logo du site et lien-retour vers la home page française flèche retour Erudition et savoir à l'époque carolingienne
image décorative .Evolution générale de la culture de Rome aux Carolingiens .La renaissance carolingienne .Alcuin .Paulin .L'enrôlement du clergé .L'Ecole palatine

La renaissance carolingienne

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La renaissance carolingienne eut pour langue le latin et ne présenta jamais d'oeuvres en langue vulgaire comme ç'allait être le cas vers l'an 1200. Ce fut une renaissance savante. Il est probable qu'il faut y voir l'influence de ce qui s'était passé en Irlande et en Angleterre ou culture équivalait à latin et romanité sans compter l'oeuvre précurseur d'un Cassiodore ou d'un Isidore de Séville. A la suite des Irlandais du VIIème siècle, les Anglo-saxons s'installèrent sur le continent et y importèrent leurs vues -et entretinrent, de plus, des relations avec l'Italie. Les érudits avec lesquels Charles lance la renaissance participe de ceci. La réforme est d'abord une réforme d'Eglise, par l'Eglise laquelle établit la norme -donc l'unité- de cette renaissance. Malgré la volonté de Charlemagne de référer à l'Antiquité classique, l'Eglise imposera des références factuelles, détachées du contexte. De plus, eût-on voulu plus de références, celles-ci auraient déjà été éloignées de l'évolution qui se faisait vers les langues vulgaires. Le savoir profane, malgré la part primordiale prise par l'Eglise dans la renaissance carolingienne, a cependant connu un essor et un enrichissement remarquables entre la fin du VIIIème et la fin du Xème siècles. En particulier, au côté de la grammaire, finit par se redévelopper la dialectique: se constitue un corpus (Boèce, pseudo-Augustin, Alcuin et leurs gloses et imitations) alors que finit aussi par se rédévelopper une partie du quadrivium -astronomie, comput, géométrie. Cette évolution, cependant, ne remet aucunement en question la tutelle de l'Eglise sur le mouvement culturel. Dès le IXème siècle, les écoles monastiques et cathédrales, en plus des textes littéraires et d'Eglise, s'affrontaient aux chartes, textes administratifs et juridiques. Cette importance de l'Eglise, cependant, ne doit pas être conçue comme monolithique: l'Eglise de St Boniface de l'époque de Charles Martel n'est pas l'Eglise du césaropapisme de l'époque de Charlemagne qui ne sera pas celle de ses successeurs sans oublier la question du gallicanisme. Malgré le rôle important de l'Eglise dans la renaissance carolingienne voire les renaissances culturelles qui l'ont précédée, le rôle des laïcs -une volonté politique- existe aussi (ce qu'on retrouve aussi dans l'Italie ostrogothique, l'Espagne des Wisigoths ou l'Italie lombarde: l'Eglise s'appuie sur le pouvoir politique qui s'appuie sur l'Eglise; en Angleterre l'Eglise a repris ces expériences dans une île peu latinisée et morcelée politiquement). On peut dire que l'expérience anglaise a trouvé dans le royaume carolingien le cadre à sa mesure, un royaume structuré et certains auteurs font même remarquer que les Francs carolingiens étaient moins latinisés que les Francs de Clovis. L'époque carolingienne tient là une autre de ses ruptures: les Francs des Pippinides/Carolingiens n'entretiennent plus avec la latinité les relations qui avaient pu être maintenues auparavant, chez les Francs comme dans les autres royaumes germaniques alors que la romanité restait vigoureuse. Les Carolingiens ne sont plus des locuteurs du latin -Charlemagne lui-même parle surtout le francique- et ce point encore favorise le rôle de l'Eglise et des missionnaires venus d'Angleterre. La renaissance est finalement, d'abord linguistique. Par ailleurs, la symbolique des jeunes nobles francs admis aux écoles de l'Eglise tendra à rester une symbolique et une tendance nette s'installera que les clercs, plus