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La Vie de Ste Liutbergue

[certains passages sont manquants; ils sont notés "[...]"; il est probable que cela soit des omissions, par le traducteur anglais, de passages consacrés seulement à la religion et considérés comme ne présentant pas d'intérêt historique]

1. En son temps, l'empereur Charles le Grand, premier à porter le titre auguste de César dans les terres de Germanie, soumit de nombreuses nations au royaume des Francs. Parmi celles-ci, il s'acquit beaucoup des plus nobles et plus puissants hommes du peuple Saxon de cette époque, et leurs grands domaines. Il en soumit certains par la guerre et d'autres il les soumit, des rites païens, à la religion des Chrétiens par l'industrie de sa propre intelligence et de sa grande sagacité. L'un des premiers et des plus nobles de ces hommes s'appelait Hesse et il aimait le fréquenter plus que les autres. Il l'aida de grands honneurs parce qu'il lui restait fidèle en tout. Hesse manqua de descendant mâle, car son seul fils mourut dans la fleur de sa jeunesse. Aussi, c'est à ses filles qu'il laissa son riche patrimoine. Quand il fut devenu très vieux, il partagea son héritage entre ses filles et entra au service de Dieu à Fulda où il mourut heureux portant l'habit monastique

2. Une de ses filles, Gisla, l'aînée, prit un mari nommé Unwan dont elle eut un fils, Bernhart, et deux filles, l'une appelée Bilihild et l'autre Hruothild. Toutes les deux fondèrent de petits monastères après la mort de leurs maris et prirent l'habit. L'une à Winithohus [Windenhausen] en Saxe, dans le pays appelé Harthagewi [Harz] qui sépare la Saxe de la Thuringe, l'autre à Salugewe, en Franconie, dans les environs de Bochonia, dans l'endroit appelé Karolsbach [Est de Gemundae à Moenum]. Chacune gouverna sa congrégation de vierges. Gisla elle-même, veuve, mena une vie religieuse, construisant de nombreuses églises, donnant des aumônes et s'occupant des pélerins. Je ne sais s'il faut discerner une âme virile dans le sexe féminin quand il fait preuve d'une grande intelligence à mener des affaires variées ou s'il faut s'émerveiller de l'effet de la piété

3. Un jour que cette grande dame voyageait pour affaires -elle devait se préoccuper de domaines en beaucoup de différents endroits, elle ariva en un lieu où l'heure la força à demander l'hospitalité. Le monastère de soeurs, à cet endroit, disposait d'une maison d'hôte proche et les bâtiments qu'elles avaient préparés semblaient suffisamment confortables. Une des jeunes filles attira l'attention de Gisla car elle semblait dépasser les autres de son âge en forme et en intelligence. Avec une diligence de servante, elle les dirigeait toutes d'un signe de tête et d'une façon intelligente. Gisla l'observa silencieusement ainsi que sa manière d'agir et commença à se renseigner sur qui elle était, de quelle famille elle était, sur sa naissance et sa condition. La jeune fille répondit à tout cela avec prudence et en ordre, disant qu'elle venait de parents honorables de Salzburg, expliquant son ascendance et sa condition, et exposant toute sa manière de vie. Et qu'elle aurait volontiers prononcé ses voeux n'eut été son âge. D'un coup Gisla se fit son opinion et elle commença à lui demander instamment de venir avec elle et de se confier à elle en confiance, jurant devant Dieu qu'elle lui resterait tout le temps aussi chère que si elle avait été sa fille

4. Croyant en la promesse, elle prit la route avec elle et, je crois par consentement de la divine Providence, leurs deux volontés furent accomplies. Par la suite elle affirma que cela était arrivé du fait de la volonté divine, car elle s'était engagée d'être un pélerin, et Dieu, à qui elle s'était donnée dans son esprit, avait rendu cela possible. Ainsi, cette jeune fille Liutbergue accompagna la dame Gisla dans la visite de ses domaines et elle continua son office avec charité jour après jour, et devint encore plus chère, non seulement pour qui elle avait à faire mais aussi pour tous ceux qui la connaissait. Elle vivait ainsi dans la maison de cette maîtresse, noble par nature, et toutes ses vertus se développèrent alors qu'elle devenait mûre. Elle était sage en conseils, pleine de vérité dans ses mots, honnête dans ses devoirs, généreuse en aumônes, constante dans ses travaux, excellente en piété, première dans tous les domaines de la bienveillance, se préoccupant des malades et mettant fin aux discordes. Ouvrant son coeur à la misère de ceux qui étaient dans le besoin, elle aimait tout le monde, et tout le monde l'aimait. Cette heureuse et courageuse femme, débordante de nombreux dons, augmentait sa perfection, chaque jour, de degré en degré, de plus en plus agréable à Dieu et aux hommes

