La tunique d'Argenteuil

La Sainte Tunique d'Argenteuil est la tunique du Christ dont il est question dans St Jean 19, 23-24, une "tunique sans couture, tissée tout d'une pièce de haut en bas", de couleur brun pourpre, que tirèrent au sort les soldats romains. Elle constitue, avec le suaire d'Oviedo et le linceul de Turin l'une des trois reliques de la Passion. La Sainte Tunique avait été tissée par la Vierge Marie ce qui en fait aussi une relique mariale

La légende veut que Ponce Pilate ait racheté la tunique du Christ et l'ait revendue à des Chrétiens; elle réapparaît ensuite en 590 seulement lorsque trois évêques l'auraient retrouvée à Jaffa (actuelle Tel-Aviv) et rapportée à Jérusalem. Ce serait Pierre qui, chassé de Jérusalem, aurait apporté la relique à Jaffa lors du voyage relaté dans Actes 9, 43. Alors qu'il est incertain que l'impératrice Hélène ait retrouvé la tunique lors de son voyage célèbre à Jérusalem, il est certain qu'elle fut transférée dans le quartier de Galata à Constantinople du fait de la guerre byzanto-perse de 602-628. Deux siècles plus tard, l'impératrice Irène, désireuse de se rapprocher du pape, décide alors de l'offrir à Charlemagne vers l'an 800 (soit à l'occasion du sacre, soit en vue d'une possible alliance matrimoniale entre l'Empire franc et l'Empire byzantin). En tout cas, en 803, l'Empereur Charles confie la tunique au monastère bénédictin de femmes d'Argenteuil dont sa fille Théodrade est prieure (Charles, auparavant, avait fait don à sa fille de ce monastère fondé en 656, déjà comme monastère de bénédictines). Théodrade (785-vers 850) était l'aînée des enfants issus du mariage de Charles avec Fastrade, sa quatrième épouse, et le 12ème enfant du roi. Au moment des invasions vikings, Théodrade se réfugia à l'abbaye de Münsterschwarzach, fondée au Nord de la Bavière, à Schwarzach, sur le Main, par Fastrade en 780 et dont les abbesses étaient traditionnellement choisies dans la famille carolingienne. Elle y appliqua la réforme de Benoît d'Aniane. L'abbaye d'Argenteuil était tenue de Charles à la condition qu'elle revînt ensuite à l'abbaye de St-Denis

Depuis l'époque de Théodrade, la tunique est toujours restée à Argenteuil. Cachée dans un mur de l'église abbatiale en 850 pour la protéger des Normands, elle resta là plusieurs siècles et fut redécouverte vers 1154 par des moines. Sa présence à Argenteuil est authentifiée par une ostension de 1156. Elle reçut, au cours des siècles la visite de nombreux rois de France et le curé d'Argenteuil, pendant la Révolution, la découpa en morceaux pour empêcher sa confiscation voire sa destruction. Des quatre morceaux enterrés dans le jardin et du reste confié à des paroissiens, il n'en retrouva, après deux ans d'emprisonnement, qu'une partie. Les morceaux d'étoffe retrouvés furent cousus sur un tissu support. En 1862, on construisit la basilique St-Denys d'Argenteuil sur l'emplacement de l'abbaye; celle-ci fut élevée au rang de basilique mineure en 1898. La sainte tunique est habituellement conservée roulée dans un reliquaire installé dans une chapelle latérale et seule une toute petite partie du vêtement est visible. Lors des ostensions la tunique est déployée dans un reliquaire vertical. Si l'on fait exception de la question de l'authenticité du linceul de Turin, il semble que celle de la tunique d'Argenteuil soit plus avérée: elle est en laine de mouton, a été tissée, au Ier siècle de notre ère, d'une seule pièce sur un métier primitif et selon la technique pratiquée alors en Syrie et Palestine du Nord. Enfin, le vêtement est tâché de sang de groupe AB dans le dos et aux épaules (groupe AB, par ailleurs, qui est aussi celui des traces du linceul de Turin). De nombreux débats entourent toute l'histoire de la tunique. Depuis 1894, une ostension de la tunique a lieu tous les 50 ans, ce qui eut lieu, en fait en 1934 et 1984 puis qui devrait avoir lieu en 2034. Une ostension exceptionnelle a eu lieu en 2016 sur la décision de l'évêque de Pontoise (une restauration de la tunique et de son support a alors eu lieu). La chapelle dédiée à la Sainte Tunique est accessible aux heures d'ouverture de la basilique. La "tunique sans couture" du Christ, d'une façon générale, est le symbole de l'unité de l'Eglise alors qu'Argenteuil abrita Héloïse et que Claude Monet y peignit une partie de son oeuvre