instruits, appliqueront leur meilleure éducation non seulement aux fonctions ecclésiales mais aussi à l'administration. Certains clercs, dès sous Louis le Pieux, moins césaropapiste, s'opposeront à l'éduction des laïcs et certains auteurs pensent que les clercs furent en fait peu empressés à aider la renaissance selon Charlemagne. La chancellerie carolingienne, du chancelier aux clercs, sera, ainsi, essentiellement entre les mains des clercs, les clercs pouvant postuler ensuite à l'épiscopat. L'Ecole palatine tend à disparaître sous Charles le Chauve et sous le même règne, les textes impériaux traitant des écoles n'existent plus alors qu'on les retrouve dans les textes conciliaires. Des textes en langue germanique finissent par disparaître au Xème siècle (avant de reprendre au XIème siècle dans la seule Germanie) et le latin rénové, malgré l'apparition des langues vulgaires, s'impose pour 250 ans comme langue culturelle particulièrement en Gaule du Nord, partie du centre du pouvoir carolingien où la langue vulgaire se distancie plus qu'au Sud du latin. L'accumulation, par la copie, d'oeuvres en latin participe aussi de cette logique. Certains vont même jusqu'à penser qu'un latin rénové, devenu langue d'élite et sacrée voire ésotérique propre à l'Eglise aurait permis de renforce l'identité de celle-ci sans compter une volonté de s'isoler, dès vers 800, des liens de parenté avec les aristocraties

Les Irlandais, n'ayant pas été colonisés par Rome, sont restés des Celtes, amis de l'art oratoire, du bien dit voire du maniéré et du compliqué. Cette absence de Rome ne les a pas mis en garde contre le paganisme gréco-romain qu'on trouve chez les auteurs antiques et ils ne voient chez ces derniers que ce qui correspond à leurs goûts. Par ailleurs, cependant, on ne sait pas vraiment comment la culture antique est arrivée jusqu'aux royaumes d'Irlande. Jusque vers 700, la culture reste, partout en Europe, celle d'une Eglise missionnaire alors qu'avec une forme de pacification de l'Europe de l'Ouest, l'Eglise va devenir le lieu de la culture nouvelle, celle des royaumes germains d'Occident. En particulier, ces missionnaires qui, avec Boniface, vont venir du pays des Anglo-saxons -lequel n'a pas connu de vraie culture celto-romaine comme les Gaules, par exemple- sont porteurs d'un pragmatisme simple: ils ont inventé une culture "occidentale". Dans l'Angleterre anglo-saxonne d'alors, la Mercie ne sera pas cultivée alors que la Northumbrie deviendra "italienne" (Bède sera l'Isidore des Anglo-saxons; Alcuin, lui, ainsi, sera d'York, un pays peuplé par le peuple germanique des Angles). Le Wessex -partie de ces parties de l'Angleterre peuplée par les Saxons- lui, bien qu'aussi évangélisé par Rome et un Franc venant d'Irlande (!), est resté sous l'influence littéraire des pays celtes, les jeunes anglo-saxons étant toujours attirés par la réputation des écoles irlandaises. Aldhelm cependant va contrer le mouvement et montrer que les écoles locales valent autant, y compris pour l'aspect grec de la culture d'Irlande; il y introduit les arts libéraux. La génération d'après sera celle de Boniface et des missions du Wessex vers le continent. La culture de la renaissance carolingienne devint donc largement tributaire de cette influence: on n'est plus gréco-latin par celticité mais par revendication wessexienne d'autonomie par rapport aux monastères d'Irlande. On a là, à l'évidence, une des grandes logiques de la culture carolingienne (on approche la culture gréco-romaine comme un donné alors, qu'à l'origine, elle est aimée des Irlandais sur la base de leur celtitude) et aussi une grande question (jusqu'où va cette réutilisation de l'Irlande? Dans l'esprit de la mission? Y a-t'il tout de même une résurgence du contenu irlandais -lequel pouvant servir de base au retour des Irlandais après Charlemagne?)

