logo du site et lien-retour vers la home page française flèche retour Erudition et savoir à l'époque carolingienne
image décorative .Les arts libéraux .Les sciences au Moyen Age occidental .Les écoles .L'enseignement

Les sciences au Moyen Age occidental

bandeau décoratif pour les pages du site, qui rappelle celui de la page d'accès général et celui de la home page de la partie française

On peut définir la science comme l'effort rationnel mené pour expliquer le monde physique. La science a acquis définitivement ses caractéristiques contemporaines depuis le XVIIème siècle, en Europe. Cette synthèse s'est faite sur le long terme, sur la base d'un ensemble de données essentiellement grecques, lequel fut transformé par l'Occident chrétien, le monde arabe et leurs relations

Oeuvres latines, arts libéraux, Platon et St Augustin

L'Empire byzantin, partie grecque et hellénistique de l'ancien Empire romain, était là où, malgré les pertes d'oeuvres dues aux incendies de bibliothèques telle celle d'Alexandrie pour cause d'anti-paganisme ou de tremblement de terre, l'essentiel des oeuvres de la science grecque avait été conservé. Byzance, jusqu'au VIIème siècle, continua d'être le principal centre d'érudition en Orient, utilisant la connaissance ancienne pour fonder son art, son architecture et sa technologie. Les savants byzantins préservèrent et continuèrent l'héritage des grands mathématiciens de l'Antiquité et des architectes et mathématiciens tels Isidore de Milet ou Anthémius de Tralles utilisèrent la mathématique pour construire l'église Ste-Sophie de Constantinople. L'Europe, alors, elle, était tombée loin derrière. Cela avait été dû essentiellement au fait que les oeuvres des Grecs anciens n'y était plus disponibles et que les érudits y étaient de langue latine et qu'ils s'étaient vite écartés de tout effort de comprendre la langue grecque. Ce haut Moyen Age cependant vit les monastères d'Irlande et de Northumbrie, avec Bède le Vénérable, ou les Ostrogoths d'Italie, avec Boèce et Cassiodore, ou encore le royaume wisigoth, encouragé par Rome et augmenté des oeuvres apportés par les réfugiés de l'Afrique du Nord conquise par les Arabes, avec Isidore de Séville commencer à préserver une partie des oeuvres anciennes latines voire Platon. On conservait des résumés et des compilations d'oeuvres d'écrivains latins tels Calcidius, Macrobe, Martianus Capella, Boèce, Cassiodore ou des encyclopédistes latins tardifs ainsi que même des sources non-scientifiques, ainsi des manuels d'arpentage romains où l'on cherchait des éléments de géométrie. Bien que certains des manuscrits avaient été altérés par grattage -pour récupérer du parchemin- ou malgré certaines traductions approximatives, l'Occident fonda sa science sur les arts libéraux tels que les avaient conceptualisés Boèce au VIème siècle. D'un point de vue théorique, la science, en particulier la géométrie et l'astronomie, devint une compréhension du monde physique en tant que système cohérent fonctionnant sur la base de lois établies par Dieu, lesquelles pouvaient être comprises à la lumière de la raison. Faire des recherches en termes de géométrie ou d'astronomie revenait à rechercher et à adorer Dieu, qui avait créé l'Univers sur la base de principes géométriques et harmoniques. La "philosophie naturelle" était ainsi une vue cohérente du monde et le monde physique était envisagé comme un ensemble cohérent de phénomènes. La raison, par la logique, l'intuition et l'empirisme, devait comprendre cet ensemble en utilisant les mathématiques, les différents domaines de la science pratique et la philosophie. D'un point de vue plus pratique, la science, au quotidien, servait essentiellement à des usages pratiques: la médecine, par exemple, pour soigner; l'astronomie et les mathématiques pour fixer les dates des fêtes ou les heures de la prière. On utilisait aussi la connaissance pour trouver une réponse aux épidémies ou aux pertes de récoltes. Une recherche non pratique en termes de phénomènes du monde naturel ne bénéficiait que d'un soutien institutionel faible et les textes de l'époque mêlent, pour un même phénomène, descriptions techniques et considérations symboliques. La revivification par les Carolingiens des études et de l'érudition, influencée par les réfugiés wisigoths, britanniques et byzantins, visa, en termes de science, essentiellement l'astronomie qui fut, alors, aussi étudiée d'un point de vue théorique. Alcuin, d'une façon plus large, entendait que la renaissance culturelle utilisât les sept arts libéraux pour renouveler les connaissances venues de l'Antiquité. Il est probable que l'effort carolingien fut limité par la non-disponibilité des données scientifiques fondamentales qu'avait élaborées les savants et philosophes Grecs mais la recherche menée à partir des travaux scientifiques anciens de langue latine prépara la redécouverte des oeuvres grecques dans les domaines de la philosophie et de la science. Ces débuts du Moyen Age, cependant, d'une façon générale, continuèrent d'être sous l'influence dominante des concepts de Platon et de St Augustin

