savoir des forgerons, un orfèvre, un orfèvre d'argent, des cordonniers, des tourneurs sur bois, des charpentiers, des fabricants d'épée, des pêcheurs, des fabricants de feuilles de métal, des fabricants de savon; des hommes qui savent faire de la bière, du cidre, du vin pétillant de poire et autres espèces de boissons bonnes à boire, des boulangers qui fassent des pâtes (croûtes qui enrobent certains mets) pour notre table, des fabricants de filets pour la chasse, la pêche et la chasse au gros gibier à plume et toutes autres sortes de gens de métier dont la liste serait trop longue à donner

flèche retour Un rapport d'intendant sur le contenu d'un domaine (vers 800)

Ce texte est l'un des rapports que doivent faire les intendants des domaines au pouvoir royal chaque année, comme cela est exprimé dans le capitulaire "De Villis". Le domaine d'Asnape est un petit domaine. Comme chaque domaine, il comporte des "villas" associées et, d'une façon générale, comme tous les domaines, il pouvait servir de résidence éventuelle au roi ou à l'empereur. Le système agricole, à l'époque carolingienne, se fonde sur l'apparition à la fois géographique et structurelle d'un modèle pré-médiéval classique: les grands domaines qui donnent le "la" de l'époque sont les grands domaines d'Austrasie, et on y pratique un type nouveau d'exploitation -qui annonce le Moyen Age classique- qui tend à faire la division entre une partie du domaine qui appartient directement au propriétaire du domaine et une autre partie qui est divisée en unités de terres -les "manses"- dont l'exploitation est assurée par des tenanciers. Les tenanciers exploitent leurs terres et doivent des redevances pour celles-ci. Ils doivent également des redevances en travail sur les terres réservées du propriétaire, mettant ainsi cette partie du domaine en culture. La partie centrale du domaine comprend les bâtiments d'habitation du propriétaire, les bâtiments agricoles, une courrée entourée d'une palissade et, souvent, un jardin. Les tenanciers des manses doivent des redevances en argent, en nature ou en travail. Ces redevances viennent des origines du système et les manses doivent plus ou moins selon qu'à l'origine ils étaient tenus par un homme libre, un esclave ou un affranchi. Mais, à la pleine époque carolingienne, le lien entre terre et statut social s'est brisé et un manse servile peut être tenu par un libre, un manse libre par un affranchi, etc., menant donc à une forme de mélange des statuts personnels pour cause des redevances à effectuer: un libre pouvant être chargé de redevances serviles, un serf pouvant devoir des redevances d'homme libre

(traduction du texte anglais de Frederic Austin Ogg, ed., A Source Book of Mediaeval History: Documents Illustrative of European Life and Institutions from the German Invasions to the Renaissance, (New York, 1907, reprinted by Cooper Square Publishers (New York), 1972), pp. 127-129 -texte modernisé par le professeur Arkenberg- tel qu'il est en ligne sur le Internet Medieval Source Book)

Nous avons trouvé dans le domaine impérial d'Asnape une maison royale construite en pierre et de la plus belle manière, ayant trois chambres. La maison entière est entourée de balcons et elle comporte 11 pièces pour les femmes. Un cellier se trouve en-dessous. Il y a deux portiques. 17 autres maisons, faites de bois, sont jointes à la maison, dans la courrée. Elles ont également un nombre semblable de chambres et autres arrangements, tous bien construits. Il y a une étable, une cuisine, un moulin, un grenier et trois granges. La courrée est fermée par une haie et une porte d'entrée en pierre, au-dessus de laquelle se trouve un balcon à partir duquel on peut faire les distributions. On trouve également une courrée intérieure, entourée d'une haie, bien arrangée et plantée de diverses espèces d'arbres

. les vêtements trouvés: des couvertures pour un lit, une nappe et une serviette

. les ustensiles: deux bouilloires en laiton, deux coupes à boire, deux chaudrons en laiton, un chaudron en fer, une poële, un "gramalmin" (?), une paire de chênets, une lampe, deux hachettes, un ciseau à bois, deux foreuses, une hache, un couteau, un grand rabot, un petit rabot, deux faux, deux faucilles, deux bêches dont le tranchant est recouvert de fer, et un nombre suffisant d'ustensiles en bois