La renaissance carolingienne sera d'abord une renaissance littéraire, qui permettra une renaissance théologique; elle aura lieu, vers 800, dans le coeur des états francs, de la Franconie à la Loire et de Lyon à la mer du Nord -région déjà fertile, sous les Mérovingiens, en conciles. Même St Boniface agissant en Germanie n'y sera pas étranger. On voit les clercs revenir aux spéculations et débats théologiques et élites germaniques et peuples commencent de vivre une vie meilleure. Deux douzaines de volumes païens et ecclésiastiques dans une bibliothèque de monastère sont un trésor. Ces trésors ont surtout été conservés par l'Irlande, ce qui expliquera le renouveau de la théologie comme le retour de l'Antiquité païenne. Depuis longtemps, si la science divine est but ultime de l'éducation de ceux qui se consacrent à la vie religieuse, le savoir antique est alors remis à l'honneur comme le fondement de toute vraie culture: les sept arts libéraux sont les sept colonnes du savoir. Cependant, les théologiens, pour le IXème siècle en entier, n'arriveront pas à la centaine et d'abord, tout cela est fragmentaire. La figure exemplaire en est, bien sûr, Alcuin, touche-à-tout et débordant d'activité mais qui n'a que peu de temps pour la théologie. Est-ce un hasard, si cette thélogie simple, fondamentale donnera les débats sur deux thèmes -immuables parce qu'élevés, de l'Eglise- de la prédestination augustinienne (Godescalc) et sur la nature raisonnée de Dieu (le néoplatonisme de Scot Erigène à St-Denis). Si la renaissance littéraire allait être éphémère, son impact théologique fut important et la scholastique du XIIIème siècle allait trouver beaucoup de chose déjà prêtes et cette prégnance théologique sera vraisemblablement due au fait que l'idéal de l'empire des Carolingiens est si "foncièrement" chrétien. Non seulement la théologie, qui bénéficia de l'Empire, se survivra mais aussi, ne serait-ce que par la pérennité des écoles, la renaissance intellectuelle même. La renaissance du IXème siècle est peu prolixe en ressources antiques: Virgile, quelques grands auteurs; pour les études, Boèce, Cassiodore et Bède le Vénérable -ce dernier servant de grammairien, philosophe et théologien. Le "roman pédagogue" de Martianus Capella -poète, philosophe, grammairien, moraliste voire pédant- est le manuel scolaire de référence. Charles, roi barbare, reste fasciné par la culture, donc Rome et l'Italie, Byzance, les érudits. Vingt lettrés constituent l'entourage érudit du Palais, Alcuin étant le plus grand érudit du temps. Thédulf est aussi un missi dominici. Un tel entourage rappelait celui des empereurs romains. La renaissance carolingienne, parce qu'elle vise à obtenir la bénédiction de Dieu sur les Francs, s'efforce de connaître Dieu (elle unifiera la messe) et elle est un mouvement d'ordre, sous la férule. Les manuscrits carolingiens, qui nécessitent 400 moutons, avec leurs enluminures, sont des produits de très grand luxe et sont, finalement, des collections d'art. Sur 750 auteurs antiques, la renaissance carolingienne en gardera 150, ce qui constitue la base contemporaine de la connaissance des auteurs de l'Antiquité. La renaissance carolingienne n'eut jamais pour but de restaurer les façons antiques de faire ou de penser mais elle correspondit essentiellement à la volonté de Charles de répandre dans ses domaines les nouvelles façons, européennes qui étaient apparues dans les monastères d'Occident: les écoles enseignant la littérature antique et les arts libéraux visaient à permettre une meilleure étude des textes sacrés. En tant qu'empereur de la Chrétienté, Charlemagne devait se soucier d'une religion relevant de clercs instruits, et libre de l'hérésie. Cependant, Charlemagne, à l'imitation des grandes idées qui étaient remuées autour de la restauration de l'Empire, n'empêcha pas les érudits de la cour de se gargariser de surnoms antiques. Alcuin s'appelait Flaccus (pour Horace) ou Théodulf Pindare. Ces buts de la renaissance culturelle furent bien énoncés dans l'"Admonition generalis" de 789, qui ordonnait l'enseignement des clercs et la correction des livres dans les évêchés et les monastères et idem dans la "Epistola de litteris colendis" vers 797. Le voeu de Charles était aussi d'étendre le bénéfice de ces réformes aux laïcs aux fins de disposer de fonctionnaires et hommes de cour plus instruits. La renaissance pourrait aussi avoir été le rêve de faire revivre l'Antiquité dans les lettres alors que l'impossibilité de l'unité avec Byzance l'empêchait sur le plan politique, y compris une fois l'Empire d'Occident restauré. L'Europe y gagna son unité culturelle

->Le néoplatonisme