5. Comme nous l'avons dit, la grande et forte Liutbergue était faite pour tout, forte dans ses manières, particulièrement infatigable dans ses louanges à Dieu, pour les psaumes et les hymnes et les cantiques spirituels, selon l'Apôtre "offrant dans son coeur à son Seigneur les sacrifices dévôts de son esprit". Pour expliquer brièvement comment elle se comportait, disons que tout ce qu'elle pensait était agréable à Dieu qu'elle aimait de tout l'amour de son coeur, et qu'elle évitait les tentations d'un monde mauvais autant une falaise élevée. Elle travaillait régulièrement à l'Ecriture Sainte et, méditant quotidiennement, devenait toujours plus efficace de telle sorte que son intelligence gagna une profondeur qui serait devenue encore plus érudite si elle n'en avait été empêchée par la faiblesse de son sexe

6. Elle était si grandement douée en ces divers arts qui ont trait au travail des femmes que, dans les lieux où elle était connue, les gens l'appelait Daedala. Elle demeurait fidèle à sa maîtresse, et cependant si pleine de miséricorde qu'elle était appelée la mère des pauvres. Aussi il arriva que le commun peuple proclama son heureuse renommée et que cela vint à la connaissance de la noblesse, des dirigeants et des grandes dames. Ses amis augmentèrent en nombre et vinrent à l'aimer très cordialement. Il était merveilleux de constater qu'elle fut d'abord chère et qu'ensuite elle devint très bien-aimée, de telle sorte qu'elle avait des amis dans toutes les parties du pays où elle voyageait

7. Dans le temps qu'elle était devenait mûre, la vénérable dame Gisla était devenue infirme et le jour de sa mort s'approchait. Elle appela son fils Bernard et lui dit: "Mon fils, ne néglige pas les paroles que ta mère va te dire mais accorde attention à mes dernières recommandations. Je te laisse toute ma richesse et mes biens divers, mes bâtiments et mes bijoux, ce qui devrait suffire à t'aider dans cette vie, si Dieu le veut. Rappelle-toi de toujours te battre pour la restauration des églises et de la reconstruction de celles tombées en ruine, et prends soin de tes soeurs avec sollicitude, faisant montre à leur égard de la diligence d'une surveillance pleine de bonté, et d'un amour fraternel. Car la garde souffre aisèment d'un peu de défaut chez les femmes, si une vigilance d'homme n'a pas été donnée en dû temps à leur éducation. Et une autre chose que je t'ordonne de façon pressante, me basant sur ma foi, et que je te demandes par demande très urgente et par ma très maternelle affection, est que tu accordes un respect convenable à ma fille bien-aimée Liutbergue, que j'ai adoptée, par promesse de foi, comme ma propre fille. Tu lui accorderas un respect approprié et tu la joindras en amour au nombre de tes soeurs. Tu prêteras attention à ses conseils et confiera à son soin toute chose précieuse que tu possèdes, parce que je l'ai toujours tenue dans la plus haute des confiances". Et, saisissant la main de son fils, elle la recommenda, en confiance, à lui, et, embrassant celui-ci et saluant tous en paix, elle termina sa vie. Et elle fut enterrée avec honneurs au temps de l'empereur Louis, père de Lothaire, de Pépin, de Louis et de Charles, et elle laissa son fils Bernhard son héritier

8. Pendant un long temps, Liutbergue resta dans la maison de son nouveau seigneur, selon ce qu'avait voulu la mère de celui-ci. Elle avait le gouvernement des biens que celle-ci avait possédés, de telle sorte que le gouvernement de la maison constituait une charge pour elle. Le nouveau maître lui accordait un amour maternel et un respect sincère, et tous les domestiques des deux sexes l'aimaient comme une mère, et ainsi faisait toute la "familia". Bernhard prit comme épouse une fille du grand comte Lothaire, nommée Reginhild, qui lui donna deux fils, l'un appelé comme son père, l'autre Otwin. Et elle brûlait d'un si grand amour pour la vénérable Liutbergue qu'elle ne fut pas déçue par son apparence alors. Comme venant d'un exemple maternel, elle imitait ses bonnes habitudes et sa gravité honnête de manières et elle donnait à tous, chaque jour, de nombreux biens par sa générosité. Et après que la maladie l'ait longtemps confinée, encore dans l'immaturité de sa jeunesse, sa vie se termina et elle laissa son époux et ses fils dans une tempête de chagrin