. les produits de la ferme: de l'épeautre vieux, de l'an dernier: 90 paniers dont on peut faire 450 mesures de farine; aussi, 100 mesures d'orge. De cette année: 110 paniers d'épeautre, dont 60 paniers ont été semés -mais nous avons trouvé le reste. 100 mesures de blé, 60 semés -mais nous avons trouvé le reste. 98 mesures de seigle -toutes semées. 1800 mesures d'orge -dont 1100 semées et nous avons trouvé le reste. 430 mesures d'avoine. 1 mesure de haricots. 12 mesures de pois. Dans les 5 moulins du domaine, nous avons trouvé 800 mesures de petite taille. Dans les 4 brasseries, 650 mesures de petite taille -dont 240 qui étaient données au prébendaires et nous avons trouvé le reste. Les deux ponts du domaine rapportent 60 mesures de sel et 2 sous. Les 4 jardins du domaine rapportent 11 sous [idem]. Aussi: du miel -3 mesures; à peu près une mesure de beurre; 10 poitrines de lard de l'an dernier, 200 de cette année (avec fragments de chair et gras); du fromage de cette année: 43 mesures

. le bétail: 51 têtes de gros bétail; 5 têtes de 3 ans, 7 de 2 ans, 7 jeunes d'1 an. 10 poulains de 2 ans, 8 yearlings d'1 an, 3 étalons. 16 vaches, 2 mulets. 50 vaches avec leurs veaux. 20 jeunes taureaux; 38 veaux d'1 an. 3 taureaux. 260 porcs domestiqués, 100 porcs. 5 mâles non castrés. 150 moutons avec des agneaux. 200 agneaux d'1 an. 120 béliers. 30 chèvres avec leurs chevreaux; 30 chevreaux d'1 an. 3 boucs. 30 oies. 80 poulets. 22 paons

De plus, concernant les "manoirs" qui appartiennent au domaine sus-dit: dans la villa de Grisio, nous avons trouvé des bâtiments -3 granges et une cour entourée d'une haie. De plus, on trouvait: un jardin avec arbres, 10 oies, 8 canards, 30 poulets. Dans une autre villa, nous avons trouvé des bâtiments et une cour entourée d'une haie, avec, dans la cour, 3 granges; et aussi, dans ladite villa, un arpent de vignes, un jardin avec arbres, 15 oies, 20 poulets. Dans une troisième villa, nous avons trouvé des bâtiments, avec 2 granges, un grenier, un jardin et une cour bien enclose d'une haie

Nous y avons aussi trouvé toutes les mesures, en sec et en liquide, comme nous en avions trouvé dans le "palais" [le bâtiment principal]. Nous n'avons pas trouvé d'orfèvres, d'orfèvres en argent, de forgerons, de gens de chasse ou d'autres telles personnes pratiquant d'autres activités. Les herbes du jardin que nous avons trouvées étaient: du lys, des chardons, de la menthe, du persil, de la rue, du céleri, du libesticum [de la famille de la carotte et ressemblant à du céleri], de la sauge, de la sarriette, du génévrier, des poireaux, de l'ail, de la tanaisie, de la menthe sauvage, de la coriandre, des ? [en anglais: "scullions"], des oignons, du chou, du chou-rave, de l'épiaire. Les arbres que nous avons trouvés: des poiriers, des pommiers, des néfliers, des pêchers, des noisetiers, des noyers, des mûriers et des cognassiers

flèche retour Inventaire du domaine de Villeneuve-St-Georges appartenant à l'abbaye St-Germain-des-Prés (polyptique d'Irminon, vers 800)

Un polyptique est un inventaire des revenus et des biens d'un domaine. Comme les inventaires des intendants du roi, ils donnent des vues fines de la réalité quotidienne à l'époque carolingienne. Les principaux statuts personnels de l'époque sont: les hommes libres, les colons (libres mais attachés héréditairement à la terre qu'ils cultivent), les lides (affranchis; statut intermédiaire entre esclaves et libres) et serfs. Le manse est une unité de terre, en lesquelles le domaine est divisé, qui permet la vie de la famille qui y est établie. Le polyptique d'Irminon fait l'inventaire des biens et redevances du domaine de l'abbaye St-Germain-des-Près -il porte le nom de l'abbé Irminon et il est divisé en chapitres