Dans le Moyen Age occidental, les auteurs pluridisciplinaires et, surtout, théologiens sont, pour la partie de leurs travaux consacrée aux sciences, des penseurs théoriques: ce qui reste de pensée physique ou mathématique indépendante de la religion est un terrain où la pensée seule peut suffire et où la spéculation peut se passer de la pratique expérimentale. Cette activité, par ailleurs, ne dédaigne pas un certain élitisme voire hermétisme, le savoir, en général, à l'époque, restant, malgré les universités, celui d'un cercle limité. La science médiévale, enfin, ne dispose pas d'un langage propre. Si une partie de l'Eglise admettait que la nature étant la création de Dieu on pouvait l'étudier, s'en émerveiller et en ressentir un sentiment de crainte devant la toute-puissance et la sagesse de Dieu, une autre partie a toujours eu le soin d'éviter une contamination des attitudes chrétiennes par des idées qui, in fine, restaient d'origine grecque donc païenne

La scholastique: la renaissance d'Aristote

L'effort carolingien fut, d'une certaine façon, poursuivi, vers l'an Mil, par la renaissance clunisienne et ottonienne. L'ordre de Cluny favorisa la renaissance d'états forts à l'encontre de la féodalité alors que les routes des pélerinages permirent la circulation des connaissances auquel la marche d'Espagne donnait accès. Des érudits européens, en effet, tels Gerbert d'Aurillac ou Gérard de Crémone, avaient voyagé dans l'Espagne andalouse et s'y étaient initiés à la science grecque, via les traductions arabes et ils avaient compris combien de se n'être fondé que sur des textes latins ne pouvait produire que de faibles résultats comparés à la pleine richesse de l'héritage grec. Cet effort s'amplifia avec la naissance des toutes premières universités, les "studium generalis", qui fournissent une infrastructure nouvelle aux scientifiques et aux érudits. Le Saint-Empire Romain Germanique, ainsi, encouragea les maîtres à donner des leçons ailleurs que dans leur propre institution. Cela, aussi, réintroduisit en Occident la rhétorique, la dialectique et la grammaire, ce qui amena des attitudes plus spéculatives. Les Croisades, ensuite, à partir de la fin du XIème siècle, qui amenèrent un contact plus approfondi avec le monde arabe, la renaissance des routes du grand commerce et un fort renouveau des techniques agricoles au XIIème siècle, mené par les moines ainsi qu'une forte croissance démographique semblent avoir aussi bien amené un besoin, qu'une production de plus de savoirs. Des universités continuèrent de se créer et la formation s'améliora. En 1200, les savants pouvaient facilement déjà trouver des traductions latines raisonnablement précises des oeuvres principales d'Aristote, Euclide, Ptolémée, Archimède et Galien, aussi bien que de philosophes arabes ou juifs tels Avicenne, Avéroès et Maïmonide ou les oeuvres essentielles de Jabir ibn Hayyan, al-Khwarizmi, al-Kindi, Rhazès, Alhazen et Avempace. Seul Platon ne fut pas, alors, redécouvert. Avec l'apogée du Moyen Age, soit celui de la scholastique, avec St Thomas d'Aquin, vers 1250, ce mouvement, qui avait progressivement ré-admis Aristote en Occident, fut officialisé même si ce renouveau intellectuel, cependant, continuaient d'adhérer à l'empirisme et à l'idée que la raison et les recherches séculières devaient venir soutenir les doctrines de l'Eglise. Ce renouveau donna des commentaires et des traités indépendants en matière de sciences. Mais la renaissance aristotélicienne, pour ce qui est des sciences, frôla toujours, au début, l'hérésie. De nouveau autorisée à l'étude en 1234 mais les oeuvres grecques toujours limitées par l'Eglise dans leur diffusion, la nouvelle pensée ne fut en quelque sorte "apprivoisée" que par Albert le Grand, un des maîtres de l'apogée scolastique, qui le commenta et le diffusa très largement. Mais il avait gardé son esprit critique vis-à-vis de certaines idées d'Aristote et s'était aussi intéressé à la théorie atomiste de Démocrite. Il fut sans doute un des premiers au Moyen age à accorder une grande partie de son travail à l'observation de la nature voire des animaux (étude du contenu d'oeuf à des phases différentes de leur évolution, nutrition du foetus, classification systématique des végétaux). Même St Thomas d'Aquin sentait encore le souffre, condamné deux fois pour ses écrits. Ce fut lui, cependant qui, canonisé dès 1323, soit cinquante ans après sa mort, permit la victoire de la scolastique, les techniques d'Aristote, de la raison, permettant une interprétation de la Création "visible", complémentaire de l'appréhension par la foi de la Création "invisible"