Le néoplatonisme fut la dernière forme prise par la philosophie païenne grecque au cours des premiers siècles de l'ère chrétienne, du IIIème jusqu'au milieu du VIIème siècle. Ce dernier effort de la philosophie antique à se régénérer sous la forme d'une école se fonda surtout sur les idées religieuses de l'Orient jusques et y compris l'aryanisme hindou. Cette renaissance était un besoin évident car l'Empire romain avait fini par épuiser comme n'étant pas adéquates, les écoles grecques précédentes comme le stoïcisme, l'épicurisme, l'éclectisme ou le scepticisme qui, toutes, avaient échoué dans leur effort de "rendre l'homme heureux". D'une façon générale, ceci fit du néoplatonisme un effort syncrétique d'unification de ce que tout ce que les Grecs avaient produit en termes de culture et un effort pour fournir une toile de fond et une justification rationnelle au polythéisme d'Etat. Le néoplatonisme fut aussi l'outil pour démontrer aux Chrétiens -qui révéraient Platon- que le paganisme n'était pas complètement défait. Le terme néoplatonisme est contemporain car les philosophes de cette tendance ne se pensaient pas comme engagés dans une forme d'effort de résurrection de la pensée de Platon mais ils se considéraient comme des platonistes et il tenaient la pensée de Platon en plus grande estime que celle d'autres philosophes grecs. Le néoplatonisme peut être considéré comme le méta-discours philosophique de l'époque. A la différence du platonisme qui avait exprimé une conception sur le point de savoir si ou pas les objets de conscience (concepts abstraits, nombres, propriétés géométriques, etc.) étaient ontologiquement prédécesseurs de la matière, les néo-platoniciens, quoique partisans, comme tous les Grecs, de cette priorité ontologique de l'intellect -le "nous"- sur le monde physique, rejettaient l'importance d'un tel débat en tant qu'il ne s'agissait que d'un simple détail sans conséquences
Comme le monde avait continué d'évoluer et que l'Empire romain devait affronter les nouvelles religions de salut orientales, le néoplatonisme ne put plus se contenter de se maintenir dans une tradition de philosopher et, finalement, au IVème ap. J.-C., il dut devenir une construction scholastique et dogmatique en ajoutant des textes hellénistiques d'Egypte. Après la mort de l'empereur Julien l'Apostat en 363 -il était lui-même un néoplatoniste, le néoplatonisme dut refluer devant le Christianisme et se réfugia à Athènes jusqu'à ce que l'empereur Justinien, en 529, ordonnât que les écoles païennes fussent interdites. Le néoplatonisme survécut à Constantinople ou Alexandrie jusque vers 600 (cependant enseigné par des maîtres chrétiens ou partisans des Chrétiens). Ensuite, le néoplatonisme fut aussi, à partir du VIIème siècle, anéanti et approprié par le monde arabe. Le Christianisme, en tant que religion abrahamique, postulait aussi l'existence d'un principe divin unique qui était source de tout mais il concevait ce principe sous la forme d'une personne. Le Christianisme, ainsi, perpétuait des vestiges de l'anthropomorphime pré-philosophique, laquelle conception lui permettait d'éviter les questions difficiles auxquelles les derniers philosophes païens s'étaient heurtés: le principe premier personnifié en tant que personne et créateur (au sens de fabricant) permettait de mieux rendre compte de pourquoi le monde physique, issus d'un principe premier immatériel, était divers et complexe
Le néoplatonisme, finalement, fut d'une influence importante sur la philosophie du monde occidental et spécialement sur les théologiens chrétiens. Le spiritualisme platonicien avait été, dès les débuts du Christianisme, d'une aide puissante pour défendre et maintenir la conception qu'il existait une âme humaine -concept que rejetait le matérialisme païen (le platonisme et le néoplatonisme sont des réfutations du matérialisme psychologique). L'influence du néoplatonisme commença par St Augustin (354-430) en Occident et par les pères cappadociens du IVème siècle en Orient (St Basile, St Grégoire de Nysse, St Grégoire de Naziance) ainsi que par les écrits pseudo-manuscrits de Denys l'Aréopagite (début du VIème siècle). St Augustin, par ailleurs, était devenu méfiant vis-à-vis des écrits néoplatoniciens en ce sens qu'ils avaient été utilisés par les hérétiques -ainsi les Gnostiques; aussi en excoria-t'il beaucoup et revint en fait à un platonisme plus pur, plus proche des Dialogues de Platon. Denys l'Aréopagite, lui, fut l'un de ceux qui reproduisirent avec le plus de fidélité les doctines des néoplatonistes et il fut un disciple de Proclus, l'un des derniers maîtres du néoplatonisme; les monophysites utilisèrent ses oeuvres. Et surtout ce fut Scot Erigène qui traduisit Denys et