(traduction du texte anglais de Roy C. Cave & Hebert H. Coulson, eds., A Source Book for Medieval Economic History, (Milwaukee: The Bruce Publishing Co., 1936; reprint ed., New York: Biblo & Tannen, 1965) qui a traduit le texte français de B.E.C. Guérard, Polyptique de l'abbé Irminon (Paris, 1865) -le texte anglais a été modernisé par le professeur Arkenberg- tel qu'il est en ligne sur le Internet Medieval Source Book)

C.1 L'abbaye, dans Villeneuve, a un domaine avec une maison et d'autres édifices en nombre suffisant; il y a 172 bonniers de terre arable, qui peuvent supporter en semence 800 muids de grain. Il y a 91 arpents de vigne, dont on peut vendanger 500 muids de raisin. 166 arpents de pré, dont on peut tirer 166 chariots de foin. Il y a 3 moulins, dont on tire 350 muids de grains en taxes; un autre moulin n'est pas sujet à taxes. Dans la forêt, on peut estimer qu'il y a, en terres, une circonférence de 4 lieues, où l'on peut nourrir 500 porcs domestiqués

C.2 Il y a une église, bien construite, avec tout son mobilier, et avec une maison et d'autres bâtiments en quantité suffisante. L'église possède quelques terres. Pour le prêtre et ses hommes, il y a 27 bonniers et 1 arpent de terre arable, 17 arpents de vigne, et 25 de prés. Un cheval de selle leur est payé annuellement, en tant que don, et il y a 9 perches et 1 arpent de domaine qui doivent être labourés, et 2 perches supplémentaires qui le sont pour la troisième partie d'un sou. Et le prêtre a le droit d'enclore 4 perches de terre à pré

C.3. Arctardus, colon, et sa femme, qui s'appelle Eligildis, tenanciers de St-Germain, ont six enfants qui s'appellent: Ageteus, Tendo, Siméon, Adalsida, Déodata et Electardus. Arctardus et sa femme tiennent une propriété libre, qui a 5 bonniers et 1 arpent de terre arable, 4 arpents de vignes et un-demi arpent de pré. Ils paient 4 sous d'argent pour leur protection; et, tous les deux ans, ils paient 2 sous comme taxe sur leurs animaux et, la troisième année, ils paient, pour taxe d'herbage, 1 agneau femelle avec sa mère. Comme taxe de pâture, ils paient 2 muids de vin; pour couper le bois: 4 deniers; pour couper des pieux: 1 mesure de bois; ils paient aussi 50 tuiles de toit. Arctardus doit labourer 4 perches pour la fête de St-Martin, et 2 perches de plus qu'il laboure en étant payé d'un tiers de sou. Il doit aussi exécuter les corvées, les redevances en travail qui pèse sur lui. Il paye aussi 3 poulets et 15 oeufs. Il peut clore 4 perches de terre à pré

[...]

C.84. Aclebertus et sa femme, la serve Frotlindis, tenanciers de St-Germain, ont un enfant nommé Aclebrug; Tentfrid, serf de St-Germain, soutient sa mère. Aclebertus tient un manse servile, qui a 4 bonniers de terre arable, 1 arpent de vigne, 4 arpents de pré. Aclebertus paie 3 muids de vin comme taxe de pâture, 1 setier de moutarde. 50 osiers, 3 poulets, 15 oeufs. Il est tenu aux redevances en travail qui pèsent sur lui et sa femme fabrique des vêtements avec la laine du domaine et elle doit cuire autant de pains formés que l'on lui en demande

C.95. L'abbaye, à Villeneuve, possède 60 manses (ou propriétés) libres. Au total, chaque année, ces manses paient 3 mesures de vin, ou 15 têtes de bétail, ou 6 livres d'argent; ils paient aussi 2 livres et 16 sous comme taxe sur les animaux; ils paient 1 livre et 16 deniers pour couper du bois ainsi que 60 brebis avec leur agneau tous les 3 ans. L'abbaye a également à Villeneuve 13 manses serviles et demi. Ils paient, au total, 210 muids de vin pour leurs pâtures, 324 poulets et 1670 oeufs. 65 mesures de bois sont payées en pieux; 1070 osiers; 10 sous comme taxe par tête; 3350 tuiles. Il y a, en tout, 74 manses et demi

Website Manager: G. Guichard, site Learning and Knowledge In the Carolingian Times / Erudition et savoir à l'époque carolingienne, http://schoolsempire.6te.net. Page Editor: G. Guichard. last edited: 12/28/2010. contact us at ggwebsites@outlook.com
Free Web Hosting