La science, questionnement de la religion

Le retour d'Aristote cependant s'accompagna également de menaces, lesquelles avaient existé depuis les débuts de l'Europe chrétienne, à savoir que la recherche scientifique pouvait conduire à remettre en question la religion. Certains savants de l'époque, par exemple, posèrent les bases du raisonnement scientifique moderne. Grossetête, le fondateur de l'école franciscaine d'Oxford, insista sur les mathématiques et utilisa le concept aristotélicien du double chemin du raisonnement scientifique, soit traduire des observations en loi générale puis repartir de la loi vers l'observation, qu'il appelait "résolution et composition", l'expérimentation servant de vérification. Comme certains auteurs arabes -Al-Haytham- dont ils s'inspirait, il considérait l'optique comme la science fondamentale; il subordonnait celle-ci et l'astronomie à la géométrie et il donna même la première description du principe du télescope astronomique. Il eut une très grande influence. Roger Beacon (1214-1294), élève du précédent et utilisant des Arabes tels Al Battani, décrivit aussi une méthode scientifique, notant soigneusement ses protocoles de façon que d'autres puissent indépendamment tester ses résultats mais ses travaux restaient encore assez loin d'une véritable méthode expérimentale. Il fut sans doute celui qui contesta le plus nettement l'autorité voire l'ignorance de l'opinion publique comme frein à la découverte de la vérité. Il en fut même emprisonné, pratiquant aussi l'astrologie et l'alchimie. Cette tendance se poursuivit au XIVème siècle, lorsque Guillaume d'Ockham énonca une formulation propre du principe dit de "parcimonie", ou "rasoir d'Ockham", une façon d'arbitrer entre deux théories ou plus, sans multiplier les causes au-delà du nécessaire, une façon de faire encore utilisée de nos jours. Puis des scientifiques plus avancés, alors, s'aventurèrent sur de nouveaux chemins, encore plus marqués de spéculation. Ainsi les travaux de l'érudit byzantin ancien Jean Philoponus inspirèrent Buridan qui en vint à remettre en question la mécanique d'Aristote et à développer une théorie de l'impulsion, premier pas vers le concept d'inertie. Ces attitudes amenèrent d'autres érudits de l'époque à énoncer les premiers linéaments de concepts qui ne devaient être complètement définis que par les scientifiques du XVIIème siècle, ainsi le théorème de la vitesse ou le possible mouvement de la Terre et non de la sphère céleste. Ces savants, de plus, expressément opposèrent science et explications religieuses des phénomènes du monde physique. Tout cela, cependant, fut interrompu, vers 1350, par les malheurs des temps qui firent entrer l'Occident dans une crise prolongée: la Grande Peste et la Guerre de Cent Ans frappèrent l'Europe et particulièrement les villes, lieu de ces recherches. La France puis l'Angleterre, surtout, furent affectées alors que l'Italie, les Flandres ou la Rhénanie tendirent à échapper. De nouveaux évènements se produisirent aussi à cette époque: invention de l'imprimerie en 1453, prise de Constantinople par les Turcs la même année -amenant des érudits byzantins à se réfugier, avec leurs bibliothèques, en Europe, principalement en Italie, des voyages de découverte et de mission vers l'Extrême-Orient ou l'Afrique entrepris par des Italiens -tel Marco Polo- ou des Portugais, menèrent à un renouveau de l'activité intellectuelle, ce qui fut la Renaissance. Celle-ci se fonda essentiellement sur les auteurs grecs soit ceux de l'Antiquité, soit ceux du Moyen Age byzantin. Les Byzantins, du fait de la conquête de leurs territoires orientaux par les Arabes, avaient reculés en termes de science. Des mathématiciens tels Michel Psellos considérèrent les mathématiques comme moyen d'interpréter le monde et les oeuvres grecques qui avaient été sauvegardées dans le monde byzantin devinrent alors le moyen de faire passer la connaissance antique aux conquérants. Une forme de renaissance eut lieu dans l'Empire byzantin tardif, après le XIIème siècle, lorsque des savants byzantins traduisirent à leur tour des oeuvres arabes ainsi Grégoire Choniadès qui, en astronomie, mathématiques et en science en général, utilisa les oeuvres, entre autres, d'Abu Ma'shar al-Balkhi, Ibn Yunus, al-Khazini, al-Khwarizmi, ou al-Tusi, ce dernier l'auteur du "couple de Tusi", un concept qui pourrait avoir inspiré Copernic dans sa volonté de se débarasser de la théorie des épicycles d'Aristote. Les Byzantins purent aussi bénéficier de connaissances du temps des Perses sassanides ou de connaissances venues de l'Inde telles que citées par les auteurs arabes. Certains savants, enfin, en vinrent à utiliser des mots arabes, au lieu du grec, pour définir certains concepts. Ce furent ces travaux qui furent transmis à l'Occident après la chute de Constantinople