qui adopta sa métaphysique dans des principes essentiels. Le néoplatonisme influença aussi profondément l'émergence de la théologie chrétienne qu'elle fut orthodoxe voire hétérodoxe. De plus, par le biais d'un traité manuscrit, la "Théologie d'Aristote", le néoplatonisme facilita l'intégration de la philosophie et de la science antique dans l'Islam -spécialement par Al-Kindi, Al-Farabi et Avicenne- comme dans le judaïsme -Maïmonide. Au moment de l'apogée du Moyen Age en Europe, l'aristotélisme et le néoplatonisme atteignirent l'Europe vie l'Espagne arabe. Et ce fut non seulement l'aritotélisme qui eut l'attention des théologiens -ainsi, bien sûr St Thomas d'Aquin- mais aussi le néoplatonisme qui, pendant un temps, bénéficia de la suspicion que l'Eglise éprouvait à l'encontre de l'aristotélisme. Le néoplatonisme, ainsi, avait survécu par St Augustin et Avicenne et la scholastique dut finalement choisir une voie moyenne entre trop d'aristotélisme ou trop de néoplatonisme (dans sa forme interprétée par Augustin). L'influence du néoplatonisme se perpétua, enfin jusqu'à Marsile de Ficin, le philosophe de l'académie des Médicis (1433-1499) et survécut d'une certaine manière à travers les philosophies idéalistes, jusqu'à, par exemple, Hegel, Fichte, Bergson ou Teilhard de Chardin

L'arrivée au pouvoir de Charlemagne marque la fin du déclin de la culture qui a atteint son plus bas au cours des 70 premières années du VIIIème siècle. Charles est le "père et restaurateur des Lettres", capable aussi bien dans les armes que la culture. Par des capitulaires renouvelés, l'ordre dans le clergé et dans le royaume sont rétablis. L'Occident connaît l'Etat le mieux gouverné et le plus florissant depuis des siècles. Ne trouvant pas les érudits nécessaires dans le monde franc, Charlemagne les fait venir de l'étranger: Pierre de Pise à Pavie, Warnefried à Aquilée et au Mont-Cassin, Clément l'Irlandais ou Théodulfe le Wisigoth. En 787 Charlemagne fait venir des maîtres de chant, des professeurs de grammaire et d'arithmétique. En 780, il convie Alcuin, Théodulf et Leitrade et l'Ecole palatine commence d'être connue. L'écriture est réformée vers 784, les écoles établies en 787. Paulin d'Aquilée aussi est l'un de ces érudits. Alcuin, par l'exigence orthographique et grammaticale, ses traités sur les arts libéraux, rénove méthodiquement la culture. Charlemagne, ensuite, ne juge pas déchoir en se faisant, lui et sa famille, y compris les filles, l'écolier des ces érudits. L'Ecole palatine du siècle précédent est développée et possède une bibliothèque importante pour l'époque; elle se fixe à Aix-la-Chapelle mais, constituée pour former les membres du gouvernement et de la cour, elle est également ambulante et suit les déplacements du prince. Enfin, l'instauration des écoles auprès des évêques et dans les monastères relance aussi l'émulation chez les clercs. Les "petites" écoles enseignent les psaumes, le chant, l'arithmétique et la grammaire; les "grandes" écoles les arts libéraux et les Ecritures. Le dessein culturel carolingien est également appliqué aux pays conquis. Une des techniques de Charles et d'inciter les clercs et érudits à l'étude par des questions écrites qu'il leur envoie sur l'histoire ou les questions d'Eglise. L'effort carolingien, sous Charlemagne, aboutit: les érudits font revivre les lettres et les sciences et les poussent aussi loin que l'époque le permet. Lyon, Orléans, Corbie, St-Martin-de-Tours sont des écoles remarquables. Fulda commence sa carrière de centre littéraire de la Germanie. De nombreuses autres écoles célèbres se développent. Partout, les plus doués enseignent aux autres et les clercs séculiers viennent autant s'y former que les moines. Ces écoles de Charlemagne donnent la génération des érudits du IXème siècle, sous Louis le Pieux et jusqu'au début du règne de Charles le Chauve. Chaque évêque, chaque abbé, chaque comte a un notaire ou un secrétaire qui met en forme écrite correcte. Même la Bible est corrigée. On encourage la lecture. L'écriture caroline naît, on réduit les barbarismes. Bénéficient du renouveau du règne -et bien que certains travaux restent encore lourds, encombrés d'ornement inutiles et peu critiques- la plupart des arts libéraux et la poésie est surtout une mode qui ne s'accompagne pas d'un intérêt pour la poétique. Et, bien sûr, les études d'Eglise, particulièrement la théologie, renaissent aussi (controverses, patristique, morale). Ce sont bien sûr les clercs qui constituent le plus gros bataillon des érudits de l'époque même si les laïcs, des femmes compris, y participent. Il faut cependant noter que, contrairement aux opinions dithyrambiques comparant la renaissance des