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Byzance et l'Occident

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L'histoire de l'Empire carolingien, on l'a vu, est liée, finalement, à celle de l'Empire byzantin: c'est essentiellement parce que Byzance se replie sur le monde grec et oriental, face aux Arabes et qu'elle quitte l'Italie que l'Ouest de l'Europe peut voir naître -ou renaître- l'Empire. Une vue élargie de l'histoire de l'Occident amène à se demander dans quelle mesure l'influence de Byzance -voire de la Grèce et de l'hellénisme- n'aurait pas été encore plus déterminante que cela, non seulement dans l'histoire de l'époque carolingienne mais aussi dans l'histoire plus générale de l'Europe depuis l'avènement des royaumes barbares, à partir du Vème siècle voire avant

Par deux fois, en effet, dans l'histoire de l'Europe catholique, on voit des confluences dont les similitudes ne peuvent devoir au seul hasard. Considérons, ainsi, l'époque carolingienne et celle de la Renaissance, au XVème siècle. La Renaissance par l'humanisme, au plan "laïc" et par la "Devotio moderna", au plan religieux, est à la fois à la recherche d'une renaissance de la science de l'Antiquité et recherche d'une réforme de l'Eglise. Première convergence avec l'époque carolingienne qui est volonté de préserver la science antique et recherche d'une Eglise renforcée. Si l'on va plus avant dans la comparaison, la Devotio moderna avance dans sa quête d'une meilleure écoute des Evangiles et de la vie du Christ par l'utilisation du néo-platonicisme et par St Augustin. Cependant ces recherches, empruntes de respectabilité dans leurs buts vont vite se transformer en une forme d'hérésie à tendance astrologique. A l'époque caroligienne, certains excès des partisans du raisonnement -ainsi Scot Erigène- mènent eux aussi à l'hérésie. Enfin, la Renaissance, par ses implications à caractère politique -le renouveau de la morale civique par les modèles de la Rome républicaine- et l'accélération de ses considérations scientifiques -sans compter l'essor de la Réforme- amènera vite à l'une des contestations les plus importantes à laquelle l'Europe chrétienne ait eu à faire face depuis ses débuts. Pour ce qui est de l'Empire carolingien, la volonté générale de réforme politique -qui mène, finalement, à l'Empire retrouvé- elle, mène aussi -parce que les esprits ne sont pas encore prêts pour ces avancées théoriques en termes politiques- à un profond désastre aussi bien pour la dynastie caroligienne -qui plongera très vite dans les luttres fratricides- que pour la papauté -qui ne se relèvera des désordres puis de l'ottonisme religieux qu'au XIème siècle seulement. Ainsi, à 7 siècles de distance, on voit bien combien, dans les deux cas, une volonté de rénover la culture, l'Eglise et la politique aboutit finalement, au lieu de l'heureuse synthèse espérée, à de graves désordres. Réussie, la recherche de la Devotio moderna et le retour à l'Antiquité auraient pu constituer une nouvelle étape -dans le même esprit que la synthèse aristotélicienne de St Thomas d'Aquin au XIIIème siècle- dans l'évolution progressive de l'Europe catholique. Cette fois, il se serait agi d'établir chrétiennement une forme de symbiose entre le microcosme -un humain renouvelé dans sa foi à Dieu- et le macrocosme -un Univers mieux connu par la science. Réussie, la Renaissance carolingienne aurait établi, par l'amélioration du niveau culturel des princes et des clercs, le premier effort solide d'établissement de la Cité terrestre. Mais, dans les deux cas, ces projets ne purent être menés à bien car, dans le cas de la Renaissance, l'entreprise versa vite dans un académisme au service des princes européens et, finalement, dans la Réforme protestante et, dans le cas de l'entreprise carolingienne, on versa dans le césaro-papisme et les limites de l'hérésie