Ce qu'avait été la science arabe

Pour ce qui est de la science arabe, le monde arabe, vaste ensemble de territoires et d'états, avec l'arabe comme langue unique, ne pouvait que fournir un cadre favorable au développement d'une culture unifiée. Ses frontières ou ses échanges commerciaux avec l'Inde ou l'Extrême-Orient, les textes trouvés chez les Sassanides, donnèrent accès à d'autres ressources. L'érudition islamique, pendant 8 siècles, se fonda sur les textes des anciens Grecs, pris dans les bibliothèques d'Egypte et autres territoires byzantins, sur les textes des Indiens et l'éthique, aux débuts, joua un rôle important en termes de science. Les Arabes, essentiellement, prirent des textes scientifiques anciens, en médecine, en astronomie et en mathématiques et ils en firent la base sur laquelle ils fondèrent leurs propres découvertes voire des domaines scientifiques nouveaux. Les Arabes doivent être considérés comme les inventeurs de l'expérience scientifique moderne, en particulier le savant et médecin du XIème siècle, Ibn al-Haytham (ou Alhazen) avec ses travaux sur l'optique vers 1021. Les expériences, ensuite, servirent aux savants arabes de moyen de décision entre théories opposées. Al-Biruni, aussi au XIème siècle, lui, développa une méthode expérimentale en mécanique et, avec Al-Khazini, il unifia statique et dynamique en mécanique et il combina l'hydrostatique et la dynamique en hydro-dynamique. Avicenne théorisa le concept d'inertie ainsi que le concept de mouvement. Au XIIème siècle, Avempace inventa le concept de réaction et Abu'l Barakat énonça qu'une force appliquée continûment produit une accélération. Ce sont les Arabes qui inventèrent la chimie moderne, en particulier Jabir ibn Hayyan. Celui-ci inventa l'alambic, le serpentin ainsi que les procédés classiques de la chimie tels la distillation, la filtration, la cristallisation, la purification, l'oxydation et autres. Le monde arabe produisit aussi, en termes de science appliquée, un grand nombre d'ingénieurs, ainsi al-Jazari. Cette activité était à relier au fait que le monde arabe était essentiellement un monde du commerce et des échanges. Des progrès significatifs eurent lieu en botanique, annonçant l'agronomie moderne. Participèrent également à l'amélioration de l'agriculture la météorologie, la climatologie, l'hydrologie, l'occupation des sols, diverses techniques et procédés en matière d'irrigation et d'autres domaines ou l'économie des entreprises agricoles. En astronomie, les savants arabes sont connus pour leurs recherches théoriques qui pourraient avoir influencé la révolution copernicienne en Europe. Ainsi un modèle héliocentrique d'Ibn al-Shatir, qui se débarassa des épicycles pour mieux correspondre aux observations, des modèles planétaires d'Al-Battani, Avéroès et Maragha, le couple de Tusi et de Mo'ayyeduddin Urdi. Les savants arabes réfléchirent aussi à la rotation de la Terre. L'héliocentrisme fut aussi l'objet de recherches de Biruni, Al-Sijzi, al-Shirazi et al-Tusi. La précession des équinoxes fut également mieux définie sur la base des connaissances que la Babylonie et la Chaldée avaient accumulées pendant mille ans. Les savants arabes contribuèrent aussi fortement aux mathématiques: algèbre, algorithmes, reprise des chiffres hindous -qui, améliorés, devinrent les chiffres arabes, trigonométrie, analyse des fréquences, géométrie analytique, formule générale du calcul intégral et infinitésimal, le tout dû à des auteurs tels Al-Khwarizmi, al-Kindi, Ibn al-Haytham ou Omar Khayyam. Le monde arabe essaya aussi de réfuter la géométrie d'Euclide et le postulat des parallèles, ou inventa la géométrie algébrique ou symbolique. Les médecins contribuèrent aussi fortement à leur art: hôpitaux -dont hôpitaux psychiatriques, écoles de médecine. Ils appliquèrent les mathématiques et les méthodes quantitatives à la médecine et à la pharmacologie (Al-Kindi), inventèrent la médecine expérimentale et les essais clinniques (Avicenne) et il y eut aussi des travaux en psychologie expérimentale. De nombreux instruments chirurgicaux sont dûs au monde arabe. Les Arabes connaissaient les circulations pulmonaire, capillaire et coronaire. Ibn Khaldun, un érudit originaire de ce qui est aujourd'hui l'Algérie fut un précurseur en sciences sociales et en histoire

Et l'alchimie médiévale?