9. Et Bernhard, incapable de pourvoir à sa jeune vie sans la consolation d'une épouse, en prit une autre, de la plus noble naissance, une femme de la plus grande des beautés et avec de grands biens, et, avec ces richesses, il atténua le chagrin de sa première blessure. Elle s'appelait Helmburg, et d'elle naquirent quatre fils et deux filles. L'aîné fut appelé Unwan, puis Adalbert, le troisième Asic, le quatrième Ediram, nom tirés de leurs parents, et les deux filles furent appelés Gisla et Bilihild. Et la mère et les enfants grandirent en force sous le soin de la vénérable Liutbergue et lui montrèrent la plus grande dévotion d'amour, à telle point qu'elle était appelée mère ["genetrix"] plutôt que nourrice ["nutrix"]

10. Bernhard, ayant de nombreuses possessions de ses deux parents, et de nombreuses propriétés dans des endroits variés, ne pouvait pas facilement supporter l'absence de la vénérable femme, car c'était elle qui était la gardienne fidèle et la dispensatrice de ses biens. Mais, où qu'elle fut, elle n'oubliait jamais de se rendre à la maison du Seigneur jour et nuit et d'assister assidûment aux services divins et de suivre les vigiles de la nuit jusqu'à l'aube. Elle faisait preuve d'une telle vigueur à ne jamais permettre un quelconque préjudice en ce qui regardait Dieu que tous commencèrent à penser qu'il s'agissait là d'un grand miracle. Elle avait une grande érudition et exigeait de son corps un travail d'homme, et non d'un être faible. L'aide de Dieu donnait de la constance à son âme, la menant vers les cieux sans aucun doute. Elle ne courbait jamais sous le poids des tâches, mais, chaque jour, parmi les hommes de la palestre, elle combattait contre les tromperies du monde et les tentations de la chair, qui incitaient à la luxure du corps et à la pétulance mentale, doucereuses affabilités contre sa chasteté, et elle défendait la sobriété pour extirper les racines des enchantements mauvais

11. Ayant fait des jeûnes et des veilles, usée de travail, comme nous l'avons dit, elle commença de consumer son corps de fatigue. La couleur de son visage changea et sa vigeur physique languit. La pâleur commença de remplacer la vivante couleur de son visage et sa peau adhérait à ses os, augmentant son aspect émacié, car le plus elle progressait de ces parties de cette nuit où elle était très profondément mise à l'épreuve, le plus elle veillait. Et il devint bientôt sa coutume que, si elle se trouvait quelque part où il n'y avait pas d'église qu'elle connut, elle en cherchait une pour y veiller toute la nuit en la seule compagnie d'un petit garçon ou d'une petite fille. Et, généralement, elle entendait la messe ou communiait avant de continuer son chemin. Ainsi, elle gouvernait la maison de son seigneur non seulement en parole, mais aussi avec l'exemple de la vertu.

12. La voyant ainsi devenir pâle et émaciée, le comte y prêta attention, disant à ceux qui se trouvaient là: "Quelle infirmité a donc mis la main sur notre bien-aimée mère Liutbergue?" On lui répondit qu'il ne s'agissait pas d'une maladie mais plutôt de la fatigue et les veilles, et la constance mise à l'épreuve de son corps. Elle allait continûment, de nuit, à des églises distantes, difficiles d'accès, sans autre compagnie qu'une petit garçon ou une petite fille. Chaque nuit, elle errait pieds nus. Stupéfait, le comte la fit venir et s'adressa à elle de sa manière respectueuse et douce accoutumée, disant: "Très chère mère, qui a toujours montré le chemin de la gravité et d'une vie honnête, non seulement en mots, mais aussi en devenant un modèle pour les autres, ne prendriez-vous pas maintenant un chemin abrupt, comme si vous vous efforciez d'atteindre la mort avant l'heure fixée par Dieu? Savez-vous, il y a, rôdant autour de nous, cette créature armée et effrayante, païenne ou étrangère au nom de Chrétien, qui, jour et nuit, par ses ruses, énerve les coeurs même des plus forts. Et le danger est telle de sa furie, qu'il n'y a rien de pire, même de tomber entre les dents de bêtes voraces ou les mâchoires des loups. Et nos pires ennemis, sans se lamenter, ne pourraient rien dire d'autre sinon que votre façon de faire vient du mal et de la superstition. Sans compter que toute la renommée de votre vie magnifique pourrait être réduite à rien".