lettres sous Charlemagne à une nouvelle Rome ou une nouvelle Athènes, le lustre de ces époques n'est pas retrouvé. Mais la renaissance de la culture a cependant bien eu lieu. On commence, déjà, par ailleurs, à voir le passage aux langues romanes. Sinon un retour à l'Antiquité, on aurait plutôt la poursuite de la synthèse européenne, là en termes de culture. Les ouvrages des érudits de la renaissance carolingienne, au IXème siècle -ceux de la deuxième génération- restent, comme aux débuts, marqué d'une érudition brute, mal digérée; on utilise les Anciens mais on ne les imite pas. Le style de l'époque reste grossier. Seuls quelques auteurs cependant, aussi bien en matière d'écrits sur la religion que dans des ouvrages profanes, s'élevèrent plus haut ce qui vaut aussi pour certains poèmes. Il entre aussi, dans la renaissance culturelle du règne de Charles, d'autres considérations: le fait, par exemple, que Charles, considéré comme l'illégitime d'une concubine, ait été, jusqu'en 751, tenu à l'écart de toute éducation. Ensuite, en tant que chef de la cité terrestre d'Occident, Charlemagne voit bien que la culture est une clé d'un bon gouvernement et que, de plus, la culture permettra d'affirmer cette forte entité politique du monde franc face aux autres régions du monde de l'époque -l'Espagne, Byzance, Bagdad- lesquelles possèdent, elles, un fort groupe d'érudits. La renaissance culturelle comporte bien une partie laïque et politique: Charles ne veut plus que les comtes se fassent lire leurs instructions par les clercs. La première génération des érudits est étrangère, la seconde est franque, celle d'une élite de guerriers qui se sont accoutumés aussi à la culture pour devenir des serviteurs efficaces d'une monarchie moderne. La culture des Grands reste épique et folklorique d'où que Charlemagne a fait rédiger les "antiques poèmes barbares" des guerres et des vies des anciens rois. Cependant, la renaissance carolingienne n'est pas restauration de l'Antiquité ou des lettres de Rome mais restauration de l'esprit de la patristique, de la nouvelle nature du pouvoir, celle de l'empire chrétien d'Occident. Sous Charlemagne, de nombreux scriptoria, en particulier dans les provinces orientales de l'Empire, demeurèrent sous l'influence de l'art et de la culture insulaire (peut-être un mélange d'Anglo-saxons et d'Irlandais, goût de l'abstraction qui s'oppose à une renaissance "humaniste"). Cette influence se maintint encore plus longtemps dans le Nord de l'actuelle France et donna un art "franco-insulaire". Deux cultures existent en Europe à l'époque de la Renaissance carolingienne: celle des monastères, du livre et celle des juristes. La première donne la priorité à la grammaire et la dialectique alors que la seconde le fait à une rhétorique simplifiée, adaptable aux besoins du moment. L'époque est aussi à une forme de séparation entre domaine d'activité des clercs et domaine d'activité des laïcs car chacun a une tâche spécifique; clers et laïcs, cependant, sont unis par la même appartenance à la latinité. Par la suite, en 4 siècles, les intérêts et les sphères d'activité ou d'influence fusionnèrent et eut lieu, en Italie, une fertilisation croisée entre culture de la grammaire et culture du droit, laquelle apporta finalement les conditions de l'humanisme renaissant. En France et en Allemagne, le mouvement avait été inverse: le maintien des études lettrées des clercs permit l'accueil des nouveautés juridiques venues d'Italie et cette forme de pré-humanisme s'exporta en Italie après vers 1250, y apportant la modération littéraire à l'encontre des luttes intestines qui s'étaient développées ainsi qu'en politique

L'art carolingien se réfère à une époque qui prenait pour modèle la Rome chrétienne de Constantin et du pape Sylvestre Ier. La Gaule mérovingienne, l'Italie lombarde, les îles Britanniques et la péninsule Ibérique devancèrent l'époque carolingienne et lui bénéficièrent en termes de référence, bien qu'à un moindre degré, à l'Antiquité et à l'époque paléochrétienne. On verra ainsi l'enluminure carolingienne reprendre des apports irlandais et anglais certains, ainsi que d'Italie et de Byzance. Un style antiquisant, d'une manière générale, existe qui vient de Byzance -qui n'avait jamais oublié l'Antiquité- et est apporté par les moines fuyant la querelle iconoclaste. Ce style se développera surtout en Italie et dans la région alpine et aura une influence sur les conquérants francs lesquels, l'importeront dans le regnum. Le style antiquisant se retrouvera dans l'enluminure (par plus d'illusionisme; Evangiles du Trésor de Vienne, école de Reims) et dans le travail de l'ivoire (par exemple la reliure de l'évangéliaire de Lorsch) ou l'orfèvrerie (autel en or de Sant'Ambrogio de Milan). Après avoir copié l'antique, les artistes carolingiens furent capables de créer par eux-mêmes. On assistera même à la renaissance de l'urbanisme, les villes s'étendant au-delà de leurs murailles ou reconstruisant leurs cathédrales. L'art carolingien, finalement, est aux origines d'un art occidental original qui sera malheureusement interrompu voire annihilé par les désordres d'après Charlemagne. Un tel effort original ne pourra être repris qu'avec l'art roman

