logo du site et lien-retour vers la home page française flèche retour Erudition et savoir à l'époque carolingienne
image décorative .L'école de Jarrow .L'école d'Iona .La transition entre culture antique et culture de l'Occident

L'école de Jarrow

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le temple de Saturne, sur le Forum romain
le temple de Saturne, sur le Forum romain

Le fait que l'Angleterre soit devenue un centre de savoir classique est principalement dû à la conversion de l'Angleterre anglo-saxonne à la fin du VIème et au début du VIIème siècle. Cette conversion fut principalement décidée par Grégoire le Grand (540-604), le grand pape du VIème siècle

Lorsque les Anglo-Saxons envahirent l'Angleterre, le catholicisme qui avait pu s'y établir fut détruit et le pays devint le lieu de sept petits royaumes. Le Kent, le Wessex, la Northumbrie et la Mercie étaient les plus importants. La première étape importante pour le retour du christianisme eut lieu lorsque le roi Aethelbert de Kent épousa une princesse mérovingienne et permit à un évêque de séjourner à la cour. Puis en 597 le pape Grégoire le Grand envoya au royaume de Kent le moine Augustin. Le roi autorisa ce dernier à prêcher. Augustin s'était installé dans un monastère à Canterbury. Le roi du Kent et son peuple finirent par se convertir et Augustin devint archevêque de Canterbury. Vers 604, ce fut au tour de l'Essex d'être converti. Des missions partirent ensuite vers le Nord dans les années 620 et le travail missionnaire continua tout au long du VIIème siècle. Comme cela avait été le voeu de Grégoire le Grand, la nouvelle Eglise d'Angleterre eut bientôt des liens étroits avec Rome. Cela la différenciait grandement des Eglises existantes du monde occidental dans la mesure où celles-ci étaient la plupart soumises aux princes séculiers. Le concile de Whitby de 664 fit, par exemple, que la nouvelle Eglise suivit le rite romain

Pour ce qui est de l'érudition proprement dit, tout commença en 669 lorsque le pape Vitalien envoya Théodore de Tarse comme archevêque de Canterbury. Théodore se donna avant tout comme tâche d'établir des diocèses en Angleterre puisque jusque là le travail des missions avait surtout produit une structure monastique. Théodore était originaire de l'Orient, ce qui lui avait permis d'être au contact des sources de la culture antique. Deux de ses assistants étaient aussi des érudits : l'abbé Hadrien, et Biscop. Hadrien fonda l'école de Canterbury alors que Biscop fonda le monastère-double de St Pierre et Paul, à Wearmouth et Jarrow. Les deux hommes contribuèrent largement au développement de la culture classique en Angleterre. L'Angleterre devint ainsi un haut lieu de culture chrétienne, supérieure à tout ce qui existait alors. L'école d'York, où fut élevé Alcuin, se rattache à cette Eglise d'Angleterre fortement rattachée à Rome. L'Europe continentale qui, jusque là, avait été un champ de mission pour les moines irlandais allait devenir aussi celui des missionnaires anglais