Ainsi, deux grandes entreprises, à l'aune de la destinée de la synthèse d'une Europe catholique, échouent. Toutes les deux, elles ont des visées communes -un ordre chrétien du monde- toutes les deux, elles dévient de leurs buts et apportent des calamités pires, finalement, que celles qu'elles prétendaient guérir. Et cela, dans l'histoire de l'Europe, ne se retrouve pas à d'autres occasions. Qu'est-ce qui, alors, peut être commun à ces deux époques de l'histoire européenne et qui puisse expliquer cette similitude remarquable -car limitée à ces deux époques? Une hypothèse semble bien être, dans les deux cas, la présence de Byzance. C'est, finalement, contre l'Empire byzantin que la construction carolingienne de l'Occident catholique se fait -Charlemagne devient empereur de l'Ouest autant que les empereurs de Constantinople sont ceux de l'Est- et c'est finalement de façon contemporaine de la chute de Constantinople face aux Turcs que la Renaissance se développe. Dans les deux cas, les relations culturelles entre les deux mondes sont nettes: présence en Occident de moines byzantins exilés du fait de l'iconoclasme, influence culturelle générale de Constantinople (architecture, etc.) pour l'époque carolingienne; exils d'élites byzantines en Italie, avec leurs bibliothèques, pour la Renaissance. Si, a contrario, on prend l'autre moment fondamental de la synthèse européenne, le XIIIème siècle, on s'aperçoit qu'il correspond à une époque d'affaiblissement de Byzance: c'est l'époque de la prise de Constantinople par les Croisés. On notera aussi que les dérives de la renaissance carolingienne purent être limitées puisque la culture restait une culture savante, nécessitant la connaissance du latin (à une époque qui, par ailleurs, passait aux langues romanes), ce ne fut pas le cas à la Renaissance: la généralisation de l'imprimerie leur imprima un mouvement puissant. Dans les deux cas, par ailleurs, l'Eglise était en voie de re-développement -suit au césaropapisme sous les Carolingiens, suite au Grand Schisme avant la Renaissance)

Aussi ne semble-t-il pas inopportun de se demander si Byzance n'a pas joué, depuis le début de la synthèse européenne, un rôle fondamental -mais peu reconnu- dans l'histoire de celle-ci. L'Empire romain, partagé définitivement entre un Occident et un Orient, voit, dès le début de son effondrement, Byzance entendre se maintenir comme seul lieu de la légitimité impériale, d'une part, et tendre, par ailleurs, à revendiquer, pour le patriarche de Constantinople, un rôle au moins égal à celui du pape. Byzance est le lieu qui fait se détourner les Wisigoths de Constantinople en les envoyant sur l'Italie. Byzance est le lieu où, au Vème siècle, se nouent les intrigues pour faire repasser l'Ouest aux mains du parti romain. Justinien reconquiert certaines parties de l'Empire romain. Ainsi, jusque vers le milieu du VIIème siècle, l'influence de Byzance reste très importante sur l'Europe naissante aussi bien dans son aspect politique que religieux. Ce n'est qu'à partir de la conquête arabe puis de la question italienne que le rôle de Byzance s'atténue vis-à-vis de l'Occident. Mais ce ne sera sans doute pas un hasard si Byzance est bel et bien présent, en tant que puissance de l'époque, à l'époque carolingienne ou aux débuts de la Renaissance ou, par défaut, au moment de l'apogée chrétien de l'Europe, au XIIIème siècle. Il est possible, enfin, que l'on ne puisse limiter à l'époque byzantine l'influence du monde grec sur le destin de cette partie du monde: le siècle de Périclès, ainsi, marque bien la fin des grands empires du Moyen-Orient et un premier recentrage de ces régions en direction de l'Ouest alors que l'hellénisme jouera un rôle déterminant sur le judaïsme de la première diaspora, qui passera de la conception d'un Dieu unique à celle de la religion juive comme contenant des vérités universelles. L'hellénisme, de plus, ne fut pas sans influence sur la transformation des mentalités dans la Rome républicaine lorsqu'elle s'élargit à la Méditerranée et la pensée grecque, de façon évidente et importante fournit les premiers moules dans lesquels les premiers Pères de l'Eglise durent fondre leurs façons de penser

Une telle influence byzantine sur l'Europe de l'Ouest, en tout cas, aura également des conséquences sur les époques d'après la Renaissance. Par l'appel au néo-platonicisme et son paganisme latent, par l'appel à St Augustin, par le sens nouveau donné à l'individu, par le souci de la morale civique et de la cité idéalement conçue dans son architecture générale, la Renaissance, donc l'influence de Byzance, s'exerceront à travers les Réformes, et, par elles, à travers les civilisations industrielles et, enfin, de là, aux communismes -l'un d'entre eux, de plus, s'implantant en Russie, lieu de la "Troisième Rome" et d'un christianisme orthodoxe renouvelé. C'est donc toute une vision prométhéenne, scientifique, technologique voire "écologique" de l'Homme qui naît avec le dernier épisode d'influence de Byzance sur le monde occidental et qui déterminera largement les siècles suivants. Une question, enfin: que serait réellement l'Europe si on en enlevait l'influence byzantine que l'on vient de décrire? Conception "racialiste" des peuples européens, grands domaines agricoles, une tendance à une forme de faiblesse de l'Eglise face aux souverains temporels?

Website Manager: G. Guichard, site Learning and Knowledge In the Carolingian Times / Erudition et savoir à l'époque carolingienne, http://schoolsempire.6te.net. Page Editor: G. Guichard. last edited: 5/14/2019. contact us at ggwebsites@outlook.com
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