Charlemagne et les promoteurs de la renaissance considéraient que la renaissance des arts (peinture, architecture, etc.) en faisait partie, basée sur l'amélioration des techniques, le développement des programmes iconographiques ou l'enrichissement des formes. Ce qui passait nécessairement par l'appel au passé romain. On s'inspira donc des modèles de l'Antiquité classique ou paléochrétienne. La renaissance carolingienne en ce domaine est "une suite de redécouvertes ayant toujours suscité une ferveur renouvelée". La diversité des modèles auxquels on recourut explique l'extrême diversité des styles. Au fur et à mesure que le temps a passé, les enlumineurs, par exemple, ont eu accès à des modèles plus anciens, plus proches de l'Antiquité. En matière de littérature, la renaissance carolingienne n'aura peut-être pas eu assez de temps, en ses débuts, du fait de la tâche de perpétuer, par la copie, les textes antiques. D'une façon générale, ce seront la poésie, les vies de saints et l'histoire qui auront la faveur des auteurs de l'époque. En matière d'art, plus généralement, les Carolingiens se situent à la fin d'une période incertaine entre fin de l'Empire romain et art roman, le "premier grand style unificateur" de l'Occident. Une fois sédentarisés, les Barbares vont insuffler un sang nouveau, créer et renouveler les formes. Les Carolingiens, tout particulièrement, renouvelleront l'architecture, la fresque, l'orfèvrerie ainsi qu'ils fonderont une superbe école de manuscrits. L'art des temps barbares et l'art pré-roman seront une synthèse entre Antiquité et nouvelles techniques et visions. L'unité restaurée, l'appui de Rome assuré font de l'époque carolingienne le "temps des bâtisseurs". Des centaines d'églises, abbayes et palais vont être construits, cadres d'une présence publique plus affirmée, de l'adoption de la liturgie romaine et du développement du culte des reliques. Avant la renaissance carolingienne, c'était l'orfèvrerie qui avait atteint une haute qualité tout en restant sous l'emprise de l'influence barbare et, sous les Carolingiens, ce sera dans l'ivoirerie que sera vraiment atteint un autre sens de l'identité voire qui sera l'expression vraiment maîtrisée de celle-ci. L'enluminure, sauf exceptions, restera trop empreinte de modèles latins finalement peu assimilés et trop nombreux. L'influence de Byzance sur l'art d'Occident fut importante dès l'époque carolingienne en lien avec l'émigration des illustrateurs byzantins au moment de la querelle des iconoclastes; ainsi le psautier d'Utrecht réalisé à Reims vers 820 comporte la première crucifixion réalisée en Occident (psaume 116). Dans ces scènes de crucifixion, la Vierge devient une figure maternelle souffrante même si le réalisme reste limité. L'orfèvrerie mettra du temps à être maîtrisée. Le mot d'ordre général de la renaissance, cependant, est repérable: l'"humanisme", le retour à la représentation de l'humain par rapport à l'abstraction

->Les auteurs antiques connus vers 850
Vers le milieu du IXème siècle, pour ce qui est de l'Antiquité latine, on connaissait: Lucain, Juvénal, Perse, Térence, Salluste, Pline l'ancien, Sénèque le Rhéteur, Virgile, Horace, Justin, Vitruve, Aulu-Gelle, Valère Maxime, Stace (la Thebaïde), Sénéque (les Lettres), Cicéron (ses oeuvres de rhétorique et de philosophie)

Via l'influence d'Alcuin, Théodulfe, Loup et les autres, la renaissance carolingienne gagna Reims, Auxerre, Laon et Chartres. En Germanie du Sud et en Suisse, la renaissance arriva, avant la fin du VIIIème siècle à Rheinau, Reichenau et St-Gall et au début du IXème en Italie du Nord, spécialement à Pavie et Bobbio. Sous les successeurs de Charlemagne, la renaissance gagna, aux Pays-Bas, les écoles d'Utrecht, Liège et St-Laurent, qui poursuivirent le mouvement. Si Charlemagne a posé les bases idéologiques et pratiques (écoles, copies, etc.) de la renaissance culturelle qu'il souhaite, celle-ci ne portera tous ses fruits que sous Louis le Pieux, Lothaire et Charles le Chauve, ses successeurs. Sous son règne, en effet, les écoles et les maîtres manqueront. Malgré les premiers désordres dûs aux invasions vikings, l'Empire