Le scriptorium de Canterbury envoie des copies de livres vers les monastères d'Angleterre dans des domaines aussi variés que l'arithmétique, l'astronomie, le comput, la médecine, la métrique ou l'exégèse. Les autres centres de l'activité intellectuelle anglaise se trouvent tous, eux, en Northumbrie. On notera ainsi que ces royaumes anglais, qui sont d'origine jutes et angles, se situent dans la lignée de l'influence latine et romaine qui avait débarqué, avec St Augustin, dans le royaume du Kent alors qu'un royaume saxon, tel le Wessex, lui, restera, jusqu'à l'époque de St Boniface, sous l'influence irlandaise. Les centres northumbriens, ainsi, sont Yarrow, Wearmouth, Ripon, York et Lindisfarne (même si ce dernier monastère se distingue par son origine irlandaise; la culture, cependant, y suit le mouvement de la Northumbrie). Tous ces centres font venir des hommes et des livres de Rome. Au VIIIème siècle, l'Angleterre atteint son apogée en tant que centre fort de la culture antique, déclinée sur le plan du latin et de l'influence de Rome. Ce qui fait l'originalité de cette culture anglaise est que les Anglo-Saxons ne sont pas des peuples de tradition romaine et latine, comme peuvent l'être les Italiens ou les Espagnols. Dans ce dernier cas, les érudits y pratiquent une culture antique affadie et perpétuée, dont la dynamique se situe entre attachement à l'Antiquité et adaptation aux peuples et aux réalités nouveaux de l'Europe. Cela a, entre autres, comme conséquence, que la culture y est un élément de prestige, une forme de luxe. Mais pour les Saxons, la culture venue de l'Antiquité et de Rome -et le latin- qui n'appartiennent pas à leur histoire, ne sont plus que des outils: le latin et la culture antique ne servent aux Saxons qu'à la culture sacrée et à la liturgie. La culture n'est pas un luxe, elle est un outil de travail voire de rayonnement intellectuel! Le dynamisme intellectuel de l'Angleterre saxonne tient sans doute aussi à cet aspect: l'Angleterre s'est évité ce long passage entre Rome et une première forme de synthèse européenne. Une autre conséquence de ces traits totalement spécifiques aux royaumes anglais est que l'approche anglaise de l'Antiquité est très pragmatique: on n'a aucune révérence particulière et on fait le tri, dans ce qui vient de l'Antiquité, pour ne garder que ce qui est utile. Ainsi pour les arts libéraux qui, au contraire, connaissent une grande influence chez les Irlandais: les Anglais, du trivium, ne retiennent que la grammaire -celle de Domat- car la grammaire permet d'écrire et d'enseigner avec clarté; idem pour le quadrivium: on ne retient que l'arithmétique et le comput, qui permettent l'établissement du calendrier liturgique annuel. Et, même de la poésie antique, on ne retient que la métrique, que l'on utilise pour le chant grégorien. Pour l'apprentissage du latin, on écrit des glossaires puisque le latin n'est pas la langue civilisationnelle des Saxons. Les autres domaines, en particulier du trivium, telles la rhétorique et la dialectique, sont suspects de pouvoir être des vecteurs de la philosophie païenne, donc de pouvoir être utile à d'éventuels hérétiques. Seule Boèce, parfois, avec sa "Consolation de la philosophie" est parfois, rarement, admis

La culture anglaise, bien, qu'ainsi, très utilitariste en matière de culture antique latine, évoluera peu à peu vers plus de profane: droit canon, histoire, chronologie, géographie, astronomie. Ces domaines, cependant, là aussi, marquent bien un intérêt pratique, qui permet l'appréhension de l'environnement. Mais cette curiosité intellectuelle, sans doute naturellement engendrée par l'activité d'Eglise, n'est pas perçue comme antagoniste à la culture sacrée. Sans doute parce qu'elle est emprunte d'intérêt pratique. Sur le continent, au contraire, l'histoire culturelle plus compliquée fait que l'on veille toujours à ne pas mélanger les genres, dans doute parce que, sur la base d'une tradition antique mal purifiée, les intérêts pour les sciences profanes tendent presque toujours à amener des développements d'ordre spéculatif

L'érudit anglais le plus connu est Bède le Vénérable, élève de Biscop à Wearmouth. Il devint le maître de l'école de Jarrow. Il y effectua un travail semblable, pour l'Angleterre, à celui d'Isidore de Séville -dont il compila l'oeuvre et reprit la méthode étymologique: une histoire "ecclésiastique" de l'Angleterre -jusqu'en 731-, un traité de la Nature des Choses, une révision de la grammaire de Donat, des ouvrages sur l'orthographe, la métrique, la rhétorique, ou le comput ainsi qu'une compilation de citations à usage des prêches. A York, ce sera Alcuin qui sera l'un des maîtres de l'école. Les missionnaires anglo-saxons comme Boniface, se formèrent aux écoles irlandaises, réputées pour leur ascétisme, base de l'apostolat, et ils se soucièrent d'évangéliser leurs frères saxons dispersés sur le continent, y compris la Saxe même. Si les missions irlandaises avaient eu la précédence dans le temps, les Anglo-saxons avaient su y ajouter une organisation stable

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