13. Ce à quoi la vénérable Liutbergue répondit, avec une voix soumise: "Mon seigneur, je ne cherche pas à prêter attention aux bavardages des hommes mauvais qui toujours, sans réfléchir, se moquent des vies pieuses et sobres, et menacent les bonnes actions de leurs dents voraces et déchirent les hommes en morceaux de leurs langues vénéneuses. Car, en fait, dette malignité vient du premier-né de nos premiers parents, Caïn, qui, transmit le mal, semant la mauvaise graine dans les coeurs dépravés, en long et en large à travers le monde entier. Mais ne m'alarmant pas outre mesure contre eux, je me suis confiée à la main du Seigneur, comme le prophète, et il me nourrit. Et il ne jettera pas les justes aux flots, mais il les gardera des oeuvres des mauvais. Et c'est ainsi qu'il est écrit: "Si Dieu est pour nous, qui peut être contre nous?". Et ainsi parle le psalmiste: "Le Seigneur est mon berger, je ne craindrai pas ce que l'homme peut me faire". Ou, ailleurs: "Le Seigneur est mon berger, et je mépriserai mes ennemis". Et :"Il est bien de se confier au Seigneur, plutôt qu'aux hommes. Car vaine est l'aide que peuvent apporter les hommes". Et d'innombrables autres pages de l'Ecriture montrent que le juste qui chemine sur le chemin juste qui mène à la patrie céleste peut être égaré, repoussé, effrayé par la terreur qu'inspire l'ennemi, en sorte que même le psalmiste fidèle s'avance à dire en confiance: "J'ai confiance en le Seigneur qui a dit à mon âme de traverser la montagne"; et le même prophète exulte de la joie du vainqueur, glorifiant le Seigneur: "Tu m'as donné la victoire sur mes ennemis, et tu a renversé ceux qui me haïssaient". Aussi, ne devrions-nous pas élever nos yeux au-dessus de cette vie brève et incertaine? Où est-donc le pouvoir des grands? Où est la richesse du riche? Où sont les armées innombrables des puissants? Où est le luxe dont font montre les rois? Et les désirs insatiables de leurs serviteurs? Où sont ceux qui sont constamment assoiffés, et qui amassent or et argent autant qu'ils peuvent? Et le plus ils boivent, le plus ils ont soif. Et ils amassent des trésors sans savoir pour qui. Emportés par la rapine et le vol, les amoureux de l'argent le suivent dans la perdition. Nous ne les craignons pas, disant avec le Seigneur: "Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, car ils ne peuvent tuer l'âme. Craignez plutôt ceux qui peuvent perdre le corps et l'âme dans la Géhenne!" Et ailleurs le Sauveur dit: "Celui qui aime son âme par amour de moi, la gardera pour la vie éternelle". Alors, pourquoi craindrais-je de mourir si c'est pour l'amour du Seigneur? Celui qui veille suit ce qu'a voulu le Seigneur: "Veillez et priez, de peur de céder à la tentation". Et Lui qui nous ordonne de veiller nous ordonne aussi de prier: "Priez pour que cela n'arrive pas en hiver ni le jour du sabbat". Et à propos du jeûne, il est écrit: "C'est le jour où vous jeûnerez que vous verrez quelle est votre volonté". Et que pourrions-nous souhaiter de plus, sinon que Dieu nous fasse miséricorde et que nous, mortels, puissions mériter l'immortalité dans son royaume?"