Née au IIIème siècle de notre ère en Egypte, elle fut ré-introduite dans l'Europe médiévale via la reprise de contact avec les textes arabes. L'alchimie est d'abord un mysticisme car elle vise un parallélisme entre l'avance des expérimentations et celle de la spiritualité de l'expérimentateur. Quand il atteint le "Grand Oeuvre", l'alchimiste devient l'"homme éveillé". Cet état d'esprit est maintenu via les rites et les textes cryptés voire des relations avec l'architecture ésotérique ou l'astrologie. L'alchimiste, par ailleurs, est sans doute la première figure du scientifique moderne. Venues du monde arabe, ses techniques sont déjà celles de l'expérimentation. L'alchimie, par cet aspect, portait en germe, comme la science arabe, la méthode scientifique du XVIIème siècle. Au point qu'Albert le Grand, par exemple, sut préparer de la potasse caustique ou décrivit le cinabre comme étant du sulfure de mercure. Le bicarbonate de potassium, le zinc, la connaissance ou la manipulation des gaz, les alambics, les distillations ou les cuissons longues étaient connues dès cette époque. Certaines pratiques alchimiques préfigurent même des pratiques scientifiques contemporaines avancées, telles la fusion de zone (raffinage et purification multipliées), l'utilisation de lumière polarisée (les alchimistes utilisait une lumière réfléchie par un miroir ou la lumière de la Lune), les catalyseurs. Même la physique atomique peut, par certains aspects, obtenir des isotopes d'or radioactif par bombardement de mercure avec des neutrons rapides. Les écrivains alchimistes médiévaux européens ne présumaient pas que la matière était faite de particules, et ils adoptaint plutôt une idée de l'alchimie islamique qui voyait les métaux en termes de deux constituants primordiaux : le chaud, sec (le 'soufre') et le froid et liquide (le 'mercure'). Les philosophes islamiques comme chrétiens, par ailleurs, suivaient Aristote dans sa définition des substances selon leur faisceau de propriétés: dureté, jaunissement, lourdeur, par exemple, dans le cas de l'or. Aristote suggérait que ces attributs étaient portés par une 'matière première' sous-jacente, laquelle n'avait aucune forme propre et existait dans un état potentiel et indiscernable. La représentation des propriétés, plutôt que des structures, devint ainsi une caractéristique majeure de l'imagerie alchimique européenne. Finalement, au XVIIIe siècle, les partisans de la nouvelle discipline qu'était la chimie adoptèrent leurs propres formes de nomenclature et de représentation