carolingien, après 850, connaît pourtant la seconde renaissance carolingienne qui, en Bourgogne par exemple, est portée par Vézelay, Pothières, Corbigny, Charlieu, Anzy-le-Duc ou St-Vivant-de-Vergy. St-Germain-d'Auxerre rayonne dans toute l'Europe et nourrira la théologie de Cluny. La cour littéraire de Charles le Chauve (840-877) fut extrêmement brillante et elle éclipsa même celle de Charlemagne, son grand-père par le nombre d'écrivains, poètes, philosophes, thélogiens et historiens. L'époque tend à assumer tout ce qui s'est fait depuis les débuts de la renaissance et, de là, à innover. Cependant, très vite, les malheurs des temps et la dissolution progressive de l'Empire font qu'à partir de Charles le Chauve, le dynamisme de la renaissance culturelle se perd. Les lettrés redeviennent les clercs et les Grands n'en reviennent qu'aux rapports de force. On passe, assez rapidement, de l'effort d'ordre et d'efficacité du tournant des VIIIème et IXème siècles au retour du désordre du Xème siècle. Le Xème siècle bien qu'à nouveau "siècle de plomb" et de ténèbres, verra cependant de certaines hauteurs. Les laïcs cessent de se cultiver. L'Eglise, de nouveau, est emportée dans la tourmente du déclin de la féodalité et des moeurs. La culture se perd. Le français roman, de plus, l'a emporté sur le latin. Un Gerbert ou un Abbon de Fleury, à la fin du siècle, se verront, pour la culture qu'ils ont acquise, taxer de magiciens. Le renouveau d'invasions (Normands, Hongrois voire Sarrasins) détruit des livres et des bibliothèques. Le livre devient rareté et ces déprédations ont fait disparaître l'essentiel des ouvrages de l'époque précédente. La divination, les enchantements et explications merveilleuses du monde l'emportent; il n'y a même plus d'hérésies mais seulement des déviations populaires car il n'y a plus de lettrés; le millénarisme annonce la fin des Temps. Un autre signe de désordre est l'apparition, à la fin du siècle, du "roman" -les chansons de geste- mouvement qui peut devoir à l'influence de l'Espagne arabe. Véhiculent cette culture de fable et, finalement, de facilités, les troubadours du Sud et les trouvères du Nord. Cette mode contribue aussi à détourner des lettres utiles. Face aux désordres, quelques prélats tentent cependant de réagir et, surtout, la réforme bénédictine de Cluny, qui rétablit l'ordre -et les écoles- dans les grandes abbayes de l'Occident, permet, entre autres, de ralentir le déclin; les élèves de nouveau formés, deviennent évêques et portent ces efforts dans leur cathédrale. Certains Grands et souverains -les plus connus étant Guillaume V d'Aquitaine ou Hugues Capet- continuent aussi d'avoir à coeur d'être instruits. De grands érudits, enfin -ainsi Rémi d'Auxerre, Gerbert ou Abbon de Fleury- maintiennent la transmission de ce qui s'est fait au tournant des VIIIème et IXème siècle et, à la fin du siècle, en certains lieux, non seulement la tradition de la culture s'est perpétuée mais on assiste à une véritable nouvelle renaissance qui reprend les termes de celle du règne de Charlemagne. Gorze, Liège, Paris, St-Gall, Auxerre, Fleury et d'autres en furent le cadre. Le renouveau de la culture reste cependant localisé par ses contenus et ses efforts et il manque d'un cadre général comme celui que fournissait l'Empire carolingien. On peut penser que ce mouvement fut influencé et eut des liens avec la renaissance ottonienne des empereurs d'Allemagne, qui se centra sur Reichenau alors que certains auteurs penchent nettement, comme on vient de l'évoquer, pour ce que cette époque fut réellement une troisième renaissance carolingienne. La renaissance carolingienne, ainsi, est un maillon essentiel à l'émergence de la synthèse européenne. Malgré les désordres engendrés par les divisions et les menaces, les acquis de la renaissance carolingienne s'installàrent définitivement dans le paysage culturel européen. En 800, les textes antiques sont encore à préserver. Au XIIIème siècle, on aurait dû les chercher avec plus d'intensité. Charlemagne a aussi permis le retour à la logique voire aux sciences et la réapparition de l'écrit dans l'administration et la justice. Idem en termes d'Eglise: la renaissance a permis de sauvegarder les textes de la patristique et de préparer les synthèses à venir. D'une façon générale, enfin, la renaissance culturelle de l'époque carolingienne aura été commencée dans un esprit romain et d'orthodoxie dogmatique, le grec des Irlandais ne visant que les domaines scientifiques. C'allait être l'âge de l'art roman, non plus un art de cour ou de mécènes mais un art seulement d'Eglise né en Italie du Nord, Bourgogne ou Catalogne

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