14. Ces paroles, et d'autres, apaisèrent l'esprit perturbé du comte et la fureur s'accroissant qui avait commencé de grandir en lui fut calmée par cette médecine. Se tournant vers elle, il lui dit: "Tes déclarations, si je puis m'exprimer ainsi, viennent plus de Dieu que de toi. Tu as à ce point obligé mon esprit par la justesse de ce à quoi tu aspires que je ne peux rien te refuser. Je prierai pour que tu puisses réaliser le voeu que tu as fait pour Celui au nom duquel, face à tant de difficultés, tu n'as pas tremblé d'avancer. Et quoi que ce soit qui, venant de moi, puisse t'aider, demande-le moi". Quand elle entendit cela, son âme fut vaincue au point qu'elle se serait jetée aux pieds du comte s'il ne l'avait retenue. Et elle dit: "Mon seigneur, alors, d'un coeur débordant pour votre piété, je vous demande volontiers cette faveur, et si cette pétition de votre servante est accordée, comme une récompense concédée par Dieu, je ne cesserai jamais de vous remercier de votre force". Et il lui dit: "Parle, je t'en prie. Ne cache rien de ce qui est dans ton coeur. Aie confiance dans ce que j'ai déjà dit, que j'agréerai à toute demande raisonnable que tu feras, ma vie, ma santé et Dieu le permettant". Alors elle poussa un long soupir, venant de loin à l'intérieur, et bientôt éclatant en larmes, elle dit: "Je suis une grande pécheresse, seigneur, liée de nombreux liens. Et, même aux frontières de l'âge, je vis une vie délicate et fausse dans ce monde de désirs et de volupté. Ici et là, dans le cours de mes errances, j'ai fais à Dieu les promesses les plus enchaînantes, que, depuis, j'ai ignorées et oubliées. Aussi, maintenant, je demande de votre piété que je puisse cesser ces errances et que je puisse passer le reste de ma vie en pénitence pour mes péchés, et pour le service de ceux qui ont besoin de ma pitié. Car c'est ainsi que je pense que vous, et votre mère d'heureuse mémoire, obtiendrons plus. Le Seigneur a dit: "Ce que vous faites au plus petit d'entre eux, c'est à moi que vous le faites". Et Jacques a dit: "Celui qui détourne sa vie de l'erreur des péchés, celui-là aura son âme sauvée de la mort, et il rachètera une multitude de péchés"

15. Alors, répondant, avec un visage avenant, il dit: "Et où allons-nous pouvoir trouver cet endroit de quiétude où tu pourras en sûreté te cacher du vacarme turbulent de ce monde et des flots de l'époque?". Alors elle dit: "J'ai préparé cet endroit, pour mes jours de petitesse qui approchent. Et là, si votre piété veut bien ordonner que soit construite une petite cellule, cela suffirait à mon logement et à me fournir une abondance suffisante, loin des richesses, délices et joies du monde". Admirant la constance de cette femme et la virile fidélité de son âme, le comte, après un long moment dit: "Dois-je comprendre que tu essaierais de pourvoir à ta vie, dans un tel endroit isolé, dans la solitude et la réclusion, loin des autres et de toute vie commune? Si c'est cela, c'est une question qui ne relève pas de moi, mais des prêtres et de l'évêque. Car je ne suis qu'un laïc". Et elle répondit: "Mon seigneur, je n'ai jamais envisagé de me mettre à cela sans avoir répondu aux questions de nos saints recteurs, de telle sorte que, par leur avis, je sois sûre qu'il ne s'agit pas de ma volonté, mais de la volonté de Dieu". Les prêtres et les évêques s'assemblèrent pour considérer le cas, et délibérèrent longtemps ensemble, sur ses arguments. L'assemblée terminée, il accordèrent foi aux voeux qu'elle avait jadis faits, et, ainsi, elle revint à l'esprit joyeux qu'elle avait avant, laissant l'espoir de la piété de Dieu envahir toutes ses entreprises

16. Quelque temps plus tard, l'évêque de la province, Theogrim [évêque d'Halberstadt 827-840], de bienheureuse mémoire, fit une visite à la maison du comte, car une solide amitié existait entre eux. Et il passa la nuit là. Le lendemain, la vénérable Liutbergue saisit l'occasion pour l'approcher car elle désirait avoir son opinion en privé. C'est Dieu qui semblait avoir voulu que l'évêque soit venu à ce moment-là et à cet endroit-là. Se prostrant humblement à ses pieds, d'une voix douce, elle demanda sa clémence. L'évêque fut d'abord surpris, comme foudroyé par l'orage, car il savait pertinemment qu'elle était dévouée à une vie honnête et qu'elle tenait, dans cette maison de son seigneur, la place d'une "genitrix". Aussi, il était déjà disposé à être miséricordieux et il lui dit doucement: "Allez, ma soeur bien-aimée, exposez librement quelque plainte que ce soit que vous pouvez avoir à l'esprit. Vous avez en moi quelqu'un qui est réellement et sincèrement prêt à vous consoler". Et elle suivit alors le conseil de l'Ecriture: "C'est dans les premiers mots que se trouve son propre accusateur", et elle s'accusa d'être pécheresse, s'accusant de nombreux crimes et implorant l'aide de l'évêque pour les péchés qu'elle avait commis, et tout ce qui venait à son espirt, elle l'exposa sans hésitation