En guise de conclusion, on peut dire que la science moderne se construisit essentiellement sur la base des travaux de l'Antiquité grecque tels qu'ils furent redécouverts, en Europe, par le biais des Arabes, à partir de l'an Mil. La Renaissance, ensuite, fut essentiellement le produit des réfugiés byzantins et d'une tendance, dans l'Europe chrétienne, à penser de façon indépendante de l'Eglise. L'un des mérites de la science occidentale médiévale aura été de passer les penseurs grecs à la Renaissance mais la mutation de la conception du savoir via l'imprimerie, la généralisation des universités ou l'arrivée de scientifiques-ingénieurs (tel Léonard de Vinci) est la marque de la Renaissance, qui accomplit une véritable "révolution" conceptuelle et généralise l'expérimentation ou la mathématisation de la physique via des outils quantitatifs. Le savant, désormais, ne rechigne plus à se fier, tel Galilée, à ce qu'il observe au travers d'un instrument issu des arts mécaniques et techniques. Pour ce qui de la relation entre la science et l'Eglise, on peut attirer l'attention sur ce qui suit: la science revendique de travailler indépendamment de tout pré-supposé non-scientifique. Ce qui, fondamentalement, semble illogique puisque le scientifique, par exemple, doit d'abord accepter la vérité de sa propre existence et même du monde physique. Le scientifque ne peut nier non plus qu'il ne perçoit le monde physique que par les sens dont les impressions doivent être comprises par la raison. Aussi, en ce sens, il semble faux d'affirmer que la science peut travailler indépendamment de tout pré-supposé non scientifique, particulièrement parce que la science doit toujours emprunter un certain nombre de principes établis qui viennent de la philosophie ou de la simple raison. Les partisans de la science ont presque tout le temps tenu l'Eglise comme essentiellement non-scientifique car reposant sur des pré-supposés non certains et considéré que les scientifiques catholiques ne peuvent jamais être de vrais scientifiques. Une telle approche conflictuelle a été particulièrement vraie de la part d'un certain type de science ou de philosophie athées, théistes ou anti-chrétiennes, lesquelles prennent comme prémices que la liberté de la science ne peut réellement exister que si l'on refuse toute notion d'un Créateur du monde physique. Sur ce point, l'Eglise, bien évidemment, peut facilement faire remarquer qu'une telle approche scientifique doit ériger une ligne défensive autour d'un tel point de vue, lequel demeure un point de vue supposé qui n'a jamais été, jusqu'à aujourd'hui, prouvé sur une base scientifique

Website Manager: G. Guichard, site Learning and Knowledge In the Carolingian Times / Erudition et savoir à l'époque carolingienne, http://schoolsempire.6te.net. Page Editor: G. Guichard. last edited: 1/31/2012. contact us at ggwebsites@outlook.com
Free Web Hosting