17. Après l'avoir entendu parler et l'avoir soigneusement écoutée, sachant qu'elle était toujours désireuse de justice et qu'elle visait toujours à être une qui aidait à la vertu qu'une qui en détournait, après un silence total, il se pencha rapidement vers elle et dit: "Je crois que cette volonté de te retirer, fille bien-aimée, vient de la fontaine de la piété, mais, d'abord, il faut que, par une délibération attentive, nous cherchions comment trouver le chemin de ton salut. D'abord nous devons prier pour que la décision que nous allons prendre, par l'aide de Dieu, soit favorisée de la coopération avec l'auteur de toutes choses, et qu'ainsi, ayant bien commencé ce voyage sous sa direction, nous arrivions sainement au port". Et, disant cela, il fit appeler le comte Bernhard, s'assit avec lui, et il lui dit: ... [la fin du chapitre et les 3 chapitres suivants manquent. Ils décrivaient probablement la longue conversation qui discute des plans de Liutbergue et mène à la décision de l'évêque]

21. Ayant dit tout cela, l'évêque la réprimanda alors qu'elle le remerciait, prosternée à ses pieds. "Grâce à Dieu, je suis ce que je suis..." dit-il. [...] Ainsi, l'évêque avec le comte, admirèrent à ce point la constance de son esprit que, d'un commun accord, il consentirent à lui donner ce qu'elle demandait, et, de ce jour, elle se rendit à l'endroit où elle voulait se retirer

22. Puis, en temps opportun, l'évêque, avec un grand nombre de prêtres et un nombre important de clerc de second rang et de rangs encore inférieurs, vint et bénit la cellule et la petite hutte qui avaient été préparée là. Il les aspergea soigneusement d'eau. Puis, l'ayant enclose dans ce petit domicile, à peine plus grand qu'une cabane, il lui fit interdiction d'en sortir, sauf besoin extrême. Il lui donna sa bénédiction et quitta le lieu. Il avait été construit, d'une manière paternelle, sous la forme d'un cloître avec murs. Elle pleura et pria qu'elle puisse mériter de mener à bien sa lutte, avec l'aide de Dieu. Et alors la vénérable servante Liutbergue, ayant atteint son but, selon le voeu qu'elle avait fait, persistant jour et nuit dans la prière, s'abstenant de nourriture et de boisson, força avec le jeûne et les veilles son corps faible et affaibli, qui ne se nourrissait de rien d'autre que de pain avec des herbes et du sel. Même les dimanches et les jours de fêtes, elle ne mangeait que la plus petite portion de légumes et de poisson, faisant ses plus déliceux banquets de fruit et de baies qu'elle trouvait dans les champs au gré des saisons. Elle avait dans sa cellule un chaudron de charbons ardents, à cause des nuances de différentes couleurs [?]. Elle était, comme nous l'avons déjà dit, un résumé de nombreux dons féminins. Elle ne cessait jamais de s'occuper à d'autres travaux utiles, et, jour et nuit, elle se tenait occupée de travaux manuels, et de prière et de méditation. Et, dès qu'elle avait du temps libre, elle enseignait ceux qui venaient à elle, n'accordant que le strict minimum à se nourrir et à dormir, ces besoins que demande la fragilité de la nature humaine

23. Et elle passa ainsi sa vie, et jamais aucune incommodité n'arriva jamais à vaincre son corps. En fait, plus elle avançait, plus elle supportait. Elle était, pour résumer, affable à ceux qui venaient à elle, de sorte que tous les visiteurs, la quittant, se réjouissaient sur le chemin du retour car tous pensaient que le temps passé près d'elle valait un grand prix. [...]

24. On ne peut pas dire à combien de pièges de ses ennemis elle survécut et quelles ruses diverses de Lucifer la frappèrent, toutes machinations de diverses terreurs, soit par le biais de l'enflammement de son imagination, soit images d'apparences du royaume céleste. Mais toujours ces séductions mélangeaient la vérité avec le faux, et utilisaient l'apparence de la vérité pour induire en erreur les esprits imprudents. [...] Mais la vénérable servante du Christ persévérait dans la prière jour et nuit et ne gardait rien en propre que les vêtements qui couvraient son corps, un récipient pour sa nourriture et un petit lit et un tapis où elle avait l'habitude de dormir. Ayant entendu une voix, je ne sais de quel esprit, qui lui disait: "Qui veut mener une vie comme celle-ci ne devrait pas traîner au lit". Entendant cela, elle commença immédiatement de réfléchir avec anxiété comme elle pourrait se faire voir par la seule petite fenêtre qui existait dans le mur, car elle n'avait pas confiance en son peu de force pour mouvoir ce lit lourd, fabriqué par un tourneur [...]

25. Une fois, l'esprit malin vint à elle déguisé en tourneur, un homme à qui le Diable donna la forme d'un serf du comte Poppo, que la servante de Dieu avait connu dans le passé et qui lui avait offert, comme petit présent, un récipient dans lequel elle pouvait manger, ...

[deux paragraphes manquent, probablement décrivant d'autres tentations du Diable. D'après la structure du chapitre 28, il semble qu'il y avait un dialogue avec une voix]

28. Une autre fois, l'esprit diabolique l'abreuva d'insultes à propos de sa façon de vivre, et, critiquant sa sainteté avec des reproches habituels, il lui rappela comment, dans son enfance, elle avait joué un tour à l'une de ses compagnes. Elle avait cassé son aiguille et, profitant du fait de son amie était sortie, elle avait pris son aiguille et laissé l'aiguille cassée à la place. Et l'esprit la félicitait de cette tromperie, comme si cela avait été une bonne action. "Et alors! Et où était ta précieuse sainteté à ce moment-là!? Tu n'avais pas rougi de ce vol!" Et effectivement, elle se rappelait de ce fait, qui remontait à son enfance, alors qu'elle commençait d''apprendre les arts du textile; et, effectivement, elle n'avait pas encore confessé ce péché, par négligence [...]

29. Un jour, un frère lui posa des questions sur comment les esprits apparaissaient ou se présentaient, et comment elle pouvait voir quand Satan se transformait en ange de lumière ou en une personne vénérable. Tremblant et soupirant du fond de son coeur, elle garda le silence pendant un moment, et puis parla d'une voix effrayante: "Cette question, vénérable frère, elle m'a apporté beaucoup d'horreurs ardentes et de très grandes angoisses, car je suis maintes fois tombée dans cette mer de doute sur laquelle vous m'interrogez. Presque désespérant, implorant le secours de Dieu par la constance de mes prières, ces prières dont la protection a été l'object de tout mon travail. Enfin, le Tout-Puissant étendit sa clémence et voici ce que Lui-même me dit sur cette question: "Tu peux t'assurer de cela, si tu y fais bien attention. Fais bien attention à observer la forme qui te sera apparue lorsqu'elle s'en ira. Car, quel qu'ait pu être son aspect fantastique, quelle qu'ait pu être la couleur de ses vêtements, tu verras la plus noire des taches noires sur son arrière ["posterior", "son postérieur"?]". Et ce signe, vénérable frère, m'a été confié par la générosité de la clémence divine, de telle sorte que, libérée de l'intérieur du plus affreux des gouffres, et remplie d'une joie ineffable pour cette consolation pieuse, j'ai résisté ainsi aux tours et aux ruses de l'Ennemi d'un esprit plus confiant". [...]

30. Un homme de parenté libre, nommé Hruodart, un vassal de Bilihild, avait pris l'habitude suivre une femme dans sa chambre pour des relations charnelles. Un jour, alors que le crépuscule arrivait, elle la vit, depuis sa cellule, se dépêcher de le rejoindre. La voyant, Liutbergue lui cria: "Très chère fille! Ne délaisse pas le travail que tu as commencé avec moi. C'est ce vrai travail qui te seras de profit, car on obtient en retour du travail du service divin et tout ce à quoi on travaille utilement produit du bon". Mais elle avait amené avec elle des bougies, ou des lampes, car c'était l'heure des chandelles et d'utiliser la lumière. Et elle voulait rejoindre cet homme, qui était caché, sans [...] quand soudain un esprit malin surgit d'une forme si terrible, soufflant du soufre enflammé de son nez et de sa bouche, les yeux étincelant de feu, noir de corps et avec des mâchoires immenses. Planant au-dessus de lui, ses genoux pressèrent contre sa poitrine, ses mâchoires béantes avalant son visage, et ses grandes griffes déchirant ses entrailles, comme un aigle attaquant la proie. Et il déchira terriblement ses organes vitaux, et son âme sortit, laissant dans la misère ...

[4 chapitres manquent. Ils relatent probablement d'autres évènements miraculeux]

35. Et maintenant, parlons de ses plus secrètes connaissances qui nous sont venues par le biais de ce que nous ont dit des hommes loyaux ou des femmes fiables, et dont le caractère vrai nous a été confirmé par témoins et qui semble tel si l'on se réfère au raisonnement. Car Dieu l'avait dotée de l'esprit de prophétie. Elle pouvait voir des événements qui allaient se produire. Et, effectivement, un petit nombre de ses prophéties se révélèrent vraies. Un certain comte Frédéric avait, dans la "villa" [le domaine] où se trouvait sa cellule, une maison avec son frère Adalger, comte aussi, et dont la femme, Pia, avait l'habitude d'aller à la messe ou aux vêpres à l'église là. Et Liutbergue lui dit: "Dame, et ma très douce fille, n'oublie pas de prier pour ta mère, celle qui t'a mise au monde" [...] Comme elle l'avait prédit, elle passa trente ans dans sa cellule et il arriva que quoi que ce soit qu'elle prédisait, l'évènement, inévitablement, venait à se produire. Il est splendidement clair que, lorsqu'elle prévoyait un évènement, celui-ci était toujours certain d'arriver [...] Particulièrement, quand elle conversait avec des hommes de sainteté, ou qu'elle avait eu avec eux des débats des plus familiers avec ceux qu'elle savait être les plus disciplinés et les plus érudits en loi divine, captant des rayons de leur perfection, ceux-ci repartaient joyeux. Les abbés et les évêques prenaient conseil d'elle, se recommandant à ses prières, se rendant vers elle en personne, ou envoyant des messagers; et ils la gardaient eux-mêmes dans leurs prières, réjouissant Dieu de ces souffles alternés montant vers Lui. Son évêque était Hemmo, digne de mémoire, un homme de la plus haute sainteté et érudition, sous les soins et la protection duquel elle resta du fait de son comportement, et elle résidait dans son diocèse. Il eut de nombreuses conversations instructives et édifiantes avec elle et il l'aida pour ce qui était de ses besoins matériels, lui rendant visite souvent, avec clémence, et dans un esprit paternel. Et celui qui se tenait au-dessus de tous en matière de sainteté et le principal des athlètes du Christ dans la perfection de toutes les vertus, l'archevêque Ansgar de Brême, la tenait en un tel amour d'une sainte filiation, que le dévôt père se hâta sur la longue route qui le séparait d'elle, pour lui rendre visite, avec la plus grande des bienveillances. Le vénérable prélat lui donna ainsi non seulement la familiarité de sa présence, mais des aides matérielles, et en tant que dispensateur de tout ce dont elle pouvait avoir besoin, il l'aida grandement, joyeusement, de sa grande magnificence. Et il lui envoya des jeunes filles, aux plus nobles manières, pour qu'elles accomplissent aussi ces oeuvres de Dieu dans lesquelles elle s'était constamment engagée. Avec grand soin, elle leur enseigna la psalmodie et les travaux d'artisanat, puis leur permit d'aller librement, une fois leur éducation terminée, vers ses différents voisins ou vers qui elles désiraient

36. Et elle remarquait de nombreux hommes et de nombreuses femmes, déjà dans la religion, et de manières sérieuses, se recommandant à leurs prières et qu'ils demandent, entre autres, pour elle, la grâce qu'elle mène sa vie présente à une bonne fin. Et quiconque daignait implorer, ou offrir un sacrifice [une messe?] en son nom, ou jeûner pour elle, elle, de manière bienveillante, elle leur consacrait un jeûne de sabbat, car elle avait entendu dire que le pape Romain avait décrété le samedi, le jour où le Christ était couché dans son tombeau, jour de jeûne. Et ce même jour, les disciples du Christ et les saintes femmes jeûnèrent pareillement, en signe de chagrin, et les serfs et les servantes, ce jour-là, étaient libres du service de leurs seigneurs, et ne devaient non plus travailler dans leurs propres maisons. Chaque jour, elle s'occupait des pauvres, consolait les veuves et les orphelins, soignait les malades, et non seulement ses voisins mais aussi tout ceux dont elle entendait parler, où qu'ils se trouvaient. Et elle procurait tout le réconfort qu'elle pouvait à ceux qui étaient emprisonnés pour quelque crime. Tous les jours, elle suivait la messe quotidienne, apportant des offrandes à Dieu, sauf de l'argent, et avec ces prières, chaque jour, elle languissait encore plus ardemment à sa propre fin. Cependant, chantant aux heures fixées avec ses soeurs, elle augmentait les prières en commun [...]

37. [...] Elle mourut au temps de Louis, le glorieux cadet, roi des Francs, et elle fut enterrée honorablement dans l'église aux louanges de Celui qui a daigné se préoccuper de tous ceux qui mettent leur espoir en Lui, Jésus-Christ, qui, avec le Père et le Saint-Esprit, vit et règne, en tant que Dieu, pour l'éternité des temps. Amen

Website Manager: G. Guichard, site Learning and Knowledge In the Carolingian Times / Erudition et savoir à l'époque carolingienne, http://schoolsempire.6te.net. Page Editor: G. Guichard. last edited: 12/28/2010. contact us at ggwebsites